Commérages et explications

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Mais bientôt, leur proximité attira l'attention des autres locataires. Au début, ce n'était que leurs rires sonores qui dérangeaient. Puis les mots grossiers du métisse. Et la machine infernale du commérage était lancée : On m'a raconté qu'ils étaient homos, oh, c'est pas vrai ! Qu'est-ce qu'ils font donc chez nous ? Ils ont leur quartier pourtant !

Jusqu'au jour de la Marche des Fiertés. Comme tous les ans depuis leur entrée au lycée, les deux allaient défiler, ornés de leurs drapeaux : l'arc-en-ciel flamboyant de Fell, qui, généralement, s'embrouillait avec au moins cinq policiers, trois serveurs et deux manifestants, et le rose, jaune et bleu représentant la pansexualité de Classic. Trop flemmard pour lever son drapeau, il l'avait noué en bandana autour de sa tête et simplement marché, sa main solidement accrochée à Fell et sa grande gueule. Ils avaient bu, trois ou quatre bières, mais rentraient à pied. Et ce fut dans le hall de l'immeuble que cette altercation éclata.

Fell, son drapeau traînant au sol. Classic, hilare, avec son bandana sur la tête, et leurs doigts enlacés face au couple du 1er, avec leur enfant, de huit, peut-être neuf ans. Le regard désobligeant de Madame. Et la petite fille, qui, de sa curiosité toute innocente, vint prendre le tissus multicolore entre ses doigts peints.

"Il est trop beau ! J'aimerai trop en avoir un comme ça, Maman ! s'exclama t'elle.

-Ma chérie, éloigne toi d'eux, ordonna le père. Ils ne sont pas... Eh bien, hésita t'il en croisant le regard fumant du métisse qui fronçait inexorablement les sourcils en serrant les poings. Ils ne sont pas comme nous, acheva l'homme.

Fell lâcha le tissu, faisant piailler la gamine qui, s'enroulant dedans à la manière d'une robe, s'amusait avec. L'albinos essaya d'argumenter calmement, mais fut coupé par son conjoint.

"Je peux savoir quel putain de droit te permet de nous considérer différents de toi ? tonna Fell en s'approchant du grand brun.

-Vous devriez avoir honte, de vous trimballer en public avec ça, siffla celui-ci en désignant des yeux le drapeau. Ces choses sont faites pour rester privées, dit-il alors que sa femme extirpait la rejetonne du pauvre tissu.

-Et quand toi, tu affiches ton bonheur parfait avec ta poufiasse, c'est différent peut-être ?, cria cette fois Fell, le poing prêt à atterrir dans la mâchoire du quadragénaire. J'ai autant le droit que toi de montrer que j'aime quelqu'un ! Et tu ne sauras jamais, ô grand jamais ce que c'est de se battre pour revendiquer le droit d'aimer. Donc j'ai le droit d'en être fier, espèce de connard ! lança furieusement l'homme à la peau mate avant de frapper au visage l'autre. Tu ne pourras jamais comprendre quel genre de peur te noue le ventre quand tu sais qu'ailleurs, à trois heures d'avion d'ici, tu peux être torturé à mort pour ce que tu es ! Alors c'est à toi de fermer ta gueule et à nous de montrer notre fierté !"

Sonné, le brun recula de quelques pas, tenant sa pommette rougie, sous le regard horrifié de sa compagne, et l'incompréhension de sa fille. Le poing se leva une nouvelle fois, mais il fut interrompu par Classic.

"Tu te fatigues pour rien babe, constata t'il sans même une once de colère dans la voix, juste de la lassitude. C'est pas frappant les homos qu'ils deviennent hétéros, c'est pas en frappant les connards qu'ils prendront conscience que leurs propos sont responsables de suicides.

-Et c'est en les laissant faire que ça va changer les choses ?" hurla Fell en foudroyant des yeux son compagnon. 

Son regard courroucé se perdit dans le vide, alors que l'albinos aux lentilles bleues s'avança, pensa appeler l'ascenseur... Mais se trouva heurté à une foule de voisins, un véritable attroupement de locataires. Et en lui naquit une panique qui lui était toute particulière : être au centre de l'attention. Il regarda en arrière. Son petit ami était en proies avec le grand brun. Bloqué contre les boîtes aux lettres, celui-ci était pris par le col par le métisse, qui, malgré son apparence de gros lourdaud, Fell était fort. Et furieux. Classic s'approcha, prenant lentement et sans inquiétude le poignet du métisse en furie, lui chuchotant quelques mots, le calmant instantanément. 

"Excuse-moi Chup', grommela celui-ci, joues empourprées par la colère. 

-Ecoutez, siffla le dénommé Chup' à leur ennemi. Vous l'avez quand même cherché. J'espère que vous n'apprendrez jamais à votre fille ce genre de pensées.

-J'éduque mes enfants comme je veux, et ça n'est pas deux pédés comme vous qui vont m'apprendre à les élever. Vous ne saurez jamais, vous, ce que c'est d'en avoir, des enfants, insulta l'autre sans rien en savoir.

-J'ai grandi dans la rue, en devant m'occuper de mon petit frère, de ses trois à vingt ans, alors je sais certainement mieux que toi à quel point c'est compliqué d'avoir un gosse. Bien, à jamais, connard", conclut Fell en se retournant, et se dirigea vers l'ascenseur, alors que tout le monde s'écartait de sa trajectoire. 

Fracassant presque le bouton d'appel, il fit venir presque immédiatement l'ascenseur. En entrant dans la cabine, comme son petit ami le suivait, il entendit des commentaires, et fulminait. Qui avait eu la bonne idée de rendre l'homosexualité anormale ? Les portes s'ouvrirent en glissant, et, sans un mot, Fell et Classic rentrèrent chez eux, oubliant une chose : Leur drapeau, laissé entre les mains de la petite fille. 

Le couple du 13ème-KUSTARD-BxB-BOYS LOVEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant