Repérer ( Straker )

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Toujours posté sur le toit du building. Cinq cents mètres de distance. La séparation entre ma cible et moi-même était une sécurité pour ma personne.

D'une: Car un snip n'est pas une mitraillette et donc, nous avons un temps d'attente avant de pouvoir tirer à plusieurs reprises en cas d'erreurs. Chose qui ne m'est jamais arrivé.

Deux: Les tireurs d'élite n'aiment pas avoir le regard de la personne posé sur eux avant d'appuyer sur la gâchette.

Trois: Plus nous sommes éloignés, moins nous sommes sujettes à nous faire repérer.

Laissant une brise venant de l'ouest passer, je saisissais le cache afin de l'ôter de mon viseur. Toujours l'enlever au dernier moment pour qu'on ne sache où je me situe. Un reflet dans le viseur et c'est peut-être foutu.

Sans l'avoir défait totalement, la jeune femme se tourna vivement vers le building où j'étais positionné. Je percevais ses poumons se gonfler d'oxygène. Mon œil gauche dans le viseur, ma vision fût choquée. Je froncais les sourcils d'incompréhension.

Ce n'était pas que le bâtiment qu'elle fixait, mais j'avais l'impression qu'elle m'apercevait. Ce qui était improbable sachant la pénombre, mes fringues sombres et le fait qu'aucun reflet n'avait illuminait le verre de mon viseur. Je réglais un peu plus le zoom de mon arme. Je me croyais fou à cet instant.

Des prunelles couleur océan parsemés d'impacts dorés me perçaient. Une mer magnifique surplombée d'étoiles que je visualisais et qui me happait dans ses profondeurs. Un splendide abysse qui me faisait plonger dans un doute certain. D'une part, car ce regard était sublimé par ces tâches d'or et secondo, je comprenais que ces iris n'avaient pas le crime ancré en elles.

J'avais la sensation qu'elle me parlait d'un simple coup d'œil. Me disant qu'elle savait que j'étais présent et qu'elle me demandait de ne pas appuyer sur la détente. D'ailleurs mon index s'était décalé spontanément à cette vue.

J'avalais difficilement ma salive. J'étais tout simplement paumé devant ce spectacle étoilé, devant l'innocence de ses yeux. Il y avait également une détermination de se défendre en eux. Voilà que mon analyse du moment pétrifiait mes membres. Jusqu'à ce qu'un crissement de pneus me sortit de cette léthargie.

Coupant notre contact visuel. M'otant de cette vue imprenable. M'enlevant de ce lien que j'aurais détesté en temps normal. Mais là, je l'adorais de trop. Oui, trop !

Un véhicule style 4x4 noir fonçant droit sur elle. Pourquoi voulait-on l'éliminer ? Elle... elle qui n'avait aucune once de cruauté. J'en étais persuadé et mes intuitions ne m'ont jamais trompé. Seuls les moments où je ne les avais pas écoutées, c'est là que je foirais. Une fois, mais pas deux. Je m'étais toujours juré de faire ce que mon instinct me dictait depuis une erreur que j'avais fait dans ma jeunesse. Cette connerie qui me ronge encore le sang.

À partir de cet instant, je n'avais plus qu'à suivre cet instinct intuitif. Un quart de seconde à simuler dans mon cerveau chaque conséquence dans l'acte que j'allais produire.

La femme lâchait du regard la voiture pour me percuter une seconde fois avec ses yeux perçants. Je compris et j'ai agi à cause d'elle et de mon intuition folle et lucide à la fois.

Le sifflement d'une balle retentissant dans la ruelle, tirant sur le barillet un deuxième tir partait presque instantanément. Résultat un pneu et le conducteur crevés de sorte que le 4x4 soit dévié de sa trajectoire. Il fonça dans le mur grisâtre à gauche de la belle. Les passagers n'étaient pas assez secoués par le choc. Ils sortaient aussitôt pour s'emparer d'elle.

Rechargeant vite ma poupoune. Cette arme que je chérirai jusqu'à la fin de ma carrière. D'ailleurs, j'avais peut-être signé ma retraite anticipée avec cette connerie, mais je m'en fichais royalement.

Ma vision étant surprise une nouvelle fois. La magnifique créature combattait avec une dextérité tel que j'en étais soufflé. Des malabars se faisaient mettre à l'amende par une femme qui devait peser moitié moins que leur poids. J'en souriais en coin.

Ses cheveux tombants en cascade volaient avec souplesse à chaque coup qu'elle portait à ses agresseurs. Un tentait de l'attraper par derrière et je n'entrais pas dans la dentelle pour ma part. Une balle, un kill. Cette différence entre nous deux. Je remarquais bien qu'elle ne donnait que des coups non mortels. J'étais sûr qu'elle réfléchissait pour ne pas les tuer. Elle n'aurait pas dû être si douce, car eux désiraient sa mort.

Une fois les hommes à terre, elle se tournait vers ma direction. Dans ses iris reflétaient les remerciements. J'en avais loupé un battement de cœur et je détestais autant que j'aimais cette sensation. J'ai haï la minute qui suivit. Disparaissant comme un éclair dans la rue à l'inverse de moi. Elle me laissait comme un con sur place.

Il fallait que je la retrouve pour comprendre comment elle s'y prenait pour mettre une mine à des molosses. Pour savoir comment elle faisait pour partir aussi rapidement et pourquoi des personnes de la haute société souhaitaient son extermination...

Hors du commun Où les histoires vivent. Découvrez maintenant