*°• Georgiana •°*

•ƈɧą℘ıɬཞɛ ı•

Quand j'étais enfant, une amie à l'orphelinat m'avait racontée une histoire, une histoire vague et un peu troublante dont le souvenir même persistait dans ma mémoire, comme une menace, un avertissement, ou bien même, la prévention d'un danger... tout proche.

"Je vais vous raconter la légende de la princesse noyée..." avait-elle commencé, à voix basse, "La princesse Anna, unique héritière du trône d'Espagne, menait une vie merveilleuse auprès de ses parents. Mais, un jour, sa forteresse fût attaquée par des barbares.
Alors, pour assurer la sécurité de la princesse, le roi et la reine la confièrent à un garde royal, avant de mourir sur les lieux.
Le garde se hâta de changer l'apparence d'Anna et filèrent dans les ténèbres d'un village voisin. Sur leur chemin, ils rencontrèrent une sorcière qui accepta de s'occuper d'elle sous une stricte condition : personne ne devait connaître la véritable identité d'Anna.
Des années s'écoulèrent et la princesse fleurissait de jour en jour comme une crémière au printemps. Les villageois leur posaient toutes sortes de questions sauf qu'un jour la vieille sorcière, sous l'emprise de l'alcool laissa échapper qu'Anna était en fait la véritable héritière du trône.
La nouvelle circula de village en village plus rapidement que prévu.
Une terrible nuit d'orage, sinistre et glaciale, Anna fut enlevée par deux hommes armés et à cheval. À quelques miles du village se trouvait un lac, dans lequel fut noyé de force la princesse. Les criminels restent à ce jour inconnus.
Depuis se jour, on raconte et toutes les personnes qui se sont aventurés trop près de la berge après la tombée de la nuit seraient tous devenus fous !
Ah... Ce n'est pas tout ! Plusieurs fermiers auraient jurés avoir vu plusieurs fois un spectre errant autour du lac, un spectre en chemise de nuit blanche mouillée qui courrait en se couvrant les oreilles avec les deux mains..."

Cette description fut si nette et précise que l'image me fit sursauter. Mon cœur s'était emballé mais, à l'époque, je m'étais rassurée toute seule parce que ce n'étais qu'une légende,l'histoire n'était pas vraie.

Seulement, avais-je eu la moindre idée, du haut de mes huit ans, que la silhouette de jeune fille en chemise de nuit qui courait désespérément autour du lac, n'étais personne d'autre que ma propre ombre ?

*

*             *

"GEORGIE !"
...
"Georgie ?"

"QWOUA ?"

"Viens voir !"

"Bah attends! Tu vois pas que je suis occupée ?"

Margarette était à genoux sur le banquet en face de la fenêtre, ses doigts et son nez collés à la vitre.

"Et bah ça alors...! Tu viens juste de rater LE Matthieu Beauman rentrer dans l'orphelinat."

"Lui !? Oh non... roh aller pousse toi, j'veux voir !"

Je descendit précausieusement de l'étroite échelle en bois sur laquelle je triais les bouquins des étagères d'en haut et me précipitais vers la fenêtre.

"Trop tard cocotte, il est déjà rentré... " fit-elle en clignant d'un œil.

Cela faisait deux semaines et quatre jours et demi que toutes les 560 orphelins de cet orphelinat attendaient ce jour.
En ce joli début de Mai, le jeune et beau marquis, Matthieu Beauman nous rendait une visite singulière avec bien sûr l'intention d'adopter une ou plusieurs d'entre nous.