« Comment savoir si la fille du portrait souriait vraiment lorsqu'elle posait ? Et les nuages sont-ils satinés ? Et l'éternité, est-elle éternelle ? »
[c] - Ewig Keit
i.
Les hirondelles volèrent vers le sud.
Donghyuck tendit ses petites mains tremblantes vers le soleil puis les unies afin de former un oiseau. Un oiseau qu'il imaginait s'échapper par la fenêtre entre ouverte, s'élançant dans le ciel cristallin et s'envoler loin, très loin d'ici.
Cet endroit sentait le renfermé, les étagères poussiéreuses et les vieux livres...quelque chose qui rappelait une éternité fragile et déformée.
Donghyuck sortait son verre de chocolat chaud sans goût tandis qu'une peau désagréable recouvrait le dessus. Jaemin, assis à ses côtés, dessinait sur un bout de papier des grues ; elles aussi volaient, dressant leurs ailes, sur des champs immenses, des forêts denses, une nature sauvage. Il est vrai que certaine d'entre elles n'ayant pas d'ailes, amorphes : tombaient sur la terre dure, ne laissant plus rien d'elles dans le ciel. Semblables aux humains...
La maîtresse conseilla à Jaemin de manger. Mais le jeune homme fit la sourde oreille et continua de dessiner, pendant que Donghyuck jouait à l'aide de sa cuillère avec les restes de son bouillie de riz en observant d'un regard attendrit chacun des gestes de Jaemin : Chaque mouvement qu'éxecuta le plus jeune rappela au jeune Lee la façon dont il avait rencontré son ami.
Assis sur le sol du couloir, où jouait des enfants infatiguables, Jaemin dessinait, pendant que Donghyuck, enroulé dans une couverture, le scruta d'un œil endormi depuis sa chambre.
« Qu'est ce que tu fais ? » avait-il demandé, intéressé.
Le garçon l'avait d'abord regardé, silencieux, fronçant légèrement les sourcils, d'un air méfiant, puis finit par lui adresser un léger sourire.
« — Je dessine.
— Est-ce que je peux voir ton dessin ?
— Bien sûr, assis-toi près de moi ».Et ils s'étaient assis ainsi, jusqu'au dîner, n'échangeant aucun mot, ni regard.
Donghyuck ne demandait rien, et Jaemin ne répondait pas.
Le jeune Na se contenta de gommer la mine de plomb de son crayon pointu, défilant les pages de son petit album de poche, tandis qu'il dessinait de nouvelles lignes, figures et lettres que Donghyuck avait du mal à déchiffrer à cause de son écriture incompréhensible.Jaemin était à la fois l'un des enfants les plus calmes et les plus problématiques : il ne parlait avec personne, ne voulait rien, certaines fois il était désobéissant et même mauvais : quand il entrait dans une colère noire, il lançait des jouets et déchirait en mille morceaux ses livres et ses coloriages tout neufs.
Donghyuck, quant à lui, observait la façon dont il se faisait gronder par les maîtres, et lui souhaitait de la sérénité : cette idée restait toujours flou dans sa tête, mais il pensait que la tranquillité aidait chaque personne à rester soi-même quoi qu'il advienne.
( On ressembles aux grues ou aux hirondelles. C'est vrai qu'on ne peut pas encore s'envoler mais un jour... Un jour, je te le promets !...)
Donghyuck était toujours le plus calme, il ne se faisait jamais réprimander, bien au contraire ; il rangeait les jouets que Jaemin avait jeté partout, il calmait les tout plus petit qui pleuraient à cause des livres de coloriages déchirés. Le jeune Lee avait dix ans et il apprenait à être autonome. Il pensait qu'il avait encore énormément de travail à faire ici : apprendre aux autres enfants les bonnes manières, leur apprendre à être fort dans ce monde vaste , peu importe les circonstances... Donghyuck avait pour l'instant une vision du monde assez restreint, mais il était sûr que le monde était très grand et très beau.
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Montréal
FanficDes pères et des enfants L'original : https://ficbook.net/readfic/6209775#part_content