Drink Sober 𝓜𝓪𝓻𝓬𝓸𝓧𝓐𝓬𝓮 𝓞𝓢

Drink Sober

Je ne me souviens plus de la raison pour laquelle j'étais ici, dans cet endroit cloîtré, plein à souhait de gens désireux et désirés. Il n'y avait plus de barrière commune ni de règles. Beaucoup venaient de commencer cette nuit, qui risquait d'être très longue, sans avoir l'âge requis et ayant déjà perdu toute sobriété. La musique tapait fort les tympans, cela nous empêchait de communiquer correctement, et ce n'était pas plus mal. Il y avait beaucoup de personnes différentes, avec des buts différents, des vies différentes. Mais quelque chose les rassemblaient tous, et c'était le désir de s'amuser plus qu'autre chose. Si c'était pour oublier, taire sa tristesse ou même rencontrer des gens.
L'odeur d'alcool et de tabac flottait constamment, parfois coupé avec celle de la transpiration des corps dansants endiablés. Les lumières ambiantes, passant par toutes les couleurs du bleu au rouge, frappaient l'obscurité et assombrissait les visages nocturnes, rendant le tout mystérieux et attirant.

Je m'étais assis dans un des coins du bar et attendais qu'on me serve une boisson, sans doute, je l'avais choisie au hasard. Peu importait la contenance à vrai dire, il me fallait passer cette soirée, l'esprit vide.
Un homme assez grand s'était ensuite assis à ma droite et me fixait, sans aucune discrétion, avec un petit sourire charmeur au coin des lèvres.

- Je t'offre à boire ?

J'hésitais à lui rendre son sourire, mais après tout pourquoi pas. J'hochai la tête en guise de réponse. Je reçus alors le verre que j'avais commandé plus tôt et une bière, que j'engloutis assez vite. Il commença à me raconter sa vie -pas très intéressante- et m'invitait à danser, mais toujours, pourquoi pas.
Je pris le temps de bien l'observer, il était évident que ses intentions ne reposaient pas que sur de la discussion amicale, ce qui se confirma ensuite quand il commença à me prendre la main pour le suivre dans une valse. J'eus un moment de recul incertain et essayais de m'écarter, mais il me retint près de lui, encore plus proche qu'avant. Je pouvais voir son visage clairement, et ses yeux à quelques centimètres. Des yeux en argent qui brillaient dans le noir comme le ferait un diamant.
Je secouais la tête en baissant les yeux. Quelque chose n'allait tout de même pas dans ce regard. Il baissa ses mains dans mon dos et encore un peu plus bas...

Je le poussais en avant, plus violemment que je l'aurais voulu et reculait. Il prit un air surpris puis enragé, comme si personne ne l'avait jamais rejeté comme ça auparavant.

- Enfoiré ! Tu-

Il avait levé le poing en l'air, pour sûrement me le faire arriver dans la face, je m'apprêtais à recevoir le coup mais... quelqu'un s'était mis devant. C'était...le barman?

- Pas de bagarres ici, sinon c'est dehors.
Il était dos à moi, mais je pus clairement voir la tension qu'il dégageait. Le gars plissait ses yeux d'argent, qui ressemblaient maintenant à des lames et n'avait plus du tout ce sourire charmeur, qui en y réfléchissant bien, me dégoûtait à présent.

- Pas la peine de s'énerver pour ça...

Il fit vite fait demi-tour en grinçant des dents. J'espère ne pas revoir son visage de sitôt.
En soupirant, le barman devant moi se retourna l'air amusé, puis sans rien ajouter il retourna derrière son comptoir, me laissant au milieu des valseurs. Je grattais l'arrière de ma tête et retournai m'asseoir à ma place laissée plus tôt.
Il posa un verre rempli devant moi en me regardant. Il m'invitait à boire ? Cette situation m'ota un petit pouffement d'amusement. Retour à la case départ.

- Ce n'est qu'un verre, commença-t-il.

- Pour l'instant, oui, répondis-je en regardant le verre suspicieux.

- J'ai bien sûr mis du poison dans ton verre, c'est commun.

- Tu pourrais vouloir me draguer comme l'autre l'a fait.

- Et même si c'était le cas ?

Je relevais la tête vers lui pour croiser son regard. Son visage était impassible mais ses yeux ne mentaient pas, il essayait aussi de déceler ce que je pensais. Je bus mon verre d'une traite et le reposais d'un grand bruit sur le comptoir.

- Il faudrait que je sois ivre pour accepter

- Si ce n'est que ça.

Je rigolai tout en esquissant un petit sourire.

- Après tout, pourquoi pas, finis-je par souffler.

- C'est quoi ton nom ? Il sourit en retour, ce qui me perturba un peu, le cœur flanchant je lui dit :

- Ace. Portgas D. Ace.

Après ces mots, il me servit à nouveau à boire, ce que je ne refusai pas. On parlait encore, et encore, si bien que les lieux se vidaient presque entièrement quand il y eu un moment de silence, on se regardait mutuellement. Ses yeux étaient brillants et profonds comme un océan, et la liqueur de nos verres s'assombrissait. Il m'invita à danser, ce que j'acceptai volontiers également.
On bougeait en rythme, et l'atmosphère était plus ambiante, moins de gens restaient dans leur coin et la fatigue s'accumulait. Je n'avais pas lâché prise depuis longtemps, alors pourquoi s'arrêter ?

Un verre.

Nos corps transpiraient la nuit. Il dansait à mes côtés, se rapprochant, s'éloignant...

Un autre verre.

Les abysses de la piste et son corps mouvant.

Encore un.

Je me rapprochais comme il le faisait, la musique en bruit de fond. Il n'y avait plus que nous dans ces ténèbres.

Je n'arrête plus.

La lumière passait des fois pour éclairer nos expressions envoûtées, le temps d'un soupir et de nos danses ondulées.

Je ne sais plus.

Il m'invitait à le rejoindre dans l'obscurité, dans l'infinité de ses yeux sur moi. Je ne le repoussais pas.

Quand est-ce que c'était toi ?

Je plongeais tête baissée et adulait ses baisers dans mon cou, mes mains sur son torse trop près.

Laisse-moi encore une fois te toucher.

Contre ses lèvres je trouvais mon repère étrangement, c'était si attirant. Ma main se réfugia sur ses brins de cheveux blonds et sa haute taille fine.

Juste assez pour te passionner.

Je lui donnais accès à mes défauts et faiblesses, croulant sous cette ivresse qui me tenait. Je m'adonnais à lui le temps d'une soirée.

Et trop pour te laisser.

Il y eut un moment de répit, interrompus par cette folie. N'était-ce pas la raison ?

J'avais encore sombré.

Tu m'avais susurré quelque chose, qui sait quand je m'en rappellerais ? Cette voix était pourtant en ma mémoire, mémoire dérisoire ce soir-là. Mes yeux ne voyaient que ta silhouette remuante en symbiose avec mon corps maintenant. Tes mains furtives et jouissives, sur ces zones trop inconnues.
Je ne me rappelais pas tes yeux océan brillants pourtant, ceux que j'adorais regarder ne serait-ce qu'un instant. Le temps d'une nuit. Était-ce le parfum de la luxure, ou celle de la réalité perdue ?

« Ace »

Je ne me souviens plus de la raison pour laquelle j'étais ici, dans cet endroit cloîtré, plein à souhait de gens désireux et désirés. J'y étais resté un court instant m'a-t-il semblé, et je me réveillais en lieu inconnu.
Une douleur me prit le ventre quand une voix résonna dans ma tête lourde et brumeuse. Je me tins le crâne, l'impression de tomber sans même bouger. Je ressentais encore ton corps contre le mien, la sueur de nos ébats torrides.

Je me retournais vers celui à mes côtés, le cœur engourdi et il ouvra doucement les yeux, souriant à moitié.
Ses yeux entrouverts brillaient tel des lames qui me tranchèrent, des lames d'argent. Ce n'était pas les tiens.
Et je me rappelais tes mots trop tard.

« Tu as trop bu... »