Mémoire 1 : L'entretien (partie I)

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Au cours de mes nombreux voyages,

j'eu l'occasion de rencontrer toute sorte de créature, que même les rêves ne pourraient imaginer. Des petites, des grandes, des poilus, des cornus et j'en passe. Certaines amicales, d'autres remplies d'animosité.

La rencontre, reportée aujourd'hui, faillit me coûter très chère.

Tout commença à Venise. Je commandais mon verre habituel d'absinthe quand un homme en cape beige vînt m'aborder. Son parfum écœurant embauma le bar.

« Tu bois bien pour une fillette !, signala-t-il en s'étalant sur le comptoir et en me laçant un regard réprobateur. »

Après un seul coup d'œil, je pouvais affirmer qu'il n'appartenait pas aux enfants de l'ombre. Je choisis donc de l'ignorer, mais l'étranger insista sur ma consommation d'alcool et mon âge. Pour le faire taire, je sortis ma fausse carte d'identité. Il m'agaçait, mais comme il s'inquiétait juste de mon état en dépit du sien, je retins mon irritation.

Il commença à déclamer sa vie devant moi. Il se trouvait être médecin à domicile, divorcé et père de deux enfants. Le barman me lança un bref regard de condoléance, comme pour m'apporter un maigre soutient. Me voyant condamnée à écouter le récit de mon voisin, je bus d'un coup sec le verre. Le liquide vert me brûla la gorge, puis l'estomac. J'apercevais déjà Borgia me dire que je l'avais cherché avec cette apparence. Je pris mon portefeuille pour payer, quand l'homme marmonna dans son histoire :

« Je peux le jurer... cette chienne avait les yeux rouges. »

La mention de la couleur des iris éveilla ma curiosité.

« Vous parlez de l'un de vos patients ?, demandai-je en tendant soudain l'oreille.

— Oui, confirma-t-il en ravalant sa salive. Ou plutôt, de la chienne d'une de mes patientes. »

Le détail m'intrigua davantage. J'appelai le garçon pour nous servir de nouveaux verres. L'homme me scruta avec surprise quand je m'emparai de ma seconde absinthe. La réaction m'amusa beaucoup, mais je la comprenais. Après tout, il parlait à une magnifique jeune femme, seule dans un bar en pleine nuit, et qui ne semblait avoir que quinze ans. Elle consommait des alcools forts sans compagnie et s'intéressait à son cas farfelue. Si je jurais que je ne revêtais pas cette forme pour observer ce genre d'expression, je mentirai.

« Tu ne t'arrêtes jamais ?, s'informa-t-il en humant son verre.

— Je n'ai jamais été saoule, rétorquai-je avec défi. Je vous offre les verres, mais en échange vous me racontez votre aventure avec cette patiente, sans omettre aucun élément. »

Il me dévisagea incrédule. Heureusement, l'ivresse lui masqua l'étrangeté de la situation. L'homme porta la boisson à ses lèvres, puis débuta son histoire :

« Je tairai les vrais noms, me prévînt-il. Pour préserver l'anonymat de mes patients.

Je partageais un cabinet avec trois autres médecins. Suite au divorce et au retrait de la garde des mes enfants, je suis tombé dans une grave dépression. Je ne me déplaçais presque plus au bureau. On me redirigea donc vers la consultation à domicile. C'est ainsi que j'ai atterri chez la famille A.

Mme et Mr A me convoquèrent pour ausculter leur fille. Dès la première visite, je ressentis un mal l'aise en les voyants. Ils... ils ne semblaient pas appartenir à notre monde. Leur teint pâle qui laissait transparaître les vaisseaux sanguins. Leurs yeux bornés de cernes et leurs ongles exagérément longs. On aurait dit des cadavres sur pattes ou des fantômes. Les deux parents passaient encore, mais leur fille était dans un état pis. Je jure devant dieu ! Jamais je n'avais vu un individu aussi maigre !

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 14, 2019 ⏰

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