Anja

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L'homme frissonna et sa main se crispa sur sa plume. Vite ! Cachons nous, il ne doit pas nous voir ! Après tout, que diriez vous si des inconnus lisaient votre correspondance intime par dessus votre épaule ? Le vieil officier se retourna brusquement et plissa des yeux pour percer l'obscurité qui s'étendait au-delà de sa fenêtre. Après quelques instants, il se détendit et revint s'asseoir à sa table, puis recommença à écrire.

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« ... pendant des jours. Elles dut s'en rendre compte, car elle intercepta mon regard et me sourit avant de continuer son chemin. Inutile de vous dire que je fut distrait le reste de la journée, et que mes camarades de chambrée se moquèrent de moi. Pour eux, quelqu'un qui ne intéressait pas à leurs blagues sur les poils était quelqu'un d'amoureux, donc une cible de moquerie pour tous ces paysans mariés. Bref, allongé dans mon lit en bois, je rêvais de la revoir, en ne sachant pas que pour une fois, un vœu fait par un homme s'exaucerait. Vous comprendrez plus tard en quoi ce n'était pas une bonne chose, et pourquoi il vaut mieux que les vœux des hommes ne se réalisent jamais. Je l'ai revue tout les jours suivants, et tout les jours elle me souriait. Finalement nous avons fini par échanger quelques mots d'une banalité déconcertante.

-Bonjour monsieur !

-Bonjour mademoiselle. Que puis je pour vous ?

-Oh, rien... Je venais juste bavarder un peu. Vous ne trouvez pas, en regardant le ciel, que sa couleur annonce la pluie ?

Je levai la tête et ne remarquai rien de particulier.

-Eh bien... Oui, probablement.

-Bien, je vais vous laisser à votre devoir, et je vais y aller.

-Oui... Mais, si vous le voulez, nous pourrions peut être nous revoir ? ... Si vous avez toujours envie de parler du temps qu'il fait.

Je me mordis la langue. Quelle phrase stupide ! Elle me lança un regard étonné, le même que quand on lit un livre très étrange qui nous donne envie de rire. Mais c'est ce qu'elle me donnait l'impression d'être : un livre ouvert qu'elle pouvait consulter allègrement. Finalement elle me sourit et dit :

-Peut être. Puis je connaître votre nom ?

-Jonasz Kwiecisty. Et vous ?

-Anja Swiatlowska.

C'est ainsi que la machine infernale de l'amour se mit en marche. Tous les jours qui ont suivi, nous nous sommes retrouvés le soir, après mon service. Nous grimpions en haut du bastion Est, puis nous mangions quelque chose en discutant. J'ai appris qu'elle était orpheline, élevée dans une ville de province et dotée par le Roi, à condition qu'elle se marie et s'installe dans la région. J'aimais énormément ces moment passés avec elle à l'époque, et je les trouvais incomparables avec ma vie d'avant. (ne sois pas jalouse, ceux que j'ai passé avec toi ont été mille fois plus agréables.) Anja était très cultivée, drôle, douce et attentionnée, mais il y avait parfois une lueur dans son regard qui me glaçait le sang, sans que je puisse savoir pourquoi. Anja était, comme je l'ai dit très intelligente, et elle semblait connaître énormément de chose sur la région et les créatures mystérieuses qui l'habitait. Une fois que je l'avais questionnée, elle s'est mise à discourir toute seule d'un ton enflammé pendant plus d'une heure. J'en ai retenu le plus possible, tout en étudiant minutieusement chaque parcelle de son visage. Au bout de quelques semaines de conversation assidue, j'étais déjà complètement épris d'elle, et prêt à faire tout ce qu'elle m'aurait demandé. Un soir d'été, après m'avoir répété une dizaine de fois « je t'aime », elle se mura dans le silence et fixa l'horizon du ciel nocturne. Un peu inquiet de son silence, je me suis mis à la questionner sur son mutisme. Elle refusa un temps de me répondre, mais à force d'insister, elle finit par me balancer en bloc :

Les colons de NatolivOù les histoires vivent. Découvrez maintenant