- Aux ténèbres -

546 33 41
                                    


Vert et noir. C'était les seules couleurs qu'il arrivait à distinguer. Il voyait aussi qu'il était dans une pièce étroite, dans une zone fermée de quatre murs. Quant au sol, c'était une sorte de parquet d'un de ces beaux palais de conte de fée dans lesquels on pouvait se voir tant il était si propre et transparent.

Le garçon n'avait ni froid, ni chaud. Une fenêtre parfaitement carrée s'ouvrait sur le mur d'en face, invitant un vent régulier à soulever la finesse du rideau qui recouvrait l'écran. Il ressentait ce petit air comme on ressentait la fraîcheur d'une pièce, sans pour autant la subir. Et quand il s'y approchait, il ne le sentait même pas sur ses joues.

Il tournait en rond dans la pièce, sans trop savoir ce qu'il y faisait. Curieux, il essayait de sentir une odeur, mais aucune ne venait soulever ses narines. Il tendait alors l'oreille pour tenter de percevoir un son. Il n'en entendait aucun. En promenant son regard dans la petite salle, il voyait tantôt les murs en noir, tantôt en vert. Cela semblait changer dès qu'il balayait les yeux trop vite, mais restait équilibré : ainsi le vert devenait noir, le noir devenait vert.

Observer trois de ses cinq sens bafoués le plongea dans une panique assourdissante :

- Il y a quelqu'un ? osa-t-il alors demander.

Il entendit sa voix s'enfuir dans un écho cristallin de quelques secondes. Un léger tremblement le prit, comme un vent froid venu de nulle part, annonciateur de mauvaises nouvelles, puis une silhouette se matérialisa sans bruit face à son visage.

Elle était humaine et sombre, elle était jeune et vicieuse. Elle était impressionnante. Elle souriait et son air confiant donnait encore plus d'assurance à ses yeux verts émeraudes.

Notre héros fit un pas en arrière en le reconnaissant enfin.

- Chat... noir ?

Lui en fit un en avant :

- Adrien.

- M-mais comment est-ce...?

- Possible ? Allons, je suis Chat noir. Le super-héros. Ça te dit quelque chose ?

- Mais... tu...

Adrien recula jusqu'à se cogner le dos contre le torse de quelqu'un. Il tourna la tête. Son alter-ego était passé derrière lui. Il voulut se retourner, mais Chat posa ses mains sur ses épaules avec force pour l'en empêcher. Le collégien se raidit.

- Tu es moi...

- Techniquement oui, lui susurra-t-il à l'oreille. Ou non. Ou peut-être. Je ne sais pas si je suis un reflet, une personne à part entière ou bien simplement, la vraie personnalité cachée d'Adrien Agreste.

Chat noir émit un petit rire en faisant glisser ses avant-bras sur la poitrine d'Adrien. Il s'amusa à glisser une griffe dans la chevelure du mannequin et à jouer avec une mèche.

Le sang de ce dernier ne fit qu'un tour. Le contact lui avait glacé le cœur. Autour de lui, les couleurs s'affolaient ; les murs devenaient teintés d'un dégradé étrange de vert et de noir, ou de noir et de vert. Cela variait, cela se mélangeait, bougeait. Comme si elles hésitaient, comme si elles étaient vivantes. Mais on ne savait plus qui avait le dessus.

Adrien avala sa salive en essayant d'ignorer le filet de sueur qu'il sentait couler sur son front.

- Qu'est-ce que tu veux ?

- Toi, qu'est-ce que tu veux.

Chat noir leva un avant-bras et pointa l'index en face. Adrien suivit la direction indiquée et sursauta : deux nouvelles silhouettes, côte à côte, le regardait sans sourire.

- Elles attendent. Depuis deux ans. Ta décision. Ton choix.

A droite près de la fenêtre, une Ladybug sévère éclairée d'un ciel sans lueur et à sa gauche, Marinette debout dans la pénombre l'air craintif. Sous l'adrénaline, Adrien eut le réflexe de lever son bras en ignorant le poids de ceux de Chat noir qui pesaient sur la poitrine.

- Marinette ! lui cria-t-il.

- Ah, fit-il languissant. C'est donc elle que tu choisis ?

- De quoi tu parles ?! Ladybug et elle sont la même personne ! Je ne peux pas les séparer !

- Ah oui ?

Le visage de Chat noir se ferma et il poussa soudainement Adrien avec violence. Les deux images derrière lui se rompirent d'un coup. Le jeune homme se retrouva à terre, à moitié couché sur le dos, ayant réussi à limiter les dégâts grâce à ses paumes collées au sol qui avaient retenues le choc. Il se mit sur les avant-bras et releva difficilement la tête vers son sinistre alter-ego.

Il le narguait.

- Tu ne te relèves pas ?

Il le voulut, mais Chat noir fut plus rapide. Il s'était déjà glissé entre ses jambes et penché sur son torse pour lui capturer le menton.

- Lâche-moi ! s'énerva le mannequin.

- Quoi, mes sales griffes vont abîmer ton beau visage de star ?

Chat étendit ses lèvres et cet air insolent qu'on lui connaissait bien apparut sous son masque. Il colla son front à celui du mannequin. Tout était devenu noir autour d'eux.

- J'ai le même, tu sais. Bien que je m'efforce à le cacher derrière un masque. Tu sais pourquoi ? Parce que je ne veux pas être Adrien. Je n'aime pas ce qu'il est. Je ne l'aime pas !

Le héros sombre plongea follement le vert de ses yeux dans le même qui englobaient ceux de son reflet civil. Comme s'il cherchait à les aspirer, à s'abreuver de leurs couleurs pour que derrière le masque, le regard de Chat noir n'en ressorte que plus intense.

Ce regard, Adrien l'avait tremblant. De peur et de colère.

- Dis... enchaîna Chat noir. Il y en a une, pas vrai ? Une que tu préfères. Entre les deux. Tu aimais Ladybug bien avant Marinette. Tu l'aimais sans aimer l'autre. Tu préférais le masque à la vraie personne.

- Arrête...

- Allez, avoue, murmura-t-il à à peine un centimètre de son visage. Tu as même essayé de te tourner vers Kagami une fois... C'était bien la preuve que tu t'égarais.

- Arrête !

- Toi, arrête. Nier a toujours été ton talent le plus aiguisé...

- Non...

- Maintenant dis-le. Ladybug ou Marinette ?

- Tais-toi...

- Allez, dis-le...

- Je t'en prie...

- Dis !

- ARRÊTE !

Le garçon en larmes le repoussa avec ses deux paumes d'un grand coup et alors qu'il s'apprêtait à se relever pour lui faire face dignement, il avait disparu. Suite à cela, tout disparut comme dans un rêve. Adrien avait vu qu'il y avait autre chose, mais il n'eut pas le temps de le voir.

Il se réveilla le matin, en sueur, étrange. Quelque chose n'était pas clair.

Le Bleu & le Jaune - Lukloe (MLB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant