1. Quelques pas mouillés

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                 Saint-Gilles-les-Bains, île de la Réunion

          Vendredi 29 mars 2013

15h01

- Je monte une seconde à la chambre.  Liane n'attend pas de réponse, elle informe juste sa fille et son mari, enjouée, radieuse, tout en s'éloigant  déjà de la piscine.                                      Gabin, derrière son bar, la suit des yeux avec une discrètion professionnelle. Cette semaine, Liane est la plus belle fille de l'hôtel Alamanda. Et de loin... Pourtant, elle n'est pas exactement le genre de touristes sur lesquelles il aime laisser traîner les yeux, d'ordinaire. Petite, très fine, presque pas de seins, mais elle possède un je-ne-sais-quoi de  classe. Sa peau encore blanche, peut-être, avec un bouquet de petites taches de rousseur qui commencent à pointer dans le bas de son dos, juste au-dessous de son maillot émeraude et or. Ce petit cul qui séloigne aussi, qui se balance doucement comme un fruit vert bercé par le vent. La fille, pieds nus, semble marcher sur la pelouse sans briser le moindre brin d'herbe. Gabin la suit encore du regard jusque dans le patio, après les transats blancs à moitié dissimulée par un palmier trop maigre. La dernière image qu'il a d'elle, c'est ce qu'il dira à la capitaine Purvi, c'est de la voir faire tomber discrètement le haut de son maillot ; la fugitive vision sexy d'un dos nu, d'un sein blanc, d'une moitiè de téton juste le temps qu'elle attrape sa grand serviette coucher de soleil et qu'elle l'enroule autour d'elle.

15h03

Naivo, à l'accueil, derrière son bureau d'acajou, rend comme il peut le sourire mouillé de Liane.  
-Bonjour, mademoiselle...                        Elle passe dans le hall encombré, entre un présentoir de cartes postales et un étendoir recouvert de paréos et de chemises à fleurs. Sa chevelure blonde goutte sur léponge de la serviette au-dessus de sa poitrine. Naivo trouve cela joli, ces épaules sans bretelles, sans marques blanches. La fille avance doucement, pour ne pas glisser, elle est pieds nus. C'est interdit normalement, mais Naivo n'est pas là pour faire chier les touristes. L'eau ruisselle le long des jambes de la fille. Une seconde plus tard, elle a disparu en direction de l'ascenseur et il ne reste d'elle que quelques flaques. Comme Amélie Poulain lorsqu'elle fond en larmes, a pensé Naivo sur le moment. Il ne sait pas pourquoi. C'est ce qu'il pensera toujours par la suite. Pendant des heures et des nuits à se tortuter la mémoire. La fille s'est évaporée, au sens propre du terme. Mais il n'osera pas en parler aux flics. Pas sûr qu'ils comprennent ce genre de truc, les flics. 

15h04

L'ascenseur dévore Liane. Deuxième étage. Il monte au paradis et s'ouvre pour offrir par les baies vitrées du couloir une vue imprenable sur la piscine, plein sud, puis, au-delà, sur la plage de l'Ermitage. Noyé sous les filaos, le long croissant doré sembre s'étendre à l'infini, grignoté par les timides vagues du lagon, assagies par la barrière de corail qui gronde au loin.                        
- Faites gaffe, c'est mouillé ! crie Eve-Marie à l'ascenseur, avant même de savoir qui va en sortir.  
Eve-Marie grimace. C'est la blonde du 38 ! Pieds nus, bien entendu. La fille dans sa serviette la joue timide et confuse, hypocrite juste ce qu'il faut avec le petit personnel. Elle marche sur le côté, à un bon mètre du seau et de la serpillière, tout en continuant de s'excuser.                                
- Ces n'est pas grave, bourgonne Eve-Marie accrochée à son balai-brosse. Allez-y, je recommencerai après vous.      
-Désolée, vraiment...                                  "Ben voyons", commente Eve-Marie pour elle-même.                                          La blonde tortille de la fesse et fait des pointes de ballerine de peur de déraper sur le carrelage mouillé. Plutôt tendande patinage artistique que petit rat de l'Opéra, analyse Eve-Marie. Partir en triple axel par 30°C sous les tropiques, ce serait un comble ! Sous les yeux de la femme de ménage, la belle contrôle un ultime dérapage et s'arrête devant son appartement, le 38. Elle introduit la clé dans la serrure, entre, disparaît. Il ne reste d'elle que des empreintes de pas mouillés sur le carrelage nickel. Les traces s'effacent déjà, comme si le carrelage froid avait aspiré le reste de la fille, les pieds en dernier. Une sorte de sable mouvant high-tech, pense bizarrement Eve-Marie. Elle soupire, seule dans l'immense couloir vitré. Il lui reste à dépoussiérer les tableaux aux murs, des aquarelles des Hauts de la Réunion, des îlets, de la forêt primaire, des coins des plus beaux de l'île où les touristes ne foutent jamais les pieds. Avec les carreaux et les couloir, elle en a pour tout l'après-midi. D'ordinaire, après l'heure de la sieste, elle est tranquille à son étage. Personne ne remonte, ils sont tous à la piscine ou au lagon. Sauf katish¹ ...                                            Eve-Marie hésite à passer la serpillière derrière les pas de la fille. A tous les coups, elle va ressortir dans deux secondes avec un nouveau soutif parce qu'elle ne bronzait pas bien dans l'autre. 

1. Jolie fille.

Ne lâche pas ma mainWhere stories live. Discover now