Nous n'avons pas le choix, il nous faut du personnel. Sans nouvelles recrues, le service marketing tournera au ralenti et il est évident que nous ne pouvons pas nous le permettre. Alors il a été décidé, en concertation avec le service RH, que nous entamerions une série de recrutement, ainsi l'entreprise est prête à accueillir deux nouveaux employés : un(e) responsable marketing et un(e) chef(fe) de produit.
En ce jeudi, la journée est consacrée aux recrutements. Nous avions préalablement triés les CV et aujourd'hui les candidats s'enchaînent devant les yeux experts de mon collègue des ressources humaine et de moi même. Le premier candidat ayant pénétré dans la salle se présenta sous le nom de Daniel GERMAIN, ce qui confirmait la photo présente sur son CV. Tout au long de l'entretien, il répondit aux questions de manière calme et sereine, et malgré mes petits coups de pression, il garda son sang froid. J'espérais secrètement qu'il craque mais il ne l'eut pas fait. Cela peut paraître sadique de pousser les candidats à bout de nerf mais j'ai mes raisons, d'ailleurs sans cela, le service marketing ne serait pas aussi efficace. Après, il est vrai que cela n'explique pas pourquoi je voulais que ce candidat échoue, je veux dire, il a parfaitement réagit et pourtant sous ses airs d'homme de la situation, je ne l'apprécie pas vraiment. Enfin, peut-être qu'il me fera démentir. En attendant, j'ai sans aucun doute trouvé un responsable marketing qui en vaut la peine.
Toujours attentive aux candidats qui défilent, je ne trouve personne qui saura parfaitement remplir le rôle de chef(fe) de produit, ce n'est pas qu'ils n'ont pas les qualifications, mais plutôt qu'ils n'ont pas la force mentale nécessaire. J'entends par là, que chaque candidat -jusqu'à maintenant- craque nerveusement lorsque je le bouscule un peu, ainsi, certain finissent en larme et d'autre s'énervent. Dans le milieu concurrentiel auquel l'entreprise s'inscrit, je ne peux pas permettre qu'un de mes employés lâche l'affaire à la moindre difficulté.
Nous arrivons pratiquement au bout des entretiens lorsqu'une jeune femme d'un peu près mon âge fait son entrée. Malheureusement pour elle, je ne peux que constater son manque de goût en matière de vêtement. Déjà désespérée par cette nouvelle candidate, je la mets dès à présent au défi en la fixant intensément du regard, ce à quoi elle détourne les yeux. Si elle réagit comme ça dès le début, je ne sais pas si elle réussira à ne pas pleurer avant la fin de l'entretien.
À l'instar des fois précédentes, je laisse mon collègue prendre la parole afin de faire les présentions et présenter l'entreprise dans sa globalité. À la fin de son discours, Mr LEFEBVRE me fait un petit signe de la main pour m'inviter à poursuivre. Alors que je m'apprête à parler, je suis assez surprise de voir que la jeune femme assise en face de moi soutient mon regard. Finalement, elle ne pleurera peut-être pas tout de suite. Plutôt ravie, à l'idée qu'elle montre un peu de résistance, je laisse entrevoir un sourire.
J'entreprends de lui définir avec précision le poste lorsque je remarque sur son CV qu'elle a déjà quelques années d'expérience derrière elle. Par conséquent, je l'interroge rapidement pour savoir si je peux passer à la suite, ce à quoi elle répond positivement. Cependant, avant de poursuivre le fil de l'entretien, un détail attire mon attention, elle a travaillé chez KTSCOM, une entreprise qui a récemment fait faillite. Du coup, pour la prendre de court, je lui demande si oui ou non elle se sent responsable de cette situation. Ma question semble avoir l'effet escompté puisqu'elle est complètement perdue dans ses pensées. Puis, après quelques secondes de réflexion, malgré le caractère imprévisible de la question, elle me répond avec dextérité et audace, tout en plongeant ses yeux dans les miens. Je dois avouer qu'elle me surprend sur ce coup, cependant je compte bien la désarçonner davantage. Ainsi, j'affiche un visage impassible, neutre d'émotion et lui jette une pique en lui demandant si elle admet commettre des erreurs. La jeune femme apparaît alors confuse mais me donne finalement une réponse : « oui, après tout, nous sommes humain, nous faisons tous des erreurs ». Suite à cette réponse « facile », je revêts mon costume de méchante et m'autorise une remarque froide et dure, ainsi je lui dis simplement que ce n'est pas mon cas et que je ne commets jamais d'erreurs. Il saute aux yeux qu'elle est dépourvue de mots pour répliquer et d'autant plus mal à l'aise. Je laisse volontairement le silence s'installer afin de faire monter d'un cran la pression en elle. Finalement, le responsable RH vient au secours de la jeune femme, lorsque celle-ci l'implore du regard, et il reprend l'entretien.
À la question classique : « Pourquoi postulez-vous chez nous ? », la candidate du nom d'AUBERT regagne une certaine confiance en elle et se lance dans un monologue enthousiaste et un peu rêveur. C'est ainsi qu'elle parvient à conquérir toute l'attention de mon collègue. D'ailleurs, je me dois d'admettre que son petit discours à fait son effet. Son côté rêveur et ambitieux lui vont vraiment bien et m'attendrissent légèrement mais je me reprends vite et remets ma casquette de Cruella. C'est pas tout, mais je dois jouer mon rôle de méchante jusqu'au bout. Du coup, je la fais redescendre sur terre en brisant le caractère bienveillant qu'elle donne à l'entreprise. Elle est maintenant toute troublée et commence à se justifier avant que je la coupe précipitamment. Je réplique avec un discours dur et méprisant qui en énerverait plus d'un, mais contre toute attente elle se retient et aborde un magnifique faux sourire. Puis, avec un air de défi, elle soulève de nouveau mon regard et défait mes arguments d'attaques les uns après les autres. À force, c'est moi qui vais finir désarmée. Son habilité face à l'improvisation me plaît beaucoup, c'est donc avec satisfaction que je dissimule un sourire. Alors que mon collègue s'apprête à poursuivre, je la défis une dernière fois du regard et face à sa combativité silencieuse il ne m'en faudra pas plus pour lui faire une place au sein de mon équipe. Finalement, je coupe court à l'entretien et l'invite à sortir. Comme je m'y attendais et l'espérais, elle garde son calme et vient même s'excuser pour son comportement sois disant « désobligeant ». Il est évident que rien n'a pu lui être reproché lors de cet entretien mais pourtant elle fait des excuses, décidément elle est parfaite. Alors qu'elle se dirige furax vers la sortie, je lui lance un « au revoir » moqueur pour l'énerver encore un peu. Je sais, c'est pas sympa, mais là, j'ai pas pu résister, j'aime trop ses réactions.
La fin de journée approche et la file de candidat également. Les derniers n'ont pas fait long feu, d'ailleurs aucun n'arrive à la cheville de mam'selle AUBERT. Finalement, lorsque tout se fini, c'est ravie que je regagne mon chez moi.
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Viens sous mon parapluie (ELENA vers.)
RomanceRevivez le roman "Viens sous mon parapluie" à travers les yeux d'Elena. Qui est réellement Mme CORRE? Vous le découvrirez à travers cette histoire.