Il court.
Il ne sait pas pourquoi ni comment il a trouvé la force d'aller aussi vite mais il court. Vite, fort et loin. Il sait que s'il arrête de courir, il est mort.
Parce que ça le poursuit.
Quelque chose. Pas tout-à-fait humain et pas tout-à-fait monstre. Un prédateur qui sait comment attiser la peur chez ses victimes.
Il est terrifié. Ses poumons le brûlent et chaque pas semble être celui de trop. Celui qui le fera s'effondrer à terre, le faisant immédiatement passer de proie à repas pour son poursuivant.
Des regrets en tout genre envahissent son esprit. C'est fou comme à cet instant de petites choses sans la moindre importance lui manquent cruellement. Et dire au revoir à son meilleur ami, s'excuser auprès de son frère pour toutes ces années, profiter un peu plus de ces longs footings matinaux qu'il a détesté mais qui l'ont toujours calmé ...
Des détails. Des détails vains et inutiles. Est-ce que c'est ça de voir sa vie défiler devant ses yeux ? Il n'espère pas parce que de un, c'est terriblement nul, et de deux, ça le fait se sentir atrocement coupable. Il est une si mauvaise personne.
Ses pieds s'entremêlent dans une racine, il trébuche et s'effondre. Sa tête heurte un cailloux et, sonné, il a quelques secondes à observer le ciel étoilé.
Déjà, la créature pousse un cri déchirant, long et bestial, et pourtant si humain. Il se relève, titubant.
— Allez, allez, Elias, tu peux le faire !
Ses murmures se font au travers de ses dents serrées. Une vague tentative de se redonner du courage; il sent du sang couler dans son cou. Sa vision est floue mais il recommence à courir, encore et encore, toujours plus loin.
Il va y arriver. Il sait qu'il peut y arriver.
Le vent se lève au travers des arbres et les ombres des branches se font plus menaçantes. Il ne sait pas si son imagination lui joue des tours ou si la chose l'a rattrapé. Il préfère ne pas savoir.
Le sang perle désormais aussi sur son front, se mélangeant à sa sueur. Il doit l'essuyer deux fois avant que ça n'atteigne sa vision.
Les étoiles ... les étoiles l'aident. Une constellation attire son regard en particulier. Par là ! Il est sûr que c'est par là.
Il s'appuie sur un tronc pour orienter son changement de direction, des épines lui griffent les mollets brutalement. Il grimace de douleur. Une clairière dégagée fait son apparition et il descend la pente si vite, presque sans aucun effort.
À trois reprises, ses jambes lâchent presque d'épuisement. Il remarque un ruisseau à sa droite où l'eau coule paisiblement, en total opposition à sa panique. Où ? Où doit-il aller à présent ?
Il regarde à gauche, à droite. Il tourne la tête si violemment qu'il en a presque la nausée mais il doit se dépêcher ! Il ne doit pas se faire rattraper !
Enfin, il le voit.
Ce coin si familier, où la végétation semble moins abrupte, presque assagie. Il est arrivé par là ! Il repart de nouveau. Courant vers la liberté, l'espoir battant dans sa poitrine. Plus que quelques mètres, la brèche est là, à peine ouverte et à peine éclairée.
Mais il sait qu'elle l'attend, il sait que c'est ce qui va le sauver. Il ne se soucie même plus du grognement inquiétant qui se rapproche de lui ou des ombres qui sur son chemin sont plus présentes que jamais.
Non.
Il se jette corps et âme dans le portail. Et juste avant de disparaître totalement, il les voit. Deux prunelles bleues à couper le souffle, d'un désespoir si profond.
Puis c'est le noir total.
YOU ARE READING
Au-delà des Frontières
FantasiaCe Monde a des failles ou comme Elias aime les appeler : des frontières. Il les voit depuis qu'il est tout petit. Mais il ne se fait pas d'illusion, il n'est pas un héros et, même si ça le rend spécial, à quoi ça sert dans un monde où personne d'aut...