Chapitre 1

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   Gare 9 ¾. Ma valise à mes pieds, tripotant nerveusement sa anse de cuir vieillie par les années, je cherche en vain autour de moi un visage familier. Mais nulle trace de mes anciens camarades de classe. À vrai dire, je sais pertinemment qu'ils ne peuvent être là – ce sont tous des
Moldus – mais c'est un réflexe inévitable. Je scrute chacun des détails de l'immense et magnifique gare comme si ma vie en dépendait. Mon regard glisse sans s'attarder sur les dizaines de familles qui discutent, se retrouvent entre elles et échangent des souvenirs. J'ai un drôle de pincement au cœur ; cette atmosphère chaleureuse me rappelle mes rentrées à mon école. Non pas que cette dernière me manque, mais je me sens un peu étrangère à ce milieu.

   Une main se pose sur mon épaule, me sortant dans un sursaut de ma rêverie. Je tourne la tête vers mon père, qui me couvre d'un sourire réconfortant.

   — Allez, ne stresse pas. Tu vas voir, tout va bien se passer.

Je voudrais lui répondre que je ne me fais pas de soucis, mais ma gorge nouée empêche les mots de sortir, et je parviens seulement à grimacer ce qui devait à la base ressembler à un sourire.

   — Bon, je te laisse encore deux minutes, je vais voir les Finnigan.

Je le laisse partir. Je voudrais lui dire de rester avec moi, de me rassurer ; mais après tout je suis grande, et je n'en ai pas besoin.

   Alors que j'essaie de m'en convaincre, j'entends un bruit de roulettes de valise à ma gauche. Surprise, je considère la nouvelle arrivante. Ses yeux marron et sa longue chevelure bouclée me rapellent vaguement une élève de mon école, mais je ne parviens pas à mettre un nom sur sa figure. Elle me regarde brièvement, me sourit, puis regarde le train. Je suis son regard. Nous restons ainsi quelques instants, puis – toujours sans me regarder – elle me salue :

   — Coucou Manon ! Tu te souviens de moi ? J'étais dans ton école, j'ai sauté une classe il y a deux ans...

Voyant que j'hésite à trouver son prénom, elle me sourit de
plus belle :

   — Hermione, je m'appelle Hermione Granger.

   — Ah oui, c'est vrai ! Excuse-moi, je ne m'en souvenais plus...

   — C'est pas grave, me rassure-t-elle.

Nous restons quelques secondes en silence, puis elle reprend :

   — Je ne savais pas que étais une sorcière, toi aussi.

   — C'est vrai, moi non plus, approuvé-je.

   — D'ailleurs je ne te connais pas vraiment...

J'acquiesce ; nous ne nous sommes jamais vraiment côtoyées.

   — Bah ce n'est pas grave, on va faire plus ample connaissance à Poudlard !

Nous nous remettons à observer les gens, élèves comme parents. Elle me demande :

   — Tu connais des élèves ?

Je secoue la tête.

   — Non... Et toi ?

   — Non plus, mes parents sont tous les deux moldus.

   — Les miens sont sorciers – mon père est Auror –, mais j'ai toujours côtoyé des Moldus. 

   — Et ta mère ?

   — Je... Elle est aussi sorcière. Elle... elle est partie quand j'étais petite, je balbutie sans le vouloir.

   — Oh, je... Je suis désolée.

   — Ce n'est pas grave, tu ne pouvais pas savoir.

   Près de nous, une famille composée d'enfants innombrables – tous aussi roux les uns que les autres – déboule. Parmi eux, un garçon brun qui paraît perdu – et qui fait vraiment tache au milieu de tous ces rouquins. Je ne peux pas m'empêcher de les juger. Je sais qu'il ne faut pas se fier aux apparences, mais c'est plus fort que moi. A chaque fois que je rencontre ou même voit quelqu'un, je le classe automatiquement dans l'une des trois cases : « A aller voir » ; « Inintéressant » ou bien  « A ne pas approcher ». Et là, c'est rapide ! Le garçon brun, c'est une personne que j'aimerais aller voir ; les rouquins aussi, sauf celui qui semble avoir mon âge. Celui-là, c'est direct en « Inintéressant » ! Je ne sais pas, son visage ne me revient pas... Le garçon brun relève brusquement la tête, se sentant observé, et son regard croise le mien. Ne sachant comment réagir, il me sourit avec hésitation. Je détourne vivement la tête ; les gens qui font ça me mettent un peu mal à l'aise : comment réagir ?

   Avant de le quitter, j'ai eu le temps de voir sur son front une cicatrice, qui me rappelle vaguement un visage, aperçu sur les journaux que lit mon père. Mais peu m'importe. Pour l'instant, je dois juste trouver quelque chose d'autre à regarder afin de dissiper ma gêne. Balayant la gare, mon regard en croise un autre.

Bleu.

   D'un bleu si profond que j'ai l'impression de m'y noyer, de tomber ; d'un bleu si profond qu'il me transperce jusqu'au plus profond du cœur. Le souffle coupé, j'essaie de retrouver contenance ; mais en vain. Je ne peux détacher ce regard qui m'attire, irrémédiablement. Je dévisage le garçon propriétaire de ces yeux. Il est plutôt grand, avec des cheveux couleur de neige. Quelle case ? A vrai dire... Pour la première fois de ma vie, je n'en sais absolument rien. On dirait que je suis en état de choc. Il me regarde, lui aussi. Sans sourire. Nous ne nous quittons pas des yeux, comme si nous nous transmettions un message.

Puis la sonnerie du train retentit.

Elle me paraît étouffée, comme appartenant à un autre monde. Peut-être est-ce le cas, d'ailleurs.

   Mon père surgit juste devant moi, m'arrachant à la contemplation de l'inconnu. Il pose ses mains sur mes épaules, et me déclare droit dans les yeux :

   — Allez, courage ! Tu vas y arriver. D'ailleurs, tu t'es même déjà fait une amie...

Je lui souris. Je suis plus détendue, et ce n'est pas grâce à Hermione – enfin un peu, mais pas en majorité. Je lui lance en m'éloignant vers le train :

   — T'inquiète, je gère ! Fais pas trop de bêtises sans moi pour te surveiller !

Il éclate d'un rire si puissant que je crois que toute la gare l'entend – si immense soit-elle. Je grimpe dans le train et m'installe dans un compartiment en compagnie d'Hermione et d'un garçon inconnu. Je pose mes affaires et, alors que le train s'ébranle, je me penche à la fenêtre pour entendre :

   — Vas-y, Manon ! Gryffondor !

Le vent m'empêche de parler, alors je me contente de lever mon pouce en l'air, souriant de toutes mes dents, les cheveux au vent.

Je souris. Cette année s'annonce pleine de surprises...

ǁ  M E S S A G E   P O U R    M A N O N  ǁ

Tu vois, au final j'ai réussi à atteindre 1 000 mots (on n'oublie pas l'espace, n'est-ce pas IlonaJolibois !), et même plus exactement 1 110 (sans compter ce message)...

Depuis le premier jour [Fanfiction HP]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant