Bleu

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Namjoon aime le bleu.

Il aime tous les bleus. Du bleu clair d'un jour de beau temps au bleu menaçant d'une mer d'orage, du bleu le plus pur au bleu gris.

Cette couleur l'apaise, le ressource. Il y puise l'énergie nécessaire pour avancer, la paix intérieure qui le maintient debout.

Mais son bleu préféré reste celui de la nuit. Si profond, si silencieux qu'il en paraît infini. A peine troublée par le scintillement froid des étoiles, son obscurité enveloppe, porte, berce. Elle lui donne des ailes, d'immenses ailes reflétant la galaxie.

Lorsque Namjoon lève les yeux vers ce ciel nocturne, il se sent aspiré. Son corps, son cœur et son âme se retrouvent sens dessus-dessous tandis qu'il s'élève vers ces étoiles mystérieuses. L'univers semble sans fin, un abysse infini, écho de l'abysse intérieur de Namjoon.

Lorsque Namjoon fixe ce mystère, il sent les questions se bousculer dans sa tête, des questions qui n'auront jamais de réponses, tout comme ce ciel n'a pas de limites. Il ne peut pas oublier ces interrogations, tout comme il ne peut pas y répondre malgré toutes ses connaissances. Il y a cette impossibilité, cette question éternelle, ce miroir opaque pour toujours. Namjoon trouve cette idée belle.

Lorsque Namjoon contemple les étoiles, il se sent ailleurs. Les étoiles tracent pour lui la carte d'un autre monde. La carte de son univers idéal. Ou la carte de son âme, peut-être. Là, la contrée du doute. Ici, la terreur, la folie ? Mais là, la création, la mer des mots bouillonnants. Oui, les veilleuses du ciel lui éclairent la route de l'intérieur, elle protègent et murmurent. Mais leurs paroles se perdent dans l'infini et Namjoon ne peut en saisir que des bribes indistinctes.

Proche mais mystérieuse, mer bienveillante mais aux secrets à jamais enfouis, voilà ce qu'est la nuit pour Namjoon.

C'est lors d'une de ces nuits sans nuages que Namjoon a vu Seokjin pour la première fois.

Il s'était allongé sur le toit, grimpant par le vasistas pour s'échapper de sa chambre et respirer l'infini. Il y était resté longtemps, plus longtemps qu'à l'ordinaire. Tout tournait autour de lui, la ville, le ciel, le temps.

Et puis un pas, un pas lent et léger. Namjoon s'est relevé, intrigué. Une silhouette descendait la rue, encore indistincte dans la faible luminosité.

Il l'a suivie des yeux. La personne s'est assise sur un banc. Elle attendait. Elle contemplait. Et bientôt, le jour est né, peignant tout en rose.

Namjoon a aperçu le visage d'un jeune homme d'une grande beauté, aux traits purs et fins.

Alors l'inconnu s'est mis à chanter, timidement d'abord, puis d'une voix de plus en plus assurée. Son chant a peu à peu rempli l'espace, il tournait autour de Namjoon, l'ensorcelait, l'enivrait.

Le soleil s'est levé, le disque d'or rayonnait, dissipant la nuit refuge, dissipant le sortilège, aveuglant Namjoon.

Lorsqu'il a rouvert les yeux, il se tenait toujours sur le toit, dans la même position. Mais le chant avait cessé, le bel inconnu avait disparu avec lui, et le soleil achevait de repousser la nuit au fin fond de l'horizon.

C'est à ce moment-là que Namjoon s'est promis de revoir ce jeune homme qui chantait pour l'aube.

Aube - NamjinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant