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CHAPITRE HUIT

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CHAPITRE HUIT

Ils marchaient depuis une heure, encerclés par les uniformes. Le vent hurlait, s'engouffrant entre les pins, emportant avec lui les dernières prières de ceux qu'il accompagne. Sur le chemin, un homme était mort. Il avait crié trop fort. Toute la forêt avait fermé ses oreilles ; elle s'était recroquevillée, les écureuils dans son cœur, de la brume plein les yeux. Jules, lui, n'avait pas encore pleuré. Il ne voulait pas passer pour un lâche. 

À sa mort, il voulait être Danton ; acclamé par le peuple, puis, tête coupée, montré aux assassins. Mais il n'était pas un révolutionnaire. Il subissait son sort en silence, il attendait sa dernière heure. Mais dernière heure ne venait pas. Elle s'était envolée avec la bise. 

Ils avançaient tous à tâtons dans le bois, les épaules basses et la nuque découverte. On regardait rarement devant soi, écrasé par la peur de l'échafaud qui devait se trouver là, pas si loin du sentier. Les soldats ne laissaient personne discuter ; ils menaçaient dès qu'un bêlement un peu trop fort s'élevait au milieu du troupeau, avec leur regard animal et féroce. Jules frissonnait, il avait peur de sentir un flingue sur sa tempe à cause d'un simple soupir. Il ne pouvait plus supporter le poids de la condamnation. Il voulait en finir, stopper cette marche infernale, et crier au monde qu'il était pourri. Mais il ne faisait rien de cela : il n'était pas Danton.

Jules ferma les boutons de sa veste. Il sentait le froid lui lécher la peau mais ne pouvait guère se réchauffer davantage. Il regardait les autres avec peine. Bientôt, le néant les séparerait. 

Ils ne seraient plus que des chairs mises à nu, vêtements et cheveux envolés, dents arrachées par des menteurs. 

Certains soldats s'arrêtaient parfois et piochaient de vieux cigares au fond de leurs poches. Les fumeurs condamnés les regardaient avec envie. Jules, qui lui consommait habituellement du tabac blond fit la grimace. Il aurait livré toute sa famille pour goûter une dernière fois à cette saveur. 

« Ce qui me manque c'est le whisky. Confia Antoine à son camarade qui bavait devant les cigares. J'aurais aimé me prendre une dernière cuite avant tout ça. Mourir ivre, ça aurait pu être sympa. » Jules ne répondit pas. Il sourit tout-de-même. L'humain avait de drôles de priorités. Mais n'étaient-ce pas les regrets et la nostalgie qui prenaient déjà le contrôle de son instinct ? La mort se rapprochait, la fin d'une vie insatisfaisante se profilait derrière la cime des arbres. Voilà pourquoi le songe continuait de perdurer. 

« Tu buvais, toi ? Demanda Antoine en chuchotant. Il voulait animer les dernières minutes de sa vie.

- Seulement le rosé. Le reste m'écœure, mais je préfère de loin la liane.

- La liane ? Tu mens, ça ne fait jamais rien à personne.

- Certains se sentent vraiment bien lorsqu'ils y touchent. 

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