Marche après marche [Recueil de nouvelles]

Le Gardien

Pour le concours de underlove2507.
Nous devions faire un texte avec fille et dragon pour mots clés, voici ma participation, j'espère que ça te plaira ! À propos de l'image en média, qui a fait naître ce texte dans ma tête, je ne retrouve pas son auteur car sur pinterest c'est malheureusement très dur, mais sa signature est en bas à droite. Ce dessin ne m'appartient pas !

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Il n'avait jamais fait aussi froid, même pour les étendues glacées des Champs d'Ivoire. Les Champs d'Ivoire, cette fameuse mer gelée en laquelle tous les assassins, conspirateurs envers la Couronne ou autres soi-disant criminels étaient destinés à périr dans d'atroces souffrances pour avoir déplu aux grands de ce monde. La légende précisait que ceux qui y survivaient plus de quelques heures étaient dévorés par un prétendu dragon, mais même les bourreaux amenant chaque jour de nouvelles victimes ne l'avaient jamais vu.

La température alentour était si basse que la morsure glaciale du métal gelé des menottes qui enserraient les poignets des condamnés en venait à leur brûler la peau. Tout autour de ces frêles silhouettes, il n'y avait rien. Devant elles s'étendait à perte de vue un désert de glace et de neige, le tout parcouru de manière ininterrompue par un vent violent qui semblait bien décidé à arracher leur peau, déjà déssechée après un si court laps de temps passé en cette terre inhospitalière.

La neige, constamment remuée par ce souffle qui semblait provoqué par la colère des dieux, formait d'étranges volutes blancs et masquait par moment la vision des nouvelles victimes, qui venaient de découvrir l'endroit qui deviendrait bientôt leur sépulture.

Soudain, dans un claquement sec, leurs épaisses menottes s'ouvrirent avant de tomber lourdement au sol, leur rendant enfin une certaine liberté de mouvement. Cinq. Aujourd'hui, ils seraient donc cinq à mourir.

Leah Grigori n'avait rien fait pour se retrouver ici, excepté naître dans la mauvaise famille, celle qui remettait en question les principes absurdes des souverains actuels. Leah Grigori était jeune. Leah Grigori était pleine de motivations futures. Mais surtout, Leah Grigori ne voulait pas périr, et encore moins dans les Champs d'Ivoire. Elle s'en fit la promesse : elle ne quitterait pas ce monde avant d'avoir atteint ses objectifs, ou du moins prouvé que survivre était possible. Il devait bien y avoir une faille, comme dans tous les plans machiavéliques. Enfin, peut-être.

Incertaine, les bras croisés sur la poitrine dans une vaine tentative de retenir sa chaleur corporelle qu'elle sentait s'évaporer à toute allure, elle jeta un coup d'oeil en direction des autres condamnés.

Le spectacle qu'elle découvrit acheva de lui glacer le sang, d'une manière bien plus violente que ce que les températures extrêmes avaient fait jusque-là. Seules quelques minutes s'étaient écoulées bien qu'elles paraissent des heures, et déjà la folie engendrée par les lieux montait à toute allure à la tête de ses compagnons de fortune.

L'un d'entre eux, un homme de grande taille à l'air revêche que certains qualifieraient "d'armoire à glace" semblait s'être écroulé sur la terre gelé, attendant très certainement une mort libératoire qui ne saurait tarder à exaucer son souhait. Les trois autres se tenaient face à face en se jaugeant férocement du regard, poignards et autres armes blanches en main. Avec un hurlement de rage, déclarant que s'il fallait mourir il ne serait pas le dernier, l'un des combattant s'élança à la rencontre du duo restant. Rapidement, des tâches écarlates vinrent détoner contre la blancheur de la neige tandis que des cris de douleur mêlée de rage retentissaient.

La jeune femme ne resta pas là pour découvrir l'issue de ce combat marqué par le désespoir, et fit la seule chose qui lui vint à l'esprit sur le moment : elle partit en courant, droit devant elle. Leah se sentait peu à peu envahie par une chaleur intense, la respiration haletante et les muscles en feu. Pourtant, elle ne s'arrêta pas ; quitte à mourir bêtement comme les autres, autant mourir de façon stupide en faisant ce qu'elle adorait faire.

Courir lui avait toujours permis de se vider l'esprit et de ne se concentrer sur rien d'autre que sa respiration. Elle dû pourtant s'arrêter net alors que la terre se mettait à trembler violement : une créature de glace venait de surgir face à elle, l'air menaçante. Le dragon.

Cet animal de légende semblait immense face à la frêle silhouette de la jeune femme affolée. Majestueux, son corps gelé dépourvu d'ailes brillait de milles feux, de lueurs bleutées et argentées.

Il poussa alors un grognement rauque semblable au bruit d'une avalanche dévallant à toute allure le flanc d'une montagne avant de s'approcher d'elle. Leah ferma immédiatement les yeux avant de se recroviller au sol, tout éclat de bravoure désormais devenu simple souvenir.

Alors qu'elle attendait la mort, une chose étrange se produisit : elle se sentit soulevée délicatement entre deux grandes serres gelées, puis déposée sur quelque chose de plus froid encore. Elle souleva timidement les paupières, surprise, puis manqua de tomber à la renverse : elle se tenait sur le dos du dragon !

Entre les écailles brillantes de la créature qui lui paraissait de plus en plus amicale, elle trouva une chaude cape de fourrure ainsi qu'une arme semblable à une lance avec, au bout, une pointe de glace tranchante.

Elle se redressa alors, se tenant fièrement debout sur le dos de son nouvel ami : cet être de glace n'était pas un bourreau, mais le gardien de ces lieux. Elle l'aiderait désormais à remplir sa tâche.

Désormais, la légende ne mentionnait plus de dragon, oh que non, mais parlait d'une fière guerrière de neige accompagné de son fidèle compagnon, sillonnant ces terres désormais siennes à jamais.