La lumière est presque aveuglante... Trop de blancheur, on se croirait dans une des cellules aux urgences, là où travaille Siem. Mais il faut faire avec, c'est le seul photomaton du quartier et de toute façon, ils sont tous identiques.
Isaya s'installe sur le siège, blanc également, et vérifie que son visage est au bon niveau. L'écran lui renvoie alors son image, comme un coup de poing. Il y a ça.Ce n'est pas une surprise bien sûr, elle a eu largement le temps de s'y habituer à force de se voir avec chaque jour dans le minuscule bout de verre qui lui sert de miroir. Mais le porter pour la Photo lui parait complètement différent, comme si elle devait s'y adapter une nouvelle fois. Alors elle se demande : doit-elle la retirer ou la garder, cette chose qui fait se retourner la plupart des gens qu'elle croise, à laquelle seuls ses proches ne prêtent plus attention. A-t-elle seulement le droit d'apparaitre ainsi sur la Photo ? Sans doute pas.
A peine s'est-elle posé cette question qu'une voix métallique lui répond : "Bienvenue, nous espérons que vous passez une agréable et heureuse journée. Avant de lancer le programme, merci de retirer tout accessoire gênant la reconnaissance faciale et de garder vos cheveux détachés."
Isaya retire un à un les élastiques retenant son épaisse chevelure brune. Puis, d'une main légèrement tremblante, elle soulève, pour la seconde fois seulement depuis l'opération, la fine lamelle de cuir brun recouvrant son œil droit.
Lorsqu'elle relève la tête, elle croise ce regard qui lui ne la voit pas, ce regard froid et vide incrusté à jamais sous sa paupière. Une cicatrice encore bien visible débute quelques millimètres au dessus de cette paupière et se termine en-dessous, trace laissée par le passé, par la lame qui, tout en volant une part de ses sens, a détruit une partie d'elle-même. Cette cicatrice, elle le sait, va rester visible durant toute sa vie, c'est ce que lui ont dit les spécialistes qui l'ont prise en charge lors de l'opération...Elle secoue la tête en pensant à la file de jeunes qui attendent leur tour depuis presque une heure, comme elle quelques minutes plus tôt. Elle appuie alors sans plus hésiter sur le bouton argenté face à elle.
"Le programme est lancé. La photo va être prise dans 5,... 4,... 3,... 2,... 1,... Souriez !""Souriez !" songe ironiquement Isaya. Elle trouve ce seul mot à la fois égoïste, hypocrite, pathétique et fade. Que signifie-t-il finalement ? "Ayez l'air heureux, que vous le soyez ou non" ? "Faites semblant de l'être" ? "Oubliez qu'autour de vous tout s'effondre" ? Car oui, tout est en train de disparaître même si l'État fais son maximum pour le cacher à la population et faire taire tous ceux qui tentent de répandre la prise de conscience de cette réalité.
Mais il s'agit de la Photo et si elle ne sourit pas, Isaya risque de ne pas être acceptée. Alors, elle fait comme tout le monde : semblant d'être heureuse.Lorsque enfin le "programme" se termine, elle remet rapidement la lamelle de cuir en place sur sa paupière droite et sort sans tenir compte du métallique et hypocrite "Nous vous souhaitons réussite et bonheur, bonne et heureuse journée !"
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Encore À La Recherche D'un Titre :)
General Fiction"Souriez !". Isaya trouve ce seul mot à la fois égoïste, hypocrite, pathétique et fade. Que signifie-t-il finalement ? "Ayez l'air heureux, que vous le soyez ou non" ? "Faites semblant de l'être" ? "Oubliez qu'autour de vous tout s'effondre" ? Car o...