Jour 4 : La fuite

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Elana se lève en un éclair, met son sac déjà chargé sur son dos et prend sa lance fermement. Il faut qu'elle sorte d'ici rapidement, avant que tout s'effondre. Elle court vers le tunnel, s'apprête à sortir et c'est là qu'elle la voit. Une créature immense, dépassant les trois mètres lui fait face. Elle ressemble à un gorille mais avec le pelage blanc et glacé. Chaque patte est munie de quatre immenses griffes faisant penser à des sabres effilés. La peau sous ce pelage pâle est toute noire, son abdomen qui n'est pas recouvert de fourrure dévoile une musculature sombre. Mais le plus épouvantable sur cette bête est la tête montée sur ses épaules larges. Une tête de singe recouverte de pelage gris avec une énorme gueule de laquelle sortent deux crocs blancs monstrueux. Deux petits yeux obscurs sont plantés au milieu de sa tête, remplis d'une rage inimaginable. Le monstre est bloqué à l'extérieur et n'arrive pas à passer l'entrée étroite de la grotte. Lorsqu'il voit l'humaine il produit un cri épouvantable qui crève les tympans de la fille épouvantée. Il se jette sur l'entrée et frappe de toutes ses forces la pierre ce qui produit une énorme secousse qui fait tomber Elana. Tout devient flou autour d'elle, elle crie mais n'entend même plus sa propre voix. Allongée au sol, à quelques mètres de l'ouverture qui la sépare de la bête et qui es en train de s'effondrer, Elana essaye de reprendre son souffle et de se relever. Elle y parvient juste avant qu'il fracasse à nouveau la roche de toutes ses forces. Enfin debout elle se met à courir de toute ses forces vers l'Oasis. Elle trébuche, se reprend de justesse et continue de courir quand elle se rend compte qu'à part l'entrée de la grotte, les passages dans la roche sont ensuite assez grands pour laisser passer la créature sans problème. Ce qui veut dire qu'au moment même où la créature réussira à détruire l'entrée, rien ne pourra plus l'arrêter et elle parviendra sans problèmes jusqu'à la clairière. Le havre de paix désormais en proie à une menace redoutable parait toujours aussi paisible lorsqu'Elana l'atteint. La seule chose qui trahit la présence d'un désastre sont les bouts de roches qui tombent du plafond, les filets de poussière qui coulent des murs tel le sang dégoulinant des blessures et les secousses qui font trembler le sol en même temps que l'arbre ancestral. Tout est fini, la mort frappe à la porte. Non, Elana refuse d'abandonner. Soudain l'ouverture du plafond s'agrandit et d'énormes blocs de roches et de glace tombent vers le sol. « Je n'aurai qu'une chance» se dit-elle avec une idée folle en tête. Elle s'assure que son sac est bien accroché, fait passer sa lance dans son dos en l'accrochant à des lanières sur son manteau pour la tenir en place et regarde une dernière fois derrière elle avant de s'élancer, rapide comme le vent. Les secousses se font de plus en plus fortes. Elana court vers l'arbre, la vitesse qu'elle atteint est phénoménale, elle semble flotter au-dessus du sol. Arrivée au pied de l'arbre immense elle saute au-dessus des racines et se prépare à bondir lorsqu'un violent choc se fait retentir. Elana comprend dans la seconde, son cerveau est clair même si elle n'entend toujours rien. La créature a démoli l'entrée, il n'y a plus aucune seconde à perdre. Elana se remet en place et effectue son saut, un saut majestueux, comme si le temps s'arrêtait pendant quelques secondes. Elle vole pendant un court instant et se rattrape à une branche de l'arbre. Elle commence son ascension. Tout l'arbre se met à vibrer et la jeune femme voit sous elle les racines commençant à se décoller du sol. Elle arrête de regarder vers le bas et se focalise uniquement sur son escalade. Peu à peu son ouïe lui revient. Elle entend des sons sourds et comprend peu de temps après qu'il s'agit des bruits de pas que fait la course de l'animal pour arriver à l'Oasis. Elana n'a plus de temps, elle saute de branche en branche, ne sachant pas comment elle fait pour à chaque fois se rattraper de justesse. Son but est proche mais l'arbre commence à tanguer. Elle n'est pas totalement arrivée au plus haut point de l'arbre quand le colosse fait son entrée dans l'Oasis. Elana veut atteindre l'ouverture dans le plafond mais elle est encore à quatre mètres de hauteur. Sa seule chance aurait été d'atteindre la cime de l'arbre mais en trois foulées l'immense créature est arrivée au pied de l'arbre et lève son bras pour porter le coup décisif. « La créature humaine n'a plus aucune chance, je n'ai besoin que d'un coup pour déraciner cet arbre et pouvoir tuer l'élue des vents. C'est fini, l'entrée en pierre m'a posé un peu de résistance mais maintenant je n'ai plus qu'à la cueillir quand elle tombera du ciel» se réjouit le monstre colossal. Elana voit le bras de la créature se lever. Elle n'a pas d'autre choix que de tenter le tout pour le tout. Les muscles des deux ennemis se tendent, ils inspirent une dernière fois puis relâchent tout ! Le coup de la créature est ahurissant, d'un coup sec l'arbre millénaire épais de deux mètres se déchire dans toute sa largeur. Le saut de l'élue lui, est encore plus hallucinant, d'une détente rapide, l'humaine s'élance dans les airs et fuse vers la lumière. L'air semble se fendre sur son passage et le saut permet à Elana d'atteindre le plafond et de s'agripper au rebord de la brèche. Les deux êtres sont sidérés. Le temps que le colosse reprenne ses esprits devant ce qu'il vient de voir, Elana a déjà commencé son escalade de la fente. Elle se sent légère et grimpe aux parois avec une vitesse stupéfiante. En peu de temps elle arrive à la surface et essaye de reprendre son souffle sans se déconcentrer. Elle regarde rapidement autour d'elle pour voir où elle est sortie, identifie la montagne qui indique le Sud et court tel un courant d'air dans cette direction en ne pensant pas une seule seconde à faire une pause.

Après une heure de course sans s'arrêter Elana n'en peut plus, ses jambes fléchissent, sa respiration est irrégulière et sa tête tourne de manière continue. Elle pose son sac par terre, s'allonge sur la neige et ferme les yeux. Pas question de dormir pour autant, elle veut juste reprendre son souffle. A chaque fois que la jeune femme sent le sommeil la gagner elle prend une poignée de neige et se la verse sur le visage. Rester ici est une très mauvaise idée, je suis totalement exposée se dit-elle. Elle remet son sac sur ses épaules, prends sa lance comme un bâton de marche et se remet en route vers le Sud. Le vent est de plus en plus fort, pourtant Elana ne pense à rien d'autre que de mettre la plus grande distance entre elle et le colosse. L'aventurière continue donc à marcher.

Brusquement le ciel prend une couleur d'encre et des gouttes obscures pleuvent sur la neige blanche. Un paysage cauchemardesque se dessine devant elle. La neige blanche du sol contraste énormément avec le ciel noir. C'est au tour du vent de se manifester. De violentes rafales attaquent de tous les côtés. Elana chancèle et tente de s'agripper à une quelconque saisie mais elle est au milieu de nulle part, en proie aux déchirements du vent. En quelques minutes elle est trempée, exténuée et ne voit pas à plus de six mètres autour d'elle. L'air forme un mur où qu'elle veuille aller. De manière imprévisible un choc la fait tomber par terre et elle perd totalement la direction du Sud. Elle se relève tant bien que mal et se fraye un chemin dans une direction choisie au hasard. La seule chose à laquelle elle pense en ce moment c'est de s'échapper de cette tempête. Un éclair frappe un glacier à une centaine de mètres devant elle et le fait exploser en des milliers d'éclats de glace qui retombent comme une pluie tranchante vers le sol. Elana se protège en tenant son sac devant elle puis continue d'avancer en gardant son équilibre face aux coups de l'air. Sentant que ça ne finira jamais elle repense à sa dance avec l'air dans la grotte, au contact qu'elle a eu le jour où elle trouva le pendentif et son saut pour s'échapper de l'Oasis. L'élue du vent s'arrête, ferme les yeux en pleine tempête et inspire profondément. Ce qu'elle est en train de faire est irrationnel et insensé mais la jeune femme veut comprendre. En vidant son esprit et se concentrant uniquement sur le vent elle voit à travers ses paupières fermées les courants d'air qui se déplacent en harmonie et qui forment une barrière devant elle. En levant sa main droite elle sent des crépitements sur sa peau et ouvre ses doigts pour avoir sa paume face à l'air qui l'entoure. En avançant doucement sa main, elle touche le mur de vent et sa peau se fait déchiqueter. Ignorant la douleur et son membre qui se fait lacérer Elana bouge ses doigts sur la paroi invisible et fait des mouvements circulaires avec son poignet. Le vent semble avoir arrêté de déchirer sa main, au contraire l'air caresse les doigts de la jeune femme. Le vent semble lui murmurer une question à l'oreille. Elana en transe répond simplement : « Je passe». Gardant les yeux fermés elle retire sa main et avance lentement vers l'avant. Plus aucun rafale ne viens la toucher, plus aucune goutte d'eau ne l'atteint, plus rien ne la fait chanceler et le mur d'air devant elle n'est plus. Pourtant l'ouragan fait encore rage, il a même doublé sa force. Ce qu'Elana ne voit pas c'est qu'elle se tient au milieu d'une tornade immense qui avance en même temps qu'elle et qui la protège du cyclone mortel. Après un temps qui lui semble infini Elana ouvre ses yeux et constate que la tempête s'est arrêtée et la amenée devant un glacier de la taille d'un gratte-ciel. Ses yeux se troublent, elle croit voir un renfoncement dans la glace devant elle. La jeune femme exténuée ne tiens plus sur ses jambes, ne sent plus ses membres mais se force à progresser vers cet abri. Plus que quelques mètres mais elle s'écroule sur la neige. En rampant elle atteint l'alcôve de glace et ses yeux se ferment tout seul. Sa dernière vision est celle de sa main en sang, inerte, étalée sur la glace.

Minuit passe.

ElanaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant