Chapitre 1

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-Stefan Cooper, excellent comme toujours.
En me levant vers le prof de littérature, Mr. Wake, j'essayais de ne pas prêter attention aux regards jaloux et presque impolis que me jetaient mes "camarades de classe". Lorsque j'arrivai finalement près du professeur, il me tendit ma copie -ma dissertation sur Voltaire-, tout en me souriant. Je lui rendis un faible sourire et regagnai ma place.
-Bien joué, Stef', me dit Alice quand je m'assis près d'elle.
Alice était ma meilleure amie, elle était la première à avoir su que j'étais gay. Elle m'avait toujours réconforté, quand je déprimais en pensant que mon homosexualité était un problème. Maintenant, j'étais dans un tel état de vide que je n'y prêtais qu'une indifférence totale, comme à toute autre chose. Pour moi, ma vie était semblable à un film noir et blanc, où il n'y a ni héro ni histoire. J'essayai toutefois de garder bonne attitude, un faux sourire pouvait toujours me tirer de n'importe quelle situation.
-Ça te dit un p'tit ciné ce week-end? S'enquit Alice.
-Tout ce que tu veux, répondis-je froidement.
Un long soupir était la seule réponse d'elle, geste qui m'arracha un froncement de sourcils.
-Quoi encore? Demandai-je.
-Rien rien, se contentait-elle de répondre, boudeuse.
La sonnerie retentit enfin, et je m'avançai lentement vers l'unique et bondée sortie du lycée. Je ne prêtai qu'une demi-attention à ce que me racontait Alice sur les soutifs qu'elle voulait acheter, attendant que l'espace soit moins surchargé. Je détestai le sentiment des respirations tièdes des autres sur ma nuque derrière moi, autant que le fait de marcher sur les pieds des autres devant moi, ce qui se produisit alors que je planais dans mes pensées.
-Désolé, dis-je à la personne qui se trouvait devant.
-Non mais tu le fais exprès ou quoi? Sale enfoiré.
Je reconnus Axel Blake, l'élève le plus populaire du lycée, si on put le qualifier "d'élève". J'avais assez entendu parler de lui pour savoir quel genre de personne il était; un badboy, un rebelle, tout ce qui serait susceptible de rendre de lui un vrai délinquant. Je détestais ce genre de comportement, ça me révulsait vraiment. Je devais l'admettre, Axel avait un certain charme, avec ses yeux noirs transperçants, sa mâchoire parfaitement carrée, ses cheveux noirs et doux comme la soie, et son sourire méchant mais extrêmement charmeur. Mais je n'avais jamais pensé à lui de la sorte, je ne pouvais pas me permettre d'être intéressé. Il me dévisageait, un air de dégoût dans le visage, tandis que je ne sus que répondre devant ses injures exagérées. Sitôt qu'il fut éloigné, Alice, qui avait assisté à la scène, me regarda avec un air d'incompréhension.
-Non mais quel connard. Qu'est ce qu'il te veut?
-Je ne sais pas.
Je n'avais jamais su expliquer cette haine qui avait duré jusqu'à dès lors un an. Dans le cas normal, tout le monde m'appréciait, et je ne m'étais jamais attiré de problèmes. Et lui, à ce qu'on m'avait dit, en dépit de son caractère, ne montrait jamais une haine spécifique envers quiconque, sauf pour les malchanceux qui osaient lui chercher des histoires. Pourquoi faisais-je l'exception? Pourquoi me détestait-il? Il ne me connaissait même pas, il ne savait rien sur moi qui serait susceptible de lui donner une raison valable pour me haïr de la sorte. Un jour, Alice m'avait expliqué qu'il avait sûrement appris la nouvelle de mon homosexualité, et qu'il était peut-être homophobe. C'était peu plausible, mais ça tenait comme explication. Du moins, c'était la seule envisageable.
En humant l'odeur que j'adorais tant -la terre devenant humide après une bonne pluie-, je rentrai chez moi à mon habitude, à pieds, après avoir laissé Alice quand son père était venu la récupérer. Le temps était aussi mon préféré; nuages bien gris. J'habitais seul, mes parents voyageaient trop, et au bout de mes 16 ans, je m'étais opposé à ce qu'on me trimballe avec eux où qu'ils aillent. J'étais plus qu'exaspéré à l'idée qu'à chaque fois que je me construisais une vie, ils la détruisaient par leurs mutations incessantes au travail. Ils avaient donc décidé que j'essaie de vivre seul, bien à l'aise de tous ces voyages ridicules. Ça me plaisait bien, personne ne venait jamais me déranger, sauf Alice, qui était mon unique vraie amie.
En mettant le plat de pâtes de la veille chauffer dans la micro-onde, et après avoir déclenché le minuteur, je m'appuyais contre le plan de travail centrale de la cuisine, en rejouant mentalement la scène de ce matin. Le dégoût qui avait imprégné les paroles d'Axel m'avais fait mal, à ma plus grande surprise, mais j'y avais senti quelque chose d'autre, un sentiment que je n'identifiai pas. Après avoir silencieusement mangé, je consultai mes mails, et à son habitude, je trouvai ceux de maman. J'y répondis aussitôt, lui racontant les quelques événements futiles de la journée. J'imagine qu'elle aurait été fière du fait que je m'étais surpassé en littérature.
Je n'avais pas cours cette après-midi, je me consacrai donc à la lecture, comme toujours. Lire représentait pour moi un échappatoire, une image de ce à quoi ressemblent les sentiments. Je pris un roman que j'avais commencé une semaine auparavant, et m'y absorbai. Une heure plus tard, j'entendis la pluie tomber, une averse d'après le son. Je me levai devant la vitre de la porte-fenêtre, et contemplai les gouttelettes d'eau couler devant mes yeux, dans un décor naturel couleur gris métallique. C'était un moment de bonheur pour moi, je m'y sentais bien, serein. La nuit vint alors que je terminais mes derniers exercices, à l'avance d'une semaine ou plus.
J'aimais terminer très tôt mes devoirs, je détestais le sentiment d'être bousculé par la liste mentale des choses que je devais faire. Après avoir regardé la télé sans vraiment y prêter attention, je l'éteignis et m'endormis. Le seul inconvénient que me représentait la vie seul était le sommeil. Je détestais dormir alors qu'il n'y avait personne autour de moi, une grosse faiblesse de ma part. Dans ma tête, alors que je dormais profondément, des images se propulsaient à une vitesse vertigineuse, aussi irrationnelles les unes que les autres, à l'instar de tous mes autres songes. Puis je fis un rêve, aussi clair que la réalité.
J'étais dans une foule, que je ne distinguais pas. Des formes seulement se dessinaient autour de moi. Soudain, contrairement à tous les autres, une personne sortit, nette comme le jour. C'était Axel, et il s'avançait lentement vers moi. S'arrêtant finalement, à quelques centimètres près de mon visage, il commença à me dévisager, tandis que personne alentour ne nous prêtait attention.
Je voulus m'éloigner, fuir, mes jambes ne m'obéirent pas, me poussant au contraire à m'avancer. Plus je m'avançais, plus le rictus méchant mais extrêmement tentant qui s'était dessiné sur ses lèvres s'étirait. Et à la seconde où je crus que nos lèvres allaient entrer en contact, dans un mélange confus de peur et d'extrême tentation, le rêve prit fin, aussi vite qu'il avait commencé. Je me réveillai au matin, déboussolé, une demi-heure en avance sur l'heure du réveil. Je me sentais étrange, quelque chose avait changé en moi. Puis l'image d'Axel s'imposa à ma tête, et je reçus un coup à plein fouet dans le ventre, psychiquement s'entend. Je comprenais ce qui m'étais arrivé, ce rêve n'était qu'autre qu'une prise de conscience, un coup bas de mon subconscient. Je réalisai avec dégoût, que j'étais étrangement attiré par Axel Blake.

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 11, 2019 ⏰

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