Recueil OS sur Timide

4_Tyler

Tyler soupira, et replongea sa tête contre ses cahiers. En face de lui, à l'autre bout de la table, il y avait ce professeur particulier que le garçon ne pouvait plus voir.
Ses parents étaient partis en voyage d'affaire et ils l'avaient laissé aux bons soins de leur gouvernante, et de Monsieur Poitou.
Il pouvait voir Kinaé jouait dehors avec ses poupées avec une amie qu'elle avait pu inviter.
Le cœur de Tyler se serra lorsqu'il comprit que lui ne pourrait jamais vivre cette scène. Il ne voulait pas jouer avec des Barbies, non, mais il aurait aimé avoir un ami.
Un seul.
Mais il n'en avait pas le droit. Ces parents disaient que personne ne le méritaient.
Peut-être qu'en réalité, c'était lui qui n'était assez bien pour personne.

Lorsqu'il put partir se coucher, il enfila son pyjama rayé et grimpa dans son lit, entourant ses genoux de ses bras. Il lui manquait de la chaleur dans cette chambre lugubre. Là où sa sœur avait des posters de ses dessins animés préféré, il avait affiché les cartes du mondes, le système solaire, le solaire ou des formules mathématiques compliqués que son professeurs avait lui-même accroché.

Il se sentait mal dans sa peau. Pire, le petit garçon de sept avait l'impression qu'il n'était pas assez intéressant pour qu'on l'aime. Il avait étudié l'informatique, et il s'était rendu compte qu'il était comme un disque dur ou à une micro-puce.
Il enregistrait des informations, continuellement. De la météo à l'organisme humain. Aussi bien des langues que des théorèmes de mathématiques. Il était une base de données, comme un moteur google. Et comme les micro-puces, il n'était qu'un robot qu'on utilisait lorsqu'on en avait besoin.
Inutile, au fond. Mais surtout remplaçable.
C'était un robot qui ne servait à rien d'autre qu'à accumuler les savoirs dans un coin de son cerveau. Indigne de recevoir l'amour de ses parents comme sa sœur.
C'est pour ça qu'il ne pouvait pas avoir d'amis, il n'était pour personne.
Était-il d'ailleurs réellement quelqu'un?
Ses bras se resserrèrent autour de ses genoux et ses ongles s'enfoncèrent lentement dans sa peau.
Il ne savait pas pourquoi on l'avait fait si on ne l'aimait pas. Mais ce qu'il savait, c'est qu'il aurait préféré qu'on laisse là où il était avant.

Là où il n'existait pas.

Il aimait ses parents, au fond, c'était pour cela qu'il avait si mal. Tout enfant a besoin de se savoir aimé, écouté, compris. Il avait parfois envie de crier dans le jardin en courant, d'écraser les géraniums de sa gouvernantes et de manger toute la plaque de chocolat. Il voulait taper sur la table avec ses couverts quand il avait faim et se prendre une punition parce qu'il n'avait pas été sage. Il souhaitait se tromper, avoir faux lorsque l'un de ses professeurs l'interrogeait et avoir de mauvais point au test suivant. Il priait même parfois pour oublier tout, pour qu'il se réveille un matin en ne se rappelant que de son prénom.
Et chaque nuit, il s'endormait sur ce vœux, et chaque matin, la déception était plus grande.
Tyler ne vivait pas.
Tyler ne survivait même pas.
Mais, après tout, c'était un robot.

Tyler se rendit alors compte qu'il aurait préféré mourir. Il ne connaissait pas grand chose là-dessus, parce que peu de livre en parler. Quelques uns l'imaginait comme un tunnel, un cap à passer pour un monde meilleur. D'autre y voyait la fin de tout, le néant après une existence remplie.
Mais que pouvait-il perdre? Il était presque sûr que personne ne lui demanderait de réciter les différents organites de la cellule animale et végétale là-bas.

Parce que du haut de ses sept ans, le petit garçon jugeait que la vie ne valait pas la peine d'être vécu.
Il était comme enfermé dans un tourbillon de morosité et personne ne le voyait. Sa sœur le détestait trop pour s'en soucier, ses parents n'étaient que peu présent et lorsqu'ils rentraient, ils s'intéressaient plutôt à ses leçons.
Seul Monsieur Poitou l'avait remarqué, mais il ne faisait que son travail. Il était professeur, pas assistant social. Encore moins psychologue.