| Prologue |

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Dans le monde d'Astré

Les rues grouillaient d'habitants en effervescence. En effet, c'était le jour du marché qui était organisé tous les quarante-et-un jours. Il était donc tout à fait normal que les habitants se bousculent afin de pouvoir accéder aux étals et obtenir les meilleurs produits car ils n'auraient pas d'autres occasions de se fournir avant le prochain. Les marchands, pour leur part, vendaient les produits qu'ils avaient fabriqués durant les quarante-et-un précédents jours. On trouvait entre autres des légumes et fruits aux couleurs chatoyantes, des vêtements de soie éternelle, de la vaisselle incassable. Autant d'objets créés à l'aide de magie.

Et parmi le ballet incessant de corps tournoyant autour des étals enchantés, une silhouette encapuchonnée fendait la foule avec vivacité. Sa capuche grise élimée lui mangeait le visage, si bien que personne ne pouvait la reconnaître. Autour d'elle, on s'écartait pour la laisser passer, malgré le peu de place qu'offrait la densité des personnes réunies. Ils étaient de toute façon prêts à se coller un peu pour ne pas finir dans sa ligne de mire. Car les habitants étaient persuadés qu'il s'agissait encore d'une sorcière profitant de l'animation du marché pour trouver des victimes et leur vendre des objets magiques illicites.

Il n'en était rien cependant. La silhouette traçait son chemin afin de quitter la ville et rallier la campagne au plus vite. Bien qu'elle évoluait rapidement dans la foule, elle semblait avoir des difficultés à tenir son rythme et si on prenait la peine de tendre l'oreille de son côté, on pouvait entendre le sifflement de sa respiration courte. Elle ne courrait pas, pourtant.

Lorsqu'elle quitta la ville, elle s'engagea sur des chemins boueux et envahis par des ronces. Elle ne put échapper aux morsures vives des orties qui lui giflaient les jambes alors qu'elle se pressait vers la forêt mais elle ne plaignit pas une seule fois.

Enfin, elle s'enfonça sous la voûte des arbres nus, dont les branches s'étiraient, menaçantes, au-dessus de sa tête, comme autant de doigts crochus sur le point de l'attraper pour la piéger. La silhouette ne s'arrêta pas, pas même lorsque des craquements ou des cris d'animaux suspects retentissaient de tous les côtés. Et comme le jour naissait à peine, le chemin n'était presque pas visible sous les épaisses branches tordues qui jetaient des ombres inquiétantes sur sa trajectoire.

Elle s'autorisa un arrêt lorsqu'au détour d'un gigantesque chêne, elle atteignit une clairière qui contrastait étrangement avec la forêt lugubre. Ici, les derniers rayons de lune se jetaient contre les murs d'une chaumière qui crachait de la fumée depuis sa cheminée, signe qu'elle était habitée. La silhouette se précipita vers la porte en bois et y cogna avec un certain désespoir qui donnait de la force à son geste. De l'autre côté, une voix sifflante et peu accueillante retentit :

— Dégagez de ma forêt. Je ne reçois personne.

Mais la silhouette n'était nullement intimidée par le ton agressif qui jaillissait de l'interstice.

— S'il-vous-plaît, ouvrez-moi ! supplia la silhouette.

Sa voix était faible. Mais tout de même reconnaissable. La porte s'ouvrit en moins de trois secondes sur une jeune femme magnifique dont les boucles noires s'échappaient de son chignon désordonné. Ses yeux verts suspicieux se vrillèrent vers l'ombre que jetait la capuche sur le visage de la silhouette. Cette jeune femme était ce qu'on appelait une sorcière. Obligée comme toutes ses semblables de se terrer en marge de la ville car elles possédaient des pouvoirs peu communs que les populations n'acceptaient pas et qu'il était interdit d'exercer sans restriction.

L'inconnue rejeta enfin sa capuche en arrière, révélant une femme au visage émacié et si pâle qu'il en paraissait translucide. L'éclat de ses yeux marron semblait éteint et sa chevelure châtain, striée de mèches grises malgré son apparente jeunesse, pendait tristement sur ses épaules. Cependant, la prestance qui se dégageait de cette jeune femme n'en ressortait pas moins et la vue de son visage confirma les soupçons de la sorcière :

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