1_Léo

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Gauche. Droite. Gauche. Droite.

Je courrais la balle au pied, slalomant entre les joueurs, esquivant les attaques.

-Vas-y Léo, t'es le meilleur!», s'écria une voix depuis les gradins.

Je n'avais pas besoin de me retourner pour savoir que c'était elle qui m'encourager comme toujours lorsque j'avais un match ou même un simple entraînement, comme aujourd'hui. Elle était toujours présente, à hurler à plein poumon mon prénom.

Je me concentrais sur le jeu, m'apprêtai à tirer et, au dernier moment, je fis la passe au petit nouveau qui se trouve à ma gauche.

Ce dernier reste hébété un dixième de seconde avant de tirer dans le goal et le gardien, qui avait fait en sorte de savoir me bloquer, n'eut pas le temps de rattraper le balon qui se logeait déjà dans les filets.

Le coach siffle mais je file déjà vers les bancs bleus. Eléonore descend rapidement les marches et ses cheveux roux coupés en carré dansent sur ses épaules.

-Tu as été formidable», déclara-t-elle, arrivée à ma hauteur.

Je souris et lui embrasse le front. Elle releva les yeux vers les miens, son magnifique regard bicolore que j'enviais tout les jours se riva dans les miens. Ma force herculéenne et ma plus grande faiblesse.

-Tu sais que chaque but est pour toi, n'est-ce pas? Notre victoire.

Elle rigole et secoue la tête.

-Arrête de dire des bêtises et va t'habiller!

Je lève les yeux et souris à mon père qui m'attend patiemment en haut des gradins puis je retourne aux vestiaires.

Beaucoup de garçons sont déjà partis mais j'aperçois le nouveau qui triture ses doigts. Doucement, je vais à côté de lui et j'enlève mon t-shirt et le laisse en boule dans mon sac.

-Merci, pour la passe.

-Normal.

-Je suis Tyler, au fait.

-Léo, souris-je.

J'enfile un nouveau jogging et ferme mon sac mais mon regard revint une fois de plus sur le petit nouveau du club de foot.

Il était arrivé en début de semaine et ses parents, le visage grave, leurs silhouettes affinées et le costume froid, m'avaient fait peur.

J'étais un grand garçon pourtant, j'avais sept ans!

Le coach n'acceptait toutefois personne après le mois d'octobre et tout le monde le regarda médusé lorsqu'il parla quelque minutes avec ses parents puis qu'il ébouriffa les cheveux bruns de Tyler.

Il avait intégré l'équipe mais les autres joueurs avaient tendance à le mettre à l'écart. Il avait quelque chose de bizarre chez lui, comme s'il savait déjà tout d'avance. On aurait presque dit qu'il connaissait le monde entier.

J'avais l'impression, moi, que ce garçon s'ennuyait ferme et qu'il n'avait aucun ami avec qui en parler. Le pire, c'était cette mine triste qu'il arborait en venant et en repartant de l'entraînement.

-Tu sais, tu joues bien. Je veux dire, c'était un bon but.

Le garçon hocha de la tête et releva ses yeux marrons vers moi. J'y vis tellement de reconnaissance et de joie qu'une boule se coinça dans ma gorge. Mes parents me félicitaient souvent pour ce que je faisais. Et même si ça ne payait pas toujours, ils trouvaient toujours quelque chose que j'avais bien fait.

Mais lui n'avait pas l'air de recevoir souvent des compliments.

-Tu as quel âge?

-J'ai sept ans.

-Moi j'en ai huit. Tu crois que l'on pourrait devenir ami?

-Tu sais quoi Tyler? J'en suis carrément sûr.

Je sentis son regard dans mon dos lorsque je m'éloignais, le sourire aux lèvres.

-Léo!

Une poupée russe sauta dans mes bras. C'était étrange parce qu'Eléonore avait exactement le même âge et pourtant, j'avais une demi-tête de plus qu'elle.

-Je me suis fait un nouvel ami aujourd'hui.

Sa bouche se tordit dans une grimace plutôt drôle et je souris pour la rassurer. Elie avait dû mal à me partager avec des amis. Nos copains d'école s'éloignaient généralement de nous, ils disaient que nous étions des extra-terrestres. Que nous lisions dans les pensées de l'autre.

J'aurais aimé avoir un super pouvoir comme Batman ou Spiderman mais je n'en avais aucun. Ce n'était pas dur de comprendre Elie, il fallait juste savoir se mettre à sa place. Je comprenais ses réactions, ses pensées.

****

Je me dirigeais vers les vestiaires du foot, le sac bandoulière qui tapait contre mes jambes. Je fis un signe du tête au coach et partis mettre am tenue de sport.

Tyler arriva de loin. Ce n'était pas ses parents qui le conduisait à l'entraînement mais un autre monsieur avec une grosse moustache. Il s'inclinait devant lui à chaque fois avant de repartir avec la voiture.

Mon nouvel ami entra à son tour, le visage triste. Je sais que, normalement, je ne devrais pas être curieux. Mais on peut tout dire à ses amis, non?

-C'est qui l'homme qui te conduis?

Tyler se retourna en entendant ma voix et s'installa à côté de moi.

-Henri? C'est le chauffeur de mes parents. Il est chargé de me conduire partout où je veux aller.

-Partout?!

Il hocha de la tête, j'aurais pu croire que c'était de la vantardise qui se lisait dans ses yeux. Sauf que je n'y voyais que de la déception.

-Je pourrais te présenter à quelqu'un, tu sais? Eléonore est super! C'est la seule fille qui n'est pas ennuyeuse! Elle rigole tout le temps et elle est toujours de bonne humeur.

-C'est pas ennuyeux les filles, c'est juste trop délicat pour nous.

-Qui c'est qui te l'as dit?

-Je les lu dans des livres. Déjà, on est fait de même nombre de chromosome donc, on est tous pareil. Sauf les Trizomiques 21, mais ma professeur de biologie dit que c'est une maladie et qu'au fond, ils ont le même coeur que nous.

Je le regardais pendant quelque secondes sans comprendre les mots qu'il avait employé. Chromosome? C'est quoi ça, une nouvelle marque de basquettes? Parce que mes parents voulaient pas que j'achète des marques, ils disent que c'est pour les gens qui veulent montrer leur richesse.

-Moi aussi je veux des chromosomes!

Tyler rigola franchement et c'était la première fois que je le voyais. Il secoua la tête de droite à gauche en souriant.

-Tu en as déjà, bêta. Mais c'est pas grave parce que ma maman dit que je suis le seul à connaître tout ça.

-Pourquoi?

-Elle dit que je suis spécial. Trop spécial pour être avec les autres garçons de mon âge.

-Tu lui as dit que tu étais mon ami?

Il sourit une fois de plus et secoua la tête.

-Non. Ce sera notre secret, d'accord?

-D'accord.

-Tu me présenteras la fille chouette?

-Oui. Tu verras, elle va devenir ton amoureuse plus tard.

-Pourquoi ce serait pas ton amoureuse, déjà?

-Parce que je peux pas, moi. Mais elle est parfaite. En plus, elle adore la chantilly.

Recueil OS sur TimideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant