Cela faisait quelques jours que la météo était capricieuse.
La voiture de Link , la poubelle, attendait le long du trottoir , moteur crachotant , musique à fond.
Link et moi allions à l'école ensemble depuis le jardin d'enfants, depuis le jour où nous étions devenus les meilleurs amis du monde après qu'il m'avait offert la moitié de son gâteau fourré à la vanille - parce qu'elle était tombée par terre , ce que je n'avais pas appris que plus tard.
Bien que nous ayons tous deux décroché notre permis cet été, Link était le seul à avoir un véhicule, pour peu que la poubelle mérite cette dénomination.
Au moins elle nous protègerait de l'orage.
Debout sur le porche , les bras croisés , Amma incarnait la réprobation.
_ Je t'interdis de mettre ta musique aussi fort ici , Wesley Jefferson Lincoln. Si tu crois que je ne suis pas capable d'appeler ta maman pour lui raconter ce que tu as mijoté dans le sous-sol durant tout l'été de tes 9 ans , tu te trompes.
Link s'st renfrogné. Peu de gens le gratifiaient de son nom complet , excepté sa mère Amma.
_ Entendu madame.
La moustiquaire a claqué . Link a éclaté de rire et a démarré en dérapant sur l'asphalte humide , comme si nous prenions la fuite , son habitude en matière de conduite.
Si ce n'est que nous ne nous enfuyions nulle part.
_ Qu'as-tu fait dans mon sous-sol à neuf ans? Me suis-je enquis.
_ Demande-moi plutôt ce que je n'y ai pas fait , a- t- il rétorqué en baissant l'autoradio.
Une excellente idée , parce que la musique était atroce , et qu'il allait me demander si elle me plaisait , notre routine quotidienne. Le drame de son groupe , qui a tué Lincoln? , C'est qu'aucun de ses membres ne savait ni jouer d'un instrument ni chanter.
Cela n'empêchait pas Link de jacasser sans arrêt à propos de batterie , de son projet de filer à New York après son bac et de contrats mirifiques avec des maisons de disques qui ne verraient probablement jamais le jour. Par probablement , entendez qu'il avait plus de chances de marquer un panier à trois points depuis le parking du gymnase , les yeux bandés et ivre.
Link avait beau ne pas envisager d'études longues , il avait une longueur d'avance sur moi : il savait ce qu'il voulait faire, même si ce n'était pas gagné. Moi, tout ce que j'avais , c'était une boîte à chaussures pleine de dépliants envoyés par des universités que je ne pouvais pas montrer à mon père.
Je me fichais de la qualité des facs en question , du moment qu'elles se trouvaient à au moins mille cinq cents kilomètres de Gatlin.
Je ne tenais pas à finir comme mon paternel, à vivre dans la même maison , la même personne qui n'avaient pas su rêver assez pour partir d'ici.
De chaque côté la chaussée se dressaient de vieilles demeures victorienne dégoulinantes de pluie, quasi identiques au jour où elles avaient été construites, plus d'un siècle auparavant.
Ma rue avait été baptisée Cotton Bend , par ce que , autrefois , ces maisons avaient été adossées à des kilomètres carrés de plantations de coton.
Aujourd'hui , elles n'étaient plus adossées qu'à la National 9. A peu près la seule chose à avoir changé dans le coin.
J'ai pioché un beignet rassis dans une boîte qui trainait sur le plancher de la voiture.
_ C'est toi qui as télécharger une chanson bizarre sur mon iPod hier?
_ Quelle chanson? Et que penses-tu de celle-ci?
Link a monté le volume de sa dernière maquette.
_ Je pense qu'il faut encore travailler dessus. Comme sur toute les autres.
Ma rengaine, jour après jour, ou presque.
_ Ouais, ben ta tronche aura elle aussi besoin d'être retravaillée quand je t'aurais flanqué la raclée que tu mérites. (a-t-il répondu)
Sa rengaine , jour après jour , ou presque.
J'ai fait défiler les titres de l'écran de mon iPod.
_ Je crois qu'elle s'appelait Seize lunes, un truc comme ça.
_ Connais pas.Le morceau n'était pas répertorié. Il avait disparu, alors que je l'avais écouté ce matin même. Or, j'étais sûr de ne pas l'avoir imaginé, car la mélodie continuait de me trotter dans la tête.
_ Tu veux une chanson? je vais t'en donner une, moi une nouvelle.
Link s'est penché pour tripoter l'autoradio.
_ Hé ! regardes où tu vas !
Il ne m'a pas écouté. Du coin de l'œil, j'ai vu une drôle de voiture déboucher devant nous.
L'espace d'une seconde, les bruits de la route, de la pluie et de Link se sont dissous dans le silence, et la scène a paru ralentir. J'étais hypnotisé par cette voiture, incapable de m'en détacher. Juste une impression , rien que j'aurais pu décrire. Puis la bagnole est passée à côté de nous avant de bifurquer.
Je ne l'ai pas reconnue. Je ne l'avais encore jamais vue. Ce qui était totalement incongru, car aucun véhicule ne m'était étranger, en ville. A cette époque de l'année, il n'y'avait pas de touristes - ils n'étaient pas assez fous pour visiter a région en pleine saisons ouragans.
La voiture était longue et noire, pareille à un corbillard. D'ailleurs, un mauvais présage, si ça trouve. Cette année allait peut-être se révéler pire que ce que j'avais craint.
_ Et voilà ! a triomphé Link . Bandana noir. Ce morceau va faire de moi une star.
Quand il a relevé la tête, la voiture avait disparu.
Sa c'est la fin pour ce chapitre 1 bonne lecture!
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Sublimes Créatures
Hayran KurguJ'ai longtemps rêvé de cette fille. Elle apparaissait dans un cauchemar où, malgré tous mes efforts, elle tombait sans que je puisse la sauver. Je me savais lié à elle d'une façon particulière. Et puis un jour, elle est arrivée en chair et en os au...