Octobre 2019 (1)

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« Il fonctionne encore ce truc ?

— Oui, regarde, la lumière s'est allumée.

— Cool ! Au moins j'aurais pas claqué trente boules pour ce truc pour rien ! »

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Quoi de mieux qu'une sortie Ikéa entre potes quelques semaines après être rentrée de vacances ? Rien ? On est d'accord. Et le premier qui se plaint j'en fais de la bouillie. J'ai vraiment besoin de remeubler mon appartement, d'accord ? Et puis mon grand-père m'a envoyé un gros virement pour fêter mon passage en médecine, faudrait pas le laisser dormir, si ? Quoi, je suis dépensière ? C'est faux, je ne vois pas de quoi vous voulez parler.

Enfin bref, prévoir cette sortie Ikéa avec la bande n'a pas été de tout repos. Il a fallu que je les tire de leurs cours qui viennent à peine de commencer, ou de leurs relations aussi dans le cas de certains. Mais bon, on ne peut pas me reprocher de vouloir les voir, ça fait trop longtemps que je ne me suis pas permise une sortie avec eux tous. Même si c'est une sortie à Ikea. Surtout si c'est une sortie à Ikea.

Je pose mon téléphone après avoir pianoté un message rapide à l'intention de ma coloc', Amina, qui visiblement ne compte pas venir. C'est rien, je la comprends un peu. L'année dernière, c'est moi qui jouais le rôle de la meuf méga occupée, cette année, avec l'essor de tous ses projets, elle prend ma place. Juste retour des choses, pas vrai ? Je sais pas où elle est, actuellement, mais elle est clairement pas à la maison. Un meeting pour l'asso journal LGBT de Toulouse, peut-être, elle m'a dit qu'elle s'investissait pas mal dedans depuis cet été. Cool pour elle, moi ce genre d'engagement c'est pas mon truc.

Mon truc, j'avoue que c'est plutôt les sorties entre amis. Voir des gens, leur parler, faire n'importe quoi. C'est bien pour ça qu'on va à Ikea plutôt que sur la place du Capitole d'ailleurs, parce que j'expérimente des trucs. J'aime bien expérimenter. Mes restes de couleur le prouvent. En ce moment, mes pointes sont bleu vif, ce qui ressort énormément sur mes cheveux noirs et m'aurait sûrement attiré des regards pleins de jugement dans les campagnes de mon enfance, mais ici, on est à Toulouse. Et ici, je suis libre de porter mes colorations, de me faire des tatouages autant que je veux et d'afficher clairement mon style vestimentaire plus rock que normal dans les rues, car il y a de fortes chances que le dixième des gens que je vais croiser fasse de même.

Je caresse mon épaule gauche, ou un tatouage en forme de croissant de lune s'étend sur ma peau un peu dorée. Le blanc de l'encre ressort plutôt bien, j'aime bien l'effet qu'a donné le tatoueur. Je me le suis fait pour fêter l'obtention de mon année, mais je crois que je retournerai chez lui sans avoir besoin d'occasions...

Il se passe un moment de flottement avant que l'interphone ne sonne, et en bonus non négligeable ne me casse bien violemment les oreilles. Il va vraiment falloir que je demande à mon proprio de changer ce truc, c'est l'occasion. Enfin, que je demande à Amina si je peux demander au proprio. C'est elle qui est en contact avec lui de base, vu que techniquement, c'est moi la colocataire.... Mais bref, qui que ce soit à l'interphone, il a l'air vachement pressé, nom d'un chien en biquette ! Faut que j'aille ouvrir. Ce que je fais.

Un appui sur le bouton plus tard, une personne visiblement très agacée se met à gueuler de toute la force de sa voix dans l'interphone. De toute évidence, mes cinq secondes de retard ont été les cinq secondes de trop.

« —LESLYE ! Bouge ton putain de gros popotin, on t'attend ! Je te rappelle que l'ascenseur dans ton immeuble de merde est tout sauf fauteuil-roulant-friendly, je peux pas monter moi ! »

Je reconnais la voix d'Eve, avec derrière quelques murmures paniqués qui doivent appartenir à Ida. Rien de bien méchant comparé à l'habitude, même considérant que je ne suis en retard que de cinq secondes ; Eve est très agressive quand on l'oblige à aller dans des lieux où son fauteuil ne passe pas. Ce en quoi je la comprends, d'ailleurs. Et puis gueuler sur les responsables de la fac pour avoir des aménagements, ça sert, des fois.

La Génie de la LampeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant