« J'avais dix-neuf ans lorsque Felix est entré dans ma vie, de façon soudaine, presque impromptue. Tels les prémices d'une tempête à venir, sa présence nouvelle dans mon quotidien ennuyeux me remplissait d'une allégresse certaine, et me conférait la furieuse envie de l'étudier davantage.
Il était blond, à l'époque. Il a toujours aimé se teindre les cheveux, Felix.
Lors des premiers jours, j'ai appris à le connaître, j'ai tenté de le cerner afin de savoir à qui j'avais à faire. C'est ainsi, je me devais sans cesse d'agir de la sorte, avec tous les personnages de mon existence. Il me fallait les comprendre, les appréhender, pour mieux écrire à leur sujet ensuite. Et qu'est-ce que j'ai pu écrire, sur Felix ! Je me plaisais à lui imaginer une vie pleine de passions, d'aventures, et pourtant ! Et pourtant, j'ai rapidement senti ce qu'il en est véritablement.
Derrière chaque conquête se cache une future déception, derrière chaque rencontre, un futur abandon. Il existe, entre ma vie et celle de Felix, un nombre de parallèles certain que j'ai eu tout le temps d'établir, au cours de notre existence commune. Notre vie relationnelle des plus similaires, des peines, des douleurs, extrêmement semblables. Des coïncidences, des jeux de hasard, peut-être également une part de destin ; ou bien suis-je seul responsable de toutes ces similitudes : à force de tant les chercher, celles-ci ont probablement fini par se créer d'elles-mêmes.
Felix est né et a grandi en terre étrangère, en Australie, plus précisément. Un grand pays rempli de vide, et d'un peu de beau temps. C'est ainsi que je me remémore ma contrée natale, et c'est ainsi sans doute, que Felix l'aurait décrite. Un endroit où il fait bon, où il fait chaud, et dont la majeure partie du territoire est recouverte par un immense erg sans fin. Du sable à perte de vue, et parfois, on y croise quelques habitants. Un grand pays rempli de vide, et d'un peu de beau temps.
Nous avons vécu, lui comme moi, sur la côte, près de la mer, là où tout le pays s'entasse pour fuir le désert. Nous avons fréquenté les mêmes rues, du même quartier, de la même ville, et nous avons tous deux terminés à Séoul, quelque part plus au Nord, sur l'hémisphère opposé. J'étais parti à cause du travail de mes parents, lui, de leur séparation.
Et voilà une nouvelle similitude entre nos deux existences : notre relation compliquée avec nos géniteurs, complexe, presque tumultueuse, parsemée de quelques hauts mais surtout de beaucoup de bas.
Bien que le contexte familial diffère, le résultat reste inchangé ; ni Felix ni moi-même n'avons connu les bienfaits d'un foyer stable et aimant, et avons été par ce fait condamnés à l'éternelle fatalité de ne jamais, ô, grand, jamais, trouver quelqu'un pour nous chérir en retour. Au final, les hommes souffrant d'un surplus d'attention parentale se retrouvent victimes de la même malédiction que ceux ne l'ayant point connu du tout : l'amour, et par là je veux dire, l'amour d'un homme, d'une femme, celui que certains poètes qualifieraient de véritable, de profond et sincère, leur est une notion parfaitement inconnue, ou tout du moins, difficilement appréhendable. Car leur vision fantasmée et leurs attentes irréalistes les condamneront à chercher sans cesse un être qui, malheureusement, n'existe point ; courir après des chimères aux paroles pleines de mensonges alléchants et aux yeux emplis de promesses non tenues.
Felix est arrivé à Séoul à quatorze ans, dans un univers qui lui était des plus inconnus, avec ses propres coutumes, ses propres codes, ses propres traditions. Le choc des cultures fut violent, et la déréliction qui vint le frapper à cette époque particulièrement trouble ne lui laissa aucun répit, s'évertuant méthodiquement à le garder éloigné de tous. Au lycée, il était simplement le nouveau, celui qui ne parlait pas vraiment coréen, celui qui ne savait pas vraiment comment se comporter avec les autres. Le gars bizarre, avec un prénom bizarre et des manières bizarres. L'étranger.
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je ne veux plus être seul (pygmalion) [felix]
Fanfiction(OS écrit dans le cadre du concours d'OS Wild Shots par @WildFictions ; gagnant de la première session avec un score de 91,5/100.) D'aussi loin qu'il se souvienne, Felix s'est toujours senti atrocement seul ; il n'a eu de cesse de prier pour que que...