C'était un chatouillis doux dans sa poitrine.
C'était un frémissement malicieux qui courait sur sa peau.
C'était une chaleur timide au creux de son ventre.C'était des souvenirs.
Une pomme perdue dans le jardin des miracles. Une licorne rusée s'échappant de l'Arche. Une dégustation iodée d'huîtres à Rome. Un affrontement avorté entre Chevalier Blanc et Chevalier Noir. Une représentation déserte de Shakespeare. Une prise de bec enflammée devant les canards de St James*. Une réconciliation signée à l'eau bénite dans la chaleur de cuir d'une charmante Bentley. Un petit miracle démoniaque au milieu des restes fumants d'une église allemande. Une soirée de beuverie soldée par un Arrangement à l'amiable. Un clin d'oeil complice entre une étrange Nanny et un drôle de jardinier. Une erreur qui provoque la fin des temps. Une tâche de bleu, une tâche de rouge. Une confrontation intime dans un couvent reconverti. Un rappel précipité au Paradis. Un cri déchirant au milieu des cendres d'une librairie. Une apparition fantomatique devant une* bouteille d'alcool. Un combat acharné contre les forces du Ciel et des Enfers. Une Apocalypse curieusement dejouée. Un Seigneur du Mal renvoyé dans les entrailles de l'Enfer. Un supplice de feu et un bain d'eau bénite. Une victoire savamment fêtée au Ritz. Un retour chancelant à la librairie, bras dessus bras dessous. Un gloussement amusé résonnant dans le calme de la nuit. Une chute maladroite sur un vieux canapé moletonné. Un rire cristallin qui s'éteint sous des lèvres quémandeuses. Un frôlement feutré, la caresse timide d'un baiser. Une nuit de tendresse baignée de Lune.
C'était le souvenir d'une éternité.C'était des parfums.
L'odeur âcre, puissante de la cendre et des flammes qui collait à la peau de Crowley.
La fragrance délicate, discrète mais crépitante, d'orage qui courait sur l'épiderme d'Aziraphale.
Les effluves entêtantes au goût de vieux livres qui baignaient la librairie d'accents de savoir et d'éternité.
Les relents de cuir qui s'accrochaient a leurs vêtements, l'odeur rassurante d'essence et de pneu de cette bonne vieille Bentley.
Les émanations printanières du Parc St James, et leurs arômes de tranquillité et d'apaisement.
Mais c'était aussi le parfum tendre, familier et doucereux, de souffles chauds qui se mêlent, de peaux qui s'embrasent, la moiteur musquée de corps qui se frôlent, se découvrent, s'entremêlent dans la tiédeur de la nuit, l'intimité des draps.
C'était l'exhalaison de l'amour.C'était des saveurs.
Le jus sucré et douceâtre du fruit défendu, le parfum amer de la pluie sur la langue, l'arrière goût acidulé mais délectable d'un vin français, le fumet délicat des entremets du Ritz, la douceur alléchante d'un dessert, la chaleur réconfortante d'un Earl Grey.
C'était le piquant des lèvres avides du démon, la suavité de la langue timide de l'ange, le goût salé de la sueur, la saveur addictive des baisers, des caresses, des étreintes.
C'était le charme tranquille du partage.C'était des sensations.
La brûlure incendiaire des flammes du désir dans le creux du ventre, la chaleur exaltante des attouchements, l'humidité crépitante des baisers.
Le chatouillis des effleurements sur la peau sensible, les frissons traîtres courant sur l'épiderme en feu, la caresse envoûtante d'un souffle.
La légèreté innefable de lèvres qui se goûtent, le velours des étreintes aimantes, la délicatesse des doigts graciles qui courent sur les corps tremblants.
L'affection qui transparaît dans les gestes, les mots, les oeillades, les fossettes au coin des sourires.C'était un tout.
C'était amitié, compassion, compréhension, colères, regrets, pardon, douleur, gaieté, camaraderie, humour, silences, désaccords, concessions, aveux, non dits, taquineries, mots doux, murmures, soupirs...C'était Partage.
C'était Éternité.
C'était Amour.C'était étrange.
C'était beau.
C'était Eux.