Chapitre 5

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Après avoir claqué la porte, Ysatis resta un moment à fixer les rainures du bois ancien avant de lâcher un long soupir.

Elle se mit dos à elle, et se laissa lentement glisser jusqu'au sol.

" Mais qu'est-ce que je suis en train de faire..."

Au fond du couloir, de l'autre côté de la porte, elle percevait l'activité énergique de Wya, qui alternait entre son travail sur une nouvelle machine, et la destruction rageuse d'une ancienne.

Ysatis ne voulait définitivement plus croiser sa colocataire, encore moins en sachant qu'elle-même n'était pas dans un état des plus calme. Mais si la rage dont faisait preuve la mécanicienne était depuis longtemps devenue une habitude, la voleuse ne savait que faire des sentiments contradictoires qui l'habitait.

tout d'abord, elle était rongée par la colère, ce qui était d'autant plus perturbant pour elle qu'elle ne savait pas vraiment contre qui cette fureur était dirigée. Mais un autre sentiment, plus douloureux encore, lui enserrait les entrailles.

Déception ? Regret ? Peine ?

Peut-être un mélange de tout ça ?

La renarde ne parvenait pas à mettre un mot dessus, ce qui la tourmentait de plus en plus.

Les mots de Wya résonnaient toujours avec cruauté dans son esprit, et ne faisaient qu'amplifier son malaise.

"Tu n'as personne ! Tu n'es personne !"

Ce qui touchait le plus Ysatis, c'était la véracité de ces paroles. Une vérité qu'elle s'était efforcée d'oublier au fil des années. Et maintenant qu'elle se trouvait face à ces mots, directs, sans détour, elle ne voyait plus de sens à ses récents agissements. Après tout, c'était vrai, que cherchait-elle à faire de ses talents ? Pourquoi avait-elle suivit Wya dans son projet ? Aucune des réponses qui lui venait ne sonnaient juste.

Ces pensées commençant à l'étouffer, Ysatis finit par se lever et fit quelques pas dans le long couloir délabré. Elle n'atteignit même pas la porte du fond qu'elle eut l'impression que les murs se resserraient sur elle avec le dessein de l'écraser, comme ça lui arrivait souvent. La jeune femme s'empressa de tourner les talons, et de sortir précipitamment par la même porte qu'Eneko un peu plus tôt.

Dehors, la nuit était déjà tombée.

Le cycle jour-nuit de Locklay était réglé avec une précision qui rivalisait avec celle de la grande horloge de la ville.

La ville possédait des éclairages classiques à base de lampadaires le long des rues, mais également de grands globes lumineux placés bien plus haut que les bâtisses elle-mêmes. Durant les heures de jour, ces sphères diffusaient une intense lumière blanche qui éclairait la ville entière de manière presque égale, comme une infinité de soleils de petite taille. Seule exception, les Pattes, le quartier de l'éternelle nuit, là où de nombreux secrets étaient gardés.

Puis, au fil des heures sonnées par les cloches, ces lumières prenaient peu à peu une teinte orangée le soir, avant de s'éteindre pour la nuit. Seule la Colonne, en opposition aux Pattes, restait éclairée par ses vieux lampadaires toute la nuit, car même les heures tardives ne pouvaient endormir l'activité de la grande allée.

Quand Ysatis referma la porte derrière elle, les sphères étaient déjà éteintes depuis un moment. Le sol mouillé et glissant après l'Essor reflétait les toits des habitations alentours. L'activité de la Colonne lui parvenait sous forme de brouhaha lointain, et constituait la seule activité sonore du quartier.

Mais ce soir-là, pour la première fois depuis longtemps, Ysatis n'alla pas vers la Colonne pour s'occuper l'esprit. Au lieu de ça, elle se dirigea vers le centre du Corps ; là où se tenait, fier, le clocher de la ville.

The Fox's MadnessOù les histoires vivent. Découvrez maintenant