Depuis toujours, Seokjin aime le rose.
On a beau lui répéter que c'est une couleur de filles, que les garçons doivent préférer le rouge agressif, il n'a cessé de se tourner vers cette couleur douce qu'il aime tant.
Le rose prend pour lui une myriade de significations, parfois contradictoires, mais toutes aussi belles à ses yeux.
Le rose, c'est l'innocence. La couleur des joues d'enfant. Les bonbons, les robes des petites filles et des princesses. Le rose, c'est l'enfance, un concentré de souvenirs doucement nostalgiques.
Le rose, c'est la sensualité. D'autres joues rougies par la gêne ou le désir. La peau délicieuse. Deux cœurs battant à l'unisson. Une couleur intime, chaude, enivrante mais discrète. Obsédante mais subtile. Une mélodie entêtante qui échappe à l'esprit.
Le rose, c'est le printemps, avec ces pétales de cerisiers dansant dans le vent, promises au ciel bleu et pur. Seokjin aime se promener entre les arbres en cette période de renouveau. Il s'assoit au pied d'un arbre et il ferme les yeux, profitant de la douceur de l'air frais. Il ne dit rien, ne pense pas, mais en ressort apaisé.
Mais le rose, c'est surtout l'aube. Le calme du jour nouveau. Une lumière d'espérance. Le silence, et puis le ciel. De nouvelles couleurs, différentes. Comme une entrée dans un monde magique, féérique, irréel.
Tous les jours, Seokjin se lève avant que l'aube. Il enfile ses habits, pousse sa porte dans le silence de la nuit mourante. Il marche sans but. La ville est toute à lui, encore plongée dans le sommeil. Il fait froid, le jeune homme frissonne mais ne s'arrête pas. Son souffle s'échappe en nuages. Seokjin finit par s'asseoir sur un banc, près du fleuve. Il ne bouge pas, il attend.
La nuit est encore pleine, pleine et bleue, d'un bleu si profond que l'on pourrait y chavirer. Les étoiles tracent une carte dont la logique reste inconnue au jeune homme.
Et puis soudain, un timide rayon pointe de derrière l'horizon, dissipant un peu les ténèbres. Il hésite, semble se rétracter. Seul encore, et encore si fragile.
Mais la nuit recule, elle s'efface peu à peu, cédant à la lumière qui prend de plus en plus de place, s'affirme, la chasse.
Les ténèbres se soumettent, vaincues, et font place au jour encore naissant. Celui-ci peut alors s'installer dans l'immensité du ciel pour préparer la venue prochaine du soleil.
C'est alors le monde entier qui devient rose, l'immensité du ciel qui se pare d'un voile doux, la lumière qui pleut sur les choses et qui les peint d'un délicat coup de pinceau. L'espace d'un instant, tout change, la lumière devient messagère, le temps devient éternel, l'éphémère prend toute la place et se pose comme un ballon.
Le monde est transcendé par cette lumière venue de si loin. Rien n'est plus pareil. Un univers merveilleux s'ouvre aux visiteurs de l'aube, un univers où les couleurs douces sont fantastiques et merveilleuses, un monde de douceur, de silence et de sensations.
Alors Seokjin chante. Sa voix est mal assurée, elle tremble un peu mais ne flanche pas. Il n'a jamais pris de cours, il ne sait pas s'il s'y prend correctement mais peu importe. C'est comme si les notes gonflaient sa cage thoracique, chatouillaient ses lèvres, voulant s'échapper d'elles-mêmes pour voler dans l'air pur. Il ne pense pas à ce qu'il chante. Des chansons de ses artistes préférés, un air entendu à la radio, ou simplement la mélodie qui lui vient.
Il chante simplement, et sa voix salue l'aube.
Et puis une bulle d'or apparaît à l'horizon, gonfle jusqu'à brûler le ciel et illumine le monde.
Alors tout disparaît, le chant, le rose, et cet autre univers qui s'échappe dès qu'on l'effleure.
Plus de rose, rien que du rouge, du jaune et toutes les couleurs qui sautent aux yeux.
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Aube - Namjin
FanfictionJ'ai embrassé l'aube d'été. Rimbaud Où le chanteur de l'aube et le penseur de la nuit s'étreignent le temps d'un baiser.