Chapitre 21 - L'île de Somnuim- Partie 2

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Le regard perdu dans les pages, j'ai refermé le livre d'un mouvement de paume en faisant voler la poussière autour. Je me suis précipité dans ma chambre, où la flamme d'une bougie que j'avais laissé allumer était consumée, comme la confiance que je portais à mon père. J'ai fermé les rideaux épais et poussiéreux et j'ai fait les cent pas dans la pièce, sans même ôter mes chaussures. Une lèvre pincée entre les dents et une main libre dans les cheveux, j'essayais tant bien que mal de retenir la fureur qui gonflait en moi. Avec frénésie, j'ai traversé la pièce de long en large. De mon pas lourd, je faisais grincer le parquet et mes pensées intérieurs ne trouvaient leurs places que dans l'air. Dans la salle de bains de ma chambre, j'ai aspergé mon visage d'une vague d'eau froide. Les mains posées sur la vasque en marbres, je me suis observé longuement. La fatigue avait pris possession de mes yeux rougis par le manque sommeil et des taches rouges couraient le long de mon cou. Ma mâchoire était bloquée sous mon souffle et un goût métallique teintait ma salive. Je mettais mordu les lèvres à sang.

Épuisé par mes réflexions incontrôlées, je me suis étalé sur le matelas inconfortable de cette immense pièce, la position en étoile et les yeux fixés vers le plafond. Je me sentais terriblement seul et naïf. Perdu dans un monde inconnu, dont l'existence semblait irréelle.

Pourquoi avais-je accepté cette invitation ?

À cet instant, je rêvais de voir Aubrey et sa mine malicieuse. Cette seule pensée étira mes lèvres et défroissa ma ride entre les deux yeux. J'ai relevé ma manche et j'ai scruté du coin de l'œil l'heure sur ma montre aux reflets dorés. 2 h 34. Aubrey doit dormir à cette heure-ci. Impossible de l'appeler. Je ne voyais qu'un seul moyen de combler mon insomnie : retourner dans cette pièce pour trouver des réponses à mes questions.

Dans le long corridor, le calme planait. Seuls des bougeoirs suspendus aux plafonds éclairaient les coins sombres ainsi que les portraits tristes accrochés aux murs. Mes pas résonnaient malgré les tapis somptueux étalés dans les couloirs. Sans difficulté, j'ai retrouvé la fameuse porte. Cette dernière se trouvait à quelques mètres de mon être. J'étais sur le point d'atteindre la poignée quand des amas de voix se sont fait entendre dans mon dos. Avec vitesse, j'ai tourné la tête et j'ai aperçu des ombres se projeter sur le mur. Je me suis décollé de la porte et je me suis recroquevillé derrière un rideau bordeaux. Le corps contracté et le souffle arrêté.

Personne ne dort à cette heure-ci ?

J'ai tendu l'oreille et la voix familière de mon père résonna contre les murs vieillis.

- Je suis affreusement désolé de vous convoquer à cette heure-ci, mais je n'ai pas réussi à trouver le sommeil, s'est-il exclamé.

- Que se passe-t-il ? A questionné une voix féminine aiguë qui semblait être celle de tante Hedeline.

Les mains le long du corps, j'ai légèrement décalé ma tête pour observer le spectacle du coin de l'œil. Tous les membres de l'ordre parfaitement habillés trônaient autour de mon père.

- Je crois qu'il est préférable d'en parler dans un endroit à l'abri des oreilles indiscrètes... A conseillé mon père.

Il fit un tour sur lui-même et balaya le couloir d'un mouvement d'yeux. Je me suis un peu plus collé contre la fenêtre, où une légère brise caressa le bas de mon dos. J'ai tourné les yeux et ils ont disparu de mon champ de vision. J'ai retiré mes chaussures et j'ai retrouvé leurs traces dans un étroit couloir. Au fond, une porte entrouverte faisait briller les murs miteux. Je m'y suis approché - mes chaussures dans les mains- et j'ai reconnu la voix de père. On m'avait toujours appris à ne jamais écouter aux portes, mais cette situation était trop tentante pour passer à côté. Je devais écouter cette discussion aux allures de réunion familiale importante.

 Au-delà De Nos Rêves Où les histoires vivent. Découvrez maintenant