-Ethan Lawson Wate!
Entendis-je...
C'était Amma, les cris d'Amma me sont parvenus par-dessus la musique.
Eteignant l'engin, je me suis assis et j'ai rejeté la couverture.
Mes draps donnaient l'impression d'être pleins de sable.
Ce n'était pas une apparence, cependant. de la poussière.
Quand à mes ongles, ils étaient en deuil, noirs de la boue qui s'y était incrustée, comme dans le rêve.
Après avoir roulé les draps en boule, je les ai fourrés au fond du panier à linge sale, avec mon maillot de basket qui empestait encore la transpiration de mon entrainement de la veille.
Sous la douche, je me suis efforcé d'oublier ma nuit tout en me récurant à fond.
L'eau a entraîné avec elle les ultimes pans obscurs du rêve dans le tuyau d'évacuation.
Il suffisait que je n'y pense plus pour décider qu'il ne s'était rien passé.
Telle était mon approche de la plupart des choses, ces derniers temps.
Sauf quand il s'agissait d'elle. là, c'était plus fort que moi, je songeais constamment à elle.
Je ne cessais de revenir au rêve, même si je ne le comprenais pas. Il n'y'avait rien à ajouter, c'était mon secret.
J'avais seize ans, j'étais en train de m'éprendre d'une fille qui n'existait pas et je perdais peu à peu l'esprit.
J'avais beau frotter, mon coeur continuait de battre la chamade ; malgré le parfum du savon et du shampooing , je sentais encore son odeur. Rien qu'un effluve, bien réel pourtant.
Citron et romarin.
J'ai gagné le quotidien immuable et rassurant du rez-de-chaussée.
Amma a déposé devant moi la sempiternelle assiette à motifs bleus et blancs-la porcelaine chinoise de ma mère-contenant œufs sur le plat, bacon, pain grillé beurré et bouillie d'avoine.
Amma était notre gouvernante. Je la considérais plus comme ma grand-mère, bien qu'elle fût très intelligente et rouspéteuse que ma véritable aïeule.
Elle m'avait pratiquement élevé et elle jugeait de son devoir de m'aider à grandir de quelques centimètres supplémentaire, alors que je mesurais déjà 1m92. Ce matin, je mourais étrangement de faim, à croire que je n'avais rien avalé depuis 8 jours.
Je me suis dépêché d'engloutir un œuf et deux tranches de bacon, ce qui m'a tout de suite ragaillardi.
La bouche pleine, j'ai souri à Amma.
_ Parle-moi ! lui ai-je lancé. C'est mon premier jour de bahut.
D'un geste brusque, elle a placé sur la table un immense verre de jus d'orange et un encore plus grand de lait entier, le seul qu'on buvait dans la région.
- Il n'y a pas de lait chocolaté?
J'en consommais comme d'autres carburant au coca ou au café. Même le matin. J'étais accro à ma dose de sucre.
_A.D.A.P.T.A.T.I.O.N.
Amma vous servait la solution d'une grille de mots croisés dans à peu près toutes les situations. Plus terme était long, plus elle était contente. Sa manière de l'épeler vous donnait l'impression qu'elle vous enfonçait les lettres dans le crâne à grands coups de spatule en bois.
_ Autrement dit, fais avec, a-t-elle développé. Et n'espère pas mettre un pied dehors tant que tu n'auras pas vidé ton verre.
_ Oui madame.
_ Tu t'es vêtu come un milord, à ce que je vois.
Ce n'était pas le cas. Je portas un jean et un tee-shirt usé, ma tenue quotidienne. Tous mes tee-shirt arboraient des imprimés différents; celui d'aujourd'hui, c'était Harley-Davidson. Aux pieds, j'avais mes baskets noires achetées trois ans auparavant.
_ Je croyais que tu devais couper cette tignasse,(Coiffure) a ajouté Amma.
_ J'ai dit ça, moi?
_ Ignores-tu que les yeux sont une fenêtre sur l'âme?
_ Je n'ai peut-être pas envie qu'on regarde dans la mienne.
Ma punition a été une deuxième fournée de bacon. Amma mesurait à peine 1m50 et était, sûrement, encore plus âgée que la porcelaine chinoise de ma mère, bien qu'elle prétendit avoir 53 ans à chacun de ses anniversaires.Elle était tout sauf une vieille dame charmante, cependant. Elle régnait sans partage sur notre maisonnée.
_ En tout cas, ne t'imagines pas que je vais te laisser sortir sous ce temps avec les cheveux mouillés. Cet orage ne me plaît guère. On croirait qu'un esprit maléfique a été réveillé par le vent et qu'il va faire des sienne toute la journée. Cette présence n'obéit qu'à elle même.
Amma avait un mode de pensée très personnel. Quand elle était en proie à l'une de ses humeurs, ma mère avait eu l'habitude de déclarer qu'elle virait au noir-mélange de religion et de superstition, comme seul le sud profond en a le secret.
Lorsque Amma virait au noir, mieux valait s'écarter. De même, il était préférable de ne pas déplacer les talismans qu'elle posait sur les rebords des fenêtres, ni les poupées qu'elle fabriquait et planquait dans les tiroirs.
Après une dernière bouchés d'œufs, j'ai liquidé le petit déjeuné des champions , mon invention, œufs, confiture et bacon, le tout écrasé entre deux tranches de pain grillé. Tout en m'empiffrant, j'ai jeté un coup d'œil dans le couloir. Reflexe ordinaire. La porte du bureau de mon père était déjà fermée.
Il écrivait la nuit et dormait le jour sur le canapé antique de son repaire.
Il en avait été ainsi depuis la mort de ma mère, au mois d'avril. Il aurait pu tout aussi bien être un vampire, ainsi que l'avait déclaré ma tante Caroline lors de son séjour chez nous, au printemps. Bref , j'avais sans doute raté l'occasion de le voir jusqu'au lendemain : une fois la porte close, il était exclu de la rouvrir.
Dans la rue , un avertisseur a retenti. Attrapant mon sac à dos noir usé, je me suis précipité sous la pluie. Le ciel était si sombre qu'il aurait pu être 7h comme 19h.
Fini pour ce chapitre, Bonne lecture!
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Sublimes Créatures
FanfictionJ'ai longtemps rêvé de cette fille. Elle apparaissait dans un cauchemar où, malgré tous mes efforts, elle tombait sans que je puisse la sauver. Je me savais lié à elle d'une façon particulière. Et puis un jour, elle est arrivée en chair et en os au...