Je détestais cette ville, je préférais de loin la campagne, le calme de la forêt, le chant des oiseaux, l'air pur. Ma mère une ancienne dame de compagnie de la Reine avait été renvoyée de la Cours pour avoir eu la malchance de tomber enceinte du Roi. Ironie du sort cette dernière n'avait rien trouvé de mieux que de me prénommer Louise en souvenir de son aventure royale. Une fièvre l'emportait quand j'avais dix ans et je fus confiée à une cousine éloignée qui vivait dans une toute petite maison dans Paris. Je devais m'habituer à la puanteur, au manque d'hygiène et à la surpopulation. Le peu d'argent dont j'héritais avait été dilapidé par ma nouvelle tutrice. Très vite je compris que ma vie allait être beaucoup plus compliquée et j'allais devoir m'adapter pour survivre dans cette jungle urbaine.
A treize ans ma nouvelle maman m'expliquait que j'allais devoir me mettre au travail pour gagner ma croûte, j'avais le choix, soit je livrais des remèdes chez de riches clientes ou bien elle me vendait au plus offrant. Elle avait déjà eu quelques belles propositions, mais par respect pour la mémoire de ma mère, je pouvais choisir mon destin.
Je ne mis pas longtemps à faire mon choix, j'irais livrer les poudres chez les bourgeoises, au moins pendant ce temps-là je ne serais plus dans cette maison qui sentait le renfermé et où les cafards, mouches et autres nuisibles avaient élus domicile. En grandissant, je fus promue au poste de préparatrice de commandes, j'avais en charge d'emballer les petites fioles remplies de poudres colorées et surtout de bien respecter les quantités. J'avais 18 ans maintenant et connaissais Paris comme ma poche, ma tutrice était loin d'être maternelle avec moi mais elle m'initiait au monde des affaires. Sous couvert d'une partie de cartes entre amies son carnet de commandes se remplissait a une allure folle. On l'appelait Marie la Magicienne, d'un mal de dent ou d'une grossesse imprévue en passant par un mari qui mettait trop de temps à mourir, Marie avait une solution pour tous vos tracas et les dames de la Cours faisaient la queue pour trouver des potions. Le bruit courait que la Reine Marie-Antoinette aimait beaucoup trop les pâtisseries et en abusait allègrement lors de fêtes somptueuses, ses dames de compagnies étaient toujours à l'affût du dernier élixir pour effacer les excès. Alors que le peuple mourrait de faim la Famille Royale et sa Cours ne manquait de rien. On était en juin et la grogne générale était à l'image de la température, en hausse progressive. Les parisiennes peinaient à trouver du pain et la colère était présente à tous les coins de rue. Mon visage était associé à la réputation de Marie la Magicienne et tant que les remèdes fonctionnaient notre vie était plus facile, les clients plus modestes étaient si reconnaissants que je rentrais les bras remplis du peu de nourriture qu'ils pouvaient nous donner. Il faut être honnête, je n'aimais pas cette ville mais je vivais mieux que la plupart de nos voisins. Les courses les plus risquées étaient pour les dames qui vivaient au Château, je me devais d'être discrète pour aller livrer ma cargaison illicite. Ce matin-là rien ne se passa comme d'habitude, un homme qui m'observait de loin avec sa balafre sur son visage me faisait penser à un pirate ou un bandit de grands chemins. J'accélérais le pas et mon souffle était de plus en plus court, pourquoi me suivait-il ? Marie m'avait toujours mise en garde sur les hommes qui rodent dans les ruelles sombres, je portais une dague que je cachais dans mes jupons pour ma sécurité. Alors que je regardais derrière moi un groupe de parisiens en colère bien décidés à obtenir de quoi faire du pain me bouscula violemment, les forces de l'ordre étaient à leur trousses quand soudain l'un d'eux s'arrêta devant moi et sortit une feuille de son uniforme, un visage était dessiné dessus, c'était le mien, je me figeais. D'après l'avis de recherche j'étais accusée de sorcellerie, d'infanticides et encore une multitude d'autres crimes. En une fraction de seconde ma vie bascula, on me ligota les poignets et je fus emmenée directement à la Bastille sans autres formes de procès.
On m'enferma seule dans une petite cellule, étant considérée comme une « sorcière » il fallait me séparer des autres, j'étais dangereuse. Encore sous le choc de l'arrestation je me fis la réflexion que je n'avais jamais visité cette prison, j'ai souris malgré moi, finalement ça ne changerais pas trop du confort sommaire que j'avais chez Marie.
Une odeur de peur, d'excréments et de sang transpirait des murs. Je poussais les rats avec mon pied quand j'entendis sa voix derrière moi, une voix douce un peu cassée, çà dénotait presque avec sa carrure imposante. Il était forgeron et venait vérifier mes chaînes. Nos regards se croisèrent et je vis la mort dans ses yeux, je frémis et m'évanouis.
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Petite histoire dans la grande...
RomanceUne histoire d'amour impossible entre une prisonnière et son bourreau en 1789...