rencontre

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Échapper à la pression paternelle, rien qu'un court instant. C'est tout ce que je demande.

Quand il se comporte ainsi, j'en arrive presque à souhaiter qu'il reparte pour ses affaires, dans l'instant.

Je ne suis pas comme lui. Et je ne le serai jamais. Il ne fera pas de moi son petit pantin modèle.

Je sais que je dois me plier aux règles familiales, aux règles de la bienséance. Jamais je ne lui manquerai de respect. Mais j'attends de lui qu'il me traite comme l'homme que je suis et pas celui qu'il aimerait que je sois. Oisif et paresseux, désoeuvré et frivole ! C'est bien là tout ce que je ne suis pas.

Je sors une carte de ma poche et la fixe d'un air absent. Comment un objet si dérisoire peut il être source de si grands maux entre nos âmes ? Je soupire et replace une mèche, échappée de mon catogan, avant de reprendre mon évolution au coeur de cette foret qu'il me semble connaître dans ses moindres recoins tant je la visite régulièrement.

Je sais qu'inconsciemment, j'espère la revoir, elle. Mais je doute qu'elle ait jamais été réelle. Les contours de son visage s'effacent progressivement de ma mémoire. Je sais qu'une telle beauté ne peut être que chimère. Un songe, des plus enchanteurs, mais un songe tout de même. Sans doute père a t il raison finalement. Je ne suis qu'un rêveur. Sinon comment expliquer qu'elle continue de hanter mon esprit depuis tout ce temps ? Elle n'est qu'une apparition fugace, manifestation romantique de mon esprit qui cherche à fuir les responsabilités qui lui incombent.

Un grondement léger s'échappe de ma gorge. J'ai l'impression d'entendre père s'exprimer à travers mes pensées. Je secoue la tête et laisse mes pas me porter jusqu'à ce petit pont entouré d'arbres qui surplombe le fossé près duquel je l'ai aperçue, il y a si longtemps maintenant. Comme chaque fois, je scrute attentivement les alentours. Ma raison me crie combien je suis ridicule. Qu'il n'y a aucun espoir. Mais mon coeur n'en fait qu'à sa tête. Il espère secrètement que la créature onirique finira par réapparaître.

Qu'elle soit là ou non, ma promenade crépusculaire aura eu l'effet escompté. Je ne pense plus à ma querelle avec père. Je ne pense plus qu'à elle.

Je me fige soudain dans ma lente avancée. Mes yeux croient distinguer du mouvement près du fossé. Serait il possible qu'elle soit là ? Je sens mon rythme cardiaque redoubler d'intensité contre ma cage thoracique. Je dois en avoir le coeur net.

Lentement afin de ne pas faire craquer les feuilles et branches mortes sous mes pas, je m'approche. Des courbes féminines se dessinent peu à peu. Envoûtantes. Ensorcelantes. Je n'arrive pas a en détacher mon regard.

J'approche encore, jusqu'à pouvoir enfin discerner son visage, et me dissimule à sa vue en m'abritant derrière le tronc de l'arbre le plus proche. Aucun doute possible. C'est elle. Ma créature enchanteresse.

Mais comment est ce possible ? Elle n'a pas changé. Les années ne semblent pas avoir eu prise sur elle. Une beauté sereine émane d'elle alors que je l'observe se mouvoir avec grâce et légèreté. Elle est là et pourtant, je suis incapable de déterminer s'il s'agit ou non d'un rêve. Elle semble hors du monde et hors du temps.

Vêtue à la bohème, sa chevelure de feu retombe librement sur sa peau diaphane. Telle une nymphe sur son territoire, innocente et insouciante, elle danse entre les arbres. La scène à quelque chose de magique.

Son rire cristallin résonne tout autour de moi. Il sonne comme le signal que j'attendais pour me manifester. Je ne peux pas rester dans l'ombre cette fois encore. Je dois lui parler, m'assurer qu'elle est bien là, que je ne suis pas en train de perdre la raison.

Elle stoppe sa danse alors que je me décide enfin à faire un pas vers elle. Dos à moi, il est impossible qu'elle m'ait vu. Mais c'est comme si elle avait senti ma présence. Comme si elle avait toujours su.

Lentement elle se retourne et ses yeux aussi dorés qu'une aurore d'automne se fixent sur moi. Je n'ai jamais vu de tels yeux. Une sagesse ancienne en émane, si puissante qu'elle semble me transpercer. Et puis soudain l'espièglerie la remplace. Un sourire enfantin étire ses lèvres pleines. Je n'ose plus bouger de peur de l'effrayer et de perdre la beauté de cet instant.

Mais ma bouche en décide autrement. Effrontée, elle ne peut faire cette question que tant de fois je me suis posée depuis que je l'ai aperçue pour la première fois.

— Qui es tu ?

Je ne me permets pas une telle familiarité en temps normal. Mais cela me semble naturel face a elle. J'ai l'impression de la connaître déjà.

Cependant, je regrette aussitôt mon audace. Dans un éclat de rire, la jeune fille fait volte face et s'élance dans les profondeurs de la forêt à une vitesse qui surpasse l'entendement.

—Non, attends !

Je lève la main vers elle comme si cette simple action pouvait la retenir. Mais je la sais vaine. Elle a déjà disparu de mon champ de vision.

Les question se bousculent dans mon esprit. Je ne peux pas avoir rêvé ça.

Mais alors qui est elle ? Que fait elle sur ces terres ? Comment se peut il qu'elle n'ait pas changé malgré les années ?


Alors que mes yeux s'abiment dans la contemplation absente de cette place où elle a disparu, un frisson glacé me parcourt l'échine. Je sens une présence derrière moi. Et je ne saurais dire si elle est amicale ou hostile.

Je me retourne prestement et mes yeux s'arrondissent de surprise. C'est elle. Elle est là. A deux pas de moi. Comment a t elle pu arriver là alors que je viens de la voir s'enfoncer dans les profondeur de la foret ?! Mais mes interrogations s'évanouissent soudain quand ses lèvres s'entrouvrent très légèrement.

— Je m'appelle Lili.

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 01, 2020 ⏰

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extrait is it love nicolaeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant