La soif de vivre

Pirates !

Sam se planta au milieu de la salle. Elle s'attendait à tous les voir ici. Mais il n'y avait personne. Lentement, elle prit une chaise et s'assit, contemplant la salle déserte. Le commandant de la première division entra à son tour. Il l'observa un instant, hésita entre la laisser seule et s'asseoir près d'elle. Il avait beau être membre d'un équipage pirate dont le nom faisait trembler les mers, il n'en restait pas moins humain. Et sur le Moby Dick, nombre d'entre ses compagnons avaient un passé tout aussi tourmenté. À commencer par lui, peut-être. Les rejetés, les rebus, les désabusés. Marco ferma un instant les yeux puis les rouvrit et partit s'asseoir. Ils restèrent un moment silencieux, chacun empêtré dans ses souvenirs.

— On m'aurait dit un jour que Marco le Phénix serait mon confident, je n'y aurais pas cru.

Un rire cristallin emplit l'air. Rire qui donna le sourire au blond. Sam passa une main dans ses cheveux, pensive.

— Ça fait quoi d'être pirate ? On mène réellement une vie palpitante ou ce ne sont que des racontars ?

— Les deux, répondit l'intéressé. Parfois c'est mouvementé, parfois non. On est une grande famille.

— Mes parents étaient des pirates.

Marco leva un sourcil, interrogateur. L'archère le fixa, le sourire accroché aux lèvres.

— C'est Millia qui me l'a expliqué. Ils venaient de West Blue, paraît-il. Ils ont fondé leur propre équipage, sont partis en mer jusqu'à ce que ma mère soit enceinte de son premier enfant. Alors ils ont laissé tomber à regret la piraterie. Et ils sont venus s'installer ici, sur cette petite île perdue dans le Nouveau Monde. Je me suis toujours demandé à quoi ça ressemblait la piraterie.

Une moue amusée passa sur le visage de Marco. Samantha lui lança un regard complice.

— Au fait, où sont tous les autres ? Ceux qui sont avec toi ? le questionna-t-elle.

— Ils patrouillent dans le village, font plus ample connaissance avec les habitants. Maintenant que cette île est sous notre protection, c'est notre boulot. Enfin quand on sera de passage ici.

— Oh. D'accord.

La chasseuse se leva et s'étira.

— Je vais me balader un peu dehors. Ça vous intéresse une visite guidée, monsieur le pirate ?

Un rire et un hochement de tête lui répondirent. Ils franchirent la porte côté à côté. Dans la rue, Millia tenait son fils par la main et était occupée à regarder une vitrine, ravie d'avoir retrouvé son train-train quotidien.

Ils avancèrent un peu, Sam expliquant au Phénix les quelques anecdotes qu'elle connaissait sur le village. Un attroupement attira leur attention. Glad et Beaver tendaient leurs bras à droite à gauche, en pleine conversation. Derrière eux, les deux autres commandants semblaient les écouter, attentifs. Les deux promeneurs les rejoignirent et les saluèrent.

— Donc, j'étais en train de dire à ces deux messieurs, expliqua Glad au deuxième blondinet, que la plupart des agriculteurs étaient d'accord pour céder une partie de leurs récoltes, à condition bien sûr que vous teniez parole.

La demoiselle observa son ami, intriguée.

— De quoi tu parles, Glad ?

L'interrogé ne répondit pas tout de suite. Un homme se dirigeait vers eux, l'air contrarié. Un individu que les trois habitants du village connaissaient bien : le maire de Pilem.

La cinquantaine, cheveux grisonnants parfaitement coiffés, il affichait un air snob.

— Dites, qui est le chef des brigands qui se baladent partout dans ma cité ? demanda-t-il en guise de salut.