La diseuse de bonne aventure

Alex déambulait dans la rue, un jour de marché. Son expression n'était pas des plus joyeuses. Il avait raté son train pour se rendre à l'université. Déjà ce matin, son réveil n'avait pas sonné, le chat avait manqué de le faire tomber dans les escaliers, il n'y avait plus de céréales, il s'était trompé entre la mousse à raser et le déodorant et il avait oublié d'appuyer sur le bouton ON du sèche-linge.

Alors dans ses vêtements qui avaient prit la pluie la veille, son humeur n'était pas au beau fixe et il avait décidé de rentrer retrouver son lit. Il pensait à Roxane. Fixant sa conversation SMS avec elle sur son téléphone, il ne savait pas quoi lui dire. Tout ce qu'il voulait, c'était une étreinte là maintenant tout de suite. Mais il n'avait pas très envie de parler non plus, il rangea donc son portable, décidant de lui envoyer un message plus tard, quand il serait plus détendu.

Roxane. Il l'avait rencontrée à la fac. Jeune femme sublime, un peu à l'écart, il s'était fait violence pour aller lui parler un jour. Petit à petit, elle est devenue une amie parmi les autres dans son groupe. Un blond nacré, des yeux verts, une bouche fine et délicate, une allure naturelle qui lui chavirai le cœur à chacun de ses mouvements. Elle avait toujours les mains froides, et quand ils attendaient le train ou le bus seulement tout les deux, elle se mettaient derrière le jeune homme, et les glissaient contre ses mains à lui, dans ses poches. Il la sentait alors contre son dos, ses doigts contre les siens. Une fois, enfant, il avait failli se faire renverser par une voiture en voulant récupérer un ballon sur la route. Il avait eu très peur, en avait cauchemardé longtemps et beaucoup pleuré. Il se souvenait de la peur qui avait fait exploser son cœur dans sa poitrine. Et pourtant c'était ridicule face au rythme des enfers qu'il avait quand Roxane faisait ça.

Elle avait aussi un air mystérieux, un sourire comme si elle savait. Savoir quoi, il n'en avait aucune idée, mais elle savait. Alex lâcha un énorme soupir. Esquivant les gens dans le marché, il n'avait qu'une hâte, c'était de rentrer chez lui et de ne strictement rien faire.

Un enfant passa brusquement devant lui en vélo, le forçant à s'arrêter. Il souffla fort, plus qu'agacé.

—Un souci jeune homme ? lui demanda une voix mâture à côté de lui.

Alex regarda à sa gauche, et découvrit une vieille femme. La peau mate, un peu ridée, pas bien grande et beaucoup de bijoux et de vêtements très clichés des représentations gitanes dans les vieux films. Un énième soupir s'échappa des lèvres du jeune homme, il n'avait vraiment pas besoin de se faire alpager par une diseuse de bonne aventure.

—Non, je n'ai besoin de rien, répondit-il sèchement.

—Pourtant il semblerait que si. Il n'y a pas besoin d'être voyante pour cela. Mais cependant mon don me fait sentir qu'il y a également une histoire de cœur, non ?

—Qui n'a pas de problèmes de cœurs dans la vie ? Ce n'est pas compliqué à deviner ça.

—Même quand ça implique une demoiselle aux yeux verts et aux mains froides ?

Le jeune homme tiqua. Il était toujours septique. Mais en passant la main dans ses cheveux châtains, sa curiosité repris le dessus. Il regarda la tente de la femme. Toute en tentures mauves, un écriteau sur le côté indiquait en grosses lettres, HAZEL LA VOYANTE. Rien ne pouvait être plus caricatural que cela. Mais voir marqué Hazel l'interpella. Il ne savait pas pourquoi, mais ce nom lui évoquait Roxane. Il se demandait si ce n'était pas son deuxième prénom, ou quelque chose comme ça. Alors regardant la voyante, il hocha la tête et la suivie à l'intérieur.

Hazel la Voyante le fit donc assoir à une petite table ronde simplement habillé d'un napperon défraichit, et d'un tas de prospectus pour sa publicité avec un montage photo des plus piquants aux couleurs pétantes. La vieille femme prit son temps pour s'asseoir, puis joignant les mains, elle le fixa avec un petit sourire. Une dizaine de secondes passa avant qu'Alex ne brise ce silence gênant.