Prologue

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-Pardon ! Pardon, excusez-moi ! Nous devons embarquer sur le Titanic ! Laissez-nous passer s'il vous plaît !

Mon fiancé fend la foule avec ce grand sourire qui ne le quitte jamais.

-Allez, Adèle ! Presse le pas ! Nous partons pour l'Amérique. Là-bas, nous serons les écrivains les plus célèbres du monde !

-Doucement, Julian ! Laisse-moi profiter des derniers instants avec ma fille avant que son oncle ne la récupère ! proteste ma mère, derrière moi.

-Ne vous inquiétez pas, Michelle. Nous viendrons vous rendre visite, à vous et à Jane, aussi souvent que possible.

Nous faisons encore quelques pas, et enfin, le majestueux Titanic, cœur de toutes les conversations depuis tant d'années, se profile devant moi.

J'ai étudié notre moyen de transport. Long de deux cents soixante neuf mètres, c'est le paquebot le plus imposant et le plus luxueux jamais construit. D'un poids de plus de cinquante mille tonnes et une puissance avoisinant les cinquante mille chevaux, il est pourvu de seize compartiments étanches, ce qui lui a valu auprès des médias et de l'opinion publique d'être surnommé "L'insubmersible". Julian passe son temps à me le vanter comme le bateau le plus sûr qui soit. Et il est vrai, l'embarcation porte bien son nom de Titan. J'avais beau connaître son importante taille, je ne peux qu'être impressionnée en le voyant enfin de mes propres yeux.

-Nous y voilà, ma douce. Allons, embarquons.

Je me retourne vers ma mère et ma petite sœur, Jane.

-Nous nous reverrons au mariage !

Ma mère me sourit et me serre dans ses bras.

-Ma chérie... Tu as grandi si vite. Je n'arrive pas à croire que tu t'en vas déjà vers d'autres horizons. Quand je te reverrai, tu seras une écrivain célèbre, et mariée !

Je lui rends son sourire, mais ne parle pas, de peur de laisser échapper les larmes que je refoule à l'idée de quitter ma chère famille. J'enlace ma sœur, me saisis de mes nombreux bagages, puis suis mon fiancé afin d'embarquer.

-Bonjour monsieur ! Bonjour madame ! nous saluent chaleureusement des stewards. Bienvenue à bord du Titanic !


La presse n'avait pas menti : le Titanic était un bijou d'architecture navale. La décoration me rappelait la Renaissance. Le blanc immaculé des murs, les motifs épurés du sol, les longs tapis et les grands espaces du bateau me donnaient un sentiment de liberté et de sécurité à la fois. Après plusieurs détours que je n'ai même pas suivis, tant j'étais absorbée par ce qui m'entourait, Julian poussa la porte de notre cabine. C'était une chambre d'un modeste luxe, pourvue de deux couchettes superposées, d'un petit lavabo surmonté d'un miroir et d'un canapé. Il n'y avait pas de table. Cela me contrariait, et je savais que Julian partageait ce sentiment. Cela nous obligerait à quitter la cabine pour taper à la machine. Or, nous aimions tous deux êtres seuls pour écrire, dans un espace restreint.

Je m'approche du miroir et y observe mon reflet. J'ai beau avoir vingt-deux ans, et être bientôt mariée, je n'y vois qu'une petite fille. Une petite fille aux longs cheveux châtain indisciplinés, aux yeux d'un brun-vert inondés d'innocence, au sourire terne, malgré le bonheur de vivre aux côtés de l'homme qu'elle aime passionnément.

Je ne vois qu'une petite fille manquant de confiance en elle. Une image que je suis déterminée à faire disparaître une fois arrivée aux Etats-Unis.

L'oracle de l'océanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant