Chapitre 2 (partie 1)

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La porte grinça, s'ouvrant face à l'insistance de la propriétaire des lieux.

— Entre et dépose-la près des chaînes.

La maison était minuscule et surchargée d'objets en tout genre, aussi bien sur le sol qu'accrochés aux murs de bois : des pots, des marmites, des outils, des pattes et des peaux d'animaux... Elle ne comportait qu'une seule pièce à vivre. Dans un coin, un rideau dissimulait partiellement un lit défait. Sur l'un des murs se trouvaient des chaînes en métal. Au même endroit, un matelas usé était posé à terre, près d'un bol en terre cuite. Pas besoin d'avoir reçu une brillante éducation pour déduire le sort funeste destiné à la fillette.

Aldavir se crispa. Lui-même avait connu les cris, les coups, les humiliations et les privations dans l'orphelinat de Thorvald. Cette méthode éducative avait renforcé sa haine à l'égard de toute forme de discipline et d'autorité, plus particulièrement celle des adultes. Il avait cru avoir affaire à une vieille femme hargneuse mais sans danger. Il s'était bien trompé ! Ce monde n'est que violence ; le faible n'a aucune chance de survie.

— Tu es sourd ? s'énerva-t-elle en verrouillant la porte derrière elle. Secoue-toi !

Il s'exécuta sans un mot. Un couteau reposait sur la table. Il n'avait qu'à tendre le bras pour s'en saisir. Son hôte ne serait pas assez rapide. Il pourrait la poignarder, comme il l'avait fait avec l'un des traqueurs de Thorvald. D'un seul geste, en plein cœur. Perdue au milieu de cette forêt, la maison pourrait devenir son refuge. Il reprendrait sa vie en main. Et, cette fois-ci, il n'aurait plus à voyager en rêvant d'un toit à lui.

La femme se débarrassa de ses raquettes et de son manteau en peau de bête. Puis elle lui lança une couverture dont l'odeur épouvantable lui retourna l'estomac.

— Déshabille-toi et va te réchauffer près de la cheminée. Je n'ai pas envie de t'entendre renifler.

Aldavir garda les répliques acerbes qui ne demandaient qu'à filtrer entre ses lèvres. Son regard glissait sur les nombreuses cicatrices et balafres qui recouvraient la peau visible. Si beaucoup étaient anciennes, quelques-unes paraissaient récentes. Notamment celle de la jambe gauche, qui atteignait vingt bons centimètres. Un fil noir tâchait de maintenir les chairs ensemble. Son hôte grimaçait à chaque pas, mais ne se plaignait pas. Comme il demeurait immobile, elle le jaugea de son regard brun et perçant, avant de récupérer le couteau, qu'elle plaça à sa ceinture.

— Joue pas au téméraire avec moi, petit. Je ne suis pas une grand-mère sans défense. Ton sang coulera avant le mien, je peux te l'assurer. Or, ni toi ni moi n'avons vraiment envie d'en voir la couleur, pas vrai ? Alors profite de ma bonté et va te réchauffer devant cette cheminée.

Comme il n'avait aucune envie de dormir dehors, il se garda bien d'insister et fila derrière le rideau. Il se déshabilla en toute hâte et la rejoignit, bien emmitouflé dans la couverture. La vieille femme avait profité de son absence pour commencer à essuyer le sang qui recouvrait le front et le visage de sa prisonnière. Malgré la distance qu'il laissa entre eux, il remarqua qu'elle était tendue par l'inquiétude. Il fut quelque peu déstabilisé de la voir caresser délicatement les cheveux souillés. Il demeura là, immobile, à les contempler, se demandant quelle était la nature exacte de leur relation. Cette question n'était pas la seule à le tarauder : d'où connaissait-elle son compagnon ? Il n'attendit pas qu'elle se présente :

— Vous connaissiez Rad ?

— Je le connaissais bien mieux qu'il ne se connaissait lui-même. Cet imbécile ne pouvait pas faire de vieux os, à arpenter les routes ainsi.

Elle le détailla de la tête aux pieds.

— Je suppose que tu es le gamin qu'il a adopté ? Idée stupide. Cela ne vous a pas aidés, tous les deux, bien au contraire.

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