Chapitre X

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A Yutian, au petit matin, l'armée s'ébranla et partit vers Minfeng sous les regards inquiets du peuple qui observait le spectacle du haut des remparts. Ophélie avait déjà vu Anélia tôt le matin, Sieg vint lui aussi pour lui souhaiter bonne fortune, car, à force d'aventures, il s'était attaché à ses deux compagnons de route et il éprouvait autant d'inquiétude qu'un ami puisse en éprouver. L'armée mettrait suffisamment de temps à rejoindre Minfeng pour que leurs espions soient au courant de leur arrivée et puissent se défendre.

Olivier approcha de Mishaleyi dans l'après­midi, sur son chemin il avait d'ores et déjà aperçu de multiples corps de soldats d'Arthur, il pouvait aisément les reconnaître grâce au blason du dragon rouge qu'ils portaient sur leurs écus ou leur cuirasse, percées de flèches et les armures fendues. Il doutait fortement que ce soit l'œuvre de Julius, ce dernier n'était pas encore assez puissant pour s'attaquer à toute une cohorte militaire et aucun de ses hommes n'était assez aguerri dans l'art de l'embuscade. Mais pour un ancien soldat tel que Guy, avec sans aucun doute de nombreux partisans au sein des villes sous la coupe du tyran, se jouer des patrouilles ennemies et les prendre à revers pour mieux les anéantir était chose aisée. Olivier présumait même que d'anciens soldats avaient déjà sans doute fait défection pour se ranger de son côté.

Il lui fallait déjà trouver le repaire de Guy, et il était presque certain de savoir où le trouver. L'antre des fourmis géantes était l'endroit idéal, immense, spacieux et les hommes d'Arthur craignaient de s'aventurer dans ses tunnels quand bien même la colonie d'insectes fut anéantie. La frayeur qu'il ne reste quelque monstre encore en vie devait les tenir à l'écart. Il se posa non loin de l'antre et reprit forme humaine. Chaque transformation le faisait souffrir atrocement, ses os se brisant et se reformant à une vitesse incroyable qui le laissait quelques instants au sol. Lorsqu'il eût repris son apparence naturelle, il s'écroula par terre pour reprendre son souffle et attendre que la douleur s'apaise. Il se dirigea alors à pied vers la sortie qu'ils avaient prise pour s'échapper, se repérant aux vagues formes qu'il apercevait devant lui et les souvenirs des impressions qu'il eût lors de sa première visite. Lorsqu'il y arriva enfin, après avoir traversé quelques dunes et s'être assuré d'être aperçu par les sentinelles postées à des recoins du repaire, car sous les dunes on pouvait apercevoir de petites fentes dans le sable ou des yeux observaient chaque mouvement. Si Olivier ne pouvait distinguer quoi que ce soit, sa cécité l'handicapant toujours, il pouvait sentir aisément tout être vivant se situant proche de lui et sa magie lui donnait une image nette d'où ils se trouvaient. Il était clair qu'on l'avait vu et qu'on l'attendait. À l'entrée du tunnel se trouvaient deux immenses fourmis de pierre, déplacées jusqu'ici pour terrifier les soldats qui oseraient s'aventurer dans ces tunnels. Cela ne l'impressionna guère et il entra dans le repaire des rebelles.

Après quelques mètres où on donnait l'impression d'un nid abandonné, le sol redevenait lisse et on pouvait voir des traces de pas dans les vagues de sable emmenées par le vent jusqu'ici. Il ne s'était pas trompé, le campement principal devait se trouver dans l'ancienne chambre où la reine résidait autrefois. L'endroit était idéal, des corniches surplombaient l'ensemble de la grande cavité, un nombre incroyable de tunnels ou l'on pouvait aisément se perdre si l'on ignorait le chemin. Olivier se guida grâce à la fraîcheur de l'air. Se souvenant lors de son premier voyage que plus l'air était frais, plus il descendait et se rapprochait du nid principal.

Au détour du dernier tunnel qui menait à la ruche, une ombre se dressa devant lui, puis plusieurs surgirent de toutes parts. Des corniches apparurent des archers qui le mirent en joue.

« Plus un pas » lui ordonna une voie aux connotations féminine.

« Qui êtes­vous et que venez­vous faire ici ? » lui dit­elle sur un ton autoritaire.

Le Mage InfirmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant