Chapitre 1 (partie 1)

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Les soubresauts de la charrette sortirent Aldavir de sa torpeur. Blotti sous son épaisse couverture le protégeant à peine du froid nordique, il maugréa. Il n'y a que les marchands ambulants pour oser mettre un pied dehors par un temps pareil ! Il s'essuya le nez d'un revers de manche et renifla. À ses côtés, le vieux Radulf ne perdait pas une miette de ses réactions. Aussi, il se garda bien d'émettre le moindre commentaire sur la température glaciale, son épuisement ou son ventre affamé.

— Il n'y a que les hommes, les vrais, qui affrontent le froid. Pas vrai, gamin ?

— Ou les abrutis, grogna l'adolescent dans sa barbe.

— Allons, allons, Al ! Ne te laisse pas impressionner par une petite neige de rien du tout ! T'as quinze ans, t'es plus un bébé !

Il accompagna son encouragement d'une tape franche dans le dos du garçon, qui se retrouva presque projeté sur la croupe de Klothilde, leur vieille jument.

— Rad, mince ! Tu pourrais faire attention !

— Arrête un peu de geindre et repose tes fesses sur le siège. Burnwick ne devrait plus être loin, à présent. J'ai hâte de revoir ce bon vieux Diter. Rah ! dans ma folle jeunesse, nous avons fait les quatre cents coups ensemble ! Nous étions des mômes impulsifs et bagarreurs... Faut dire que les temps étaient durs. Fallait se bouger le derrière pour espérer dormir le ventre plein.

Son compagnon soupira, déjà assommé par les souvenirs que son protecteur ne manquerait pas de lui conter. Il se moquait bien de ces récits. Tout ce qu'il espérait, c'était obtenir un toit pour la nuit et au moins une soupe chaude. Leur bourse ne contenait plus que quelques piécettes qui disparaîtraient rapidement dans l'achat d'un seul repas. Et Radulf mangeait déjà pour deux...

Le vieux marchand souriait.

— Cela fait bien neuf ans que je ne l'ai pas revu. J'espère que ce vieux bougre ne s'est pas fait tuer. Sa carcasse n'est plus toute jeune, et la vie est rude dans les montagnes... Tiens, bois ça !

Il tendit une gourde que l'autre refusa d'une grimace.

— Bois, insista-t-il. Tu n'seras plus bon à rien si je dois te couper les pattes.

Dans un soupir résigné, Aldavir s'en empara et avala une gorgée d'alcool. Aussitôt, un feu épouvantable lui brûla la gorge. Il toussa bruyamment, les joues rouges et les larmes aux yeux.

— C'est infect, ton truc ! Et puis, ça pue la pisse de chat !

Radulf avait un don bien particulier pour inventer des remèdes miraculeux afin de les protéger des températures polaires. Depuis plusieurs semaines, son jeune apprenti avait cessé de chercher à reconnaître leurs composants : cela ne rendait pas la mixture plus agréable au palais.

Le vieux marchand éclata d'un rire franc devant son air pitoyable.

— Au moins, ça réchauffe !

Il lui arracha la gourde des mains et la posa entre eux, près des deux arbalètes.

Aldavir n'avait aucune envie de sourire. Voilà plus d'une semaine qu'ils avaient quitté la civilisation et ses auberges chaudes pour s'enfoncer dans les terres neigeuses des montagnes du Nord. Il en avait plus que marre de la blancheur du décor, de l'absence de plus en plus oppressante d'habitations, de ce froid et de ce vent qui lui gelaient le visage. De plus, le silence de la montagne avait un côté angoissant. Il préférait les grandes villes et leur brouhaha infernal, leur population qui se bousculait dans tous les sens, et les multiples recoins et cachettes qu'elles lui offraient quand ses mains agiles volaient ce que leur bourse ne pouvait plus payer.

Les Miraculés de Burnwick (Disponible en ebook et abonnement KINDLE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant