Skate with you, Tome 1 [Sous contrat d'édition]

Chapitre 3

Je partis sans me retourner. Sans le savoir, les jumelles m'avaient mise dans une situation qui aurait pu être extrêmement délicate. La dernière chose dont j'avais besoin était bien d'attirer l'attention de la nouvelle star du patinage dès mon arrivée. J'entendis les filles me courir après.

— Amy, attends !

Je ralentis légèrement le pas pour leur permettre de me rattraper.

— Pourquoi es-tu partie ? Ewen va te trouver bizarre après ça ! gémit Zélie en reprenant son souffle.

Je lui lançai un regard de côté. Qu' Ewen Maxwell me trouve bizarre était bien le moindre de mes soucis.

— Les filles, vous savez que je préfère être seule quand je patine. Certes, je regarde les championnats mais je n'y participe pas.

— Quoi ? fit Nina, déconcertée. Tu es encore avec cette histoire de te cacher ?

— Amy, tu sais que tu as un don pour le patinage artistique, me dit alors Zélie comme si elle expliquait un exercice très simple à un enfant têtu qui ne voulait rien comprendre. Même si on comprenait au début, toute la famille a toujours pensé que tu finirais par te lancer sur la piste mondiale. Enfin, ça n'a jamais fait aucun doute.

Je soupirai. Elles ne pouvaient pas comprendre. Les seuls qui le pouvaient à la rigueur étaient mon père, Clément et Katy.

— Je suis sûre que tu pourrais atteindre un jour le niveau de Ana Sullivan si tu le voulais, enchaina sa jumelle.

Tout mon corps se tendit à sa remarque. Je la fixai intensément. Non, elle ne pouvait pas savoir, c'était juste une coïncidence. Je pris un ton détaché.

— Et finir comme elle ? Non merci, je préfère patiner dans mon coin et prendre du plaisir seule.

Je ne pensai évidemment pas un traître mot de tout ça. En revanche, je crois que ma chère grand-mère m'aurait applaudie. Cependant, je devais cacher tout lien entre Ana Sullivan et moi.

— Écoutez les filles je suis désolée mais ce n'est pas encore aujourd'hui que je sortirai de l'ombre. Je dois rentrer, Clément va s'inquiéter. Ça m'a fait plaisir de vous revoir en tout cas. À la prochaine !

Elles firent une petite moue déçue.

— À plus Amy, reviens nous voir bientôt. Cass' serait contente de te voir.

Je hochai vaguement la tête avant de tourner les talons. Bon, pour une première visite à la patinoire, ça avait été plutôt éprouvant. Je jetais un coup d'œil à mon portable, au final je ne serais partie que deux heures. Je décidai alors d'aller flâner un peu dans les rues à côté du bâtiment. Je me souvenais du petit café auquel j'allai souvent avec Cassie et Jérémy en sortant de la patinoire. Revoir les jumelles m'avait donné envie de replonger dans mes vieilles habitudes. Le Brewtiful Coffee se trouvait à trois rues d'ici. Je m'assis à une table en terrasse et contemplai les passants en attendant qu'un serveur vienne prendre ma commande.

Je n'étais plus habituée à parler autant anglais. Comme ma mère était anglaise et mon père français, j'avais très vite maîtrisé ces deux langues. J'étais moi-même de nationalité anglaise même si je vivais en France avec mon père depuis mes deux ans. Ma mère vivait avec nous au début mais s'était faite de plus en plus absente la dernière année avant sa disparition quand j'avais six ans. Mon père était un chef cuisinier et avait rencontré ma mère lors d'un séjour qu'il avait passé en Angleterre chez des amis. Il était resté quelques années en Angleterre mais était finalement retourné en France pour se rapprocher de ma grand-mère. Je ne me plaignais pas, être bilingue était un réel avantage dans la vie même si dans mon cœur, mon pays serait toujours la France. Je regardai deux enfants effrayer les pigeons quand le serveur s'approcha.

— Laisse-moi deviner. Un café au lait avec supplément chantilly.

Cela eut le don de me faire tourner immédiatement la tête. Autant croiser les jumelles à la patinoire n'était pas étonnant mais j'étais réellement surprise de croiser Jérémy en tenue de serveur du Brewtiful Coffee.

— Loin de moi l'idée d'avoir des pensées indécentes mais tu devrais fermer la bouche ma vieille, rit-il.

Je ne m'étais pas rendue compte jusqu'à maintenant à quel point il m'avait manqué avant de le voir. Je me levai pour le serrer dans mes bras.

— Jérem'...

Son odeur familière me frappa de plein fouet.

— Oula du calme ma vieille, je sais que cette tenue contribue fortement à augmenter mon sex appeal mais je te prierais d'essayer de te contenir, me taquina-t-il.

Je secouai la tête.

— C'est dingue comme tu n'as pas changé ! Tu travailles ici maintenant donc ?

— Exact ! Mais ce n'est pas un simple job d'été. En réalité je suis en mission. Mon objectif était de retrouver une certaine Amy qui avait disparue de la civilisation. Je vais pouvoir rentrer serein ce soir maintenant que j'ai réussi.

J'éclatai de rire et Jérémy me suivit bien vite. Certaines choses ne changeaient jamais. Notre complicité était toujours là, bien intacte après ces trois années.

— Je suis désolée mais je vais me faire taper sur les doigts si je m'arrête trop longtemps. Je t'apporte comme d'habitude je suppose ?

— On ne change pas les bonnes habitudes, lui répondis-je.

Je me rassis le temps qu'il parte préparer ma commande. Je pensais que revoir mes vieilles connaissances serait gênant mais pour l'instant, j'avais plutôt l'impression que rien n'avait changé.
Jérémy revint rapidement avec mon café. J'en profitai pour le payer en même temps, ce serait déjà fait.

— Je ne compte pas te laisser filer de nouveau, m'avertit-il en faisant semblant de me réprimander. J'ai demandé une journée de repos demain à mon patron. Je t'enverrai un message ce soir pour te dire s'il accepte. Ton après-midi me sera réservé ma belle.

Son envie de passer du temps avec moi si rapidement me toucha.

— Ne t'inquiète pas, je ne compte pas m'enfuir maintenant. J'ai bien peur pour toi que tu ne doives me voir rester dans le paysage pendant deux mois.

Il eut un soupir dramatique.

— Tant que ce n'est que deux mois.

Après quoi, il dut se remettre au travail. Les passants avaient perdu de leur intérêt et je sirotai mon café en me concentrant plutôt sur les gestes vifs et experts de Jérémy tandis qu'il servait les clients, sans jamais se départir de son sourire. Malgré tout, il avait quand même changé, il était devenu un homme et était bien plus mature. Je réussis à capter le regard de mon ami et lui adressai un léger signe de tête pour lui dire au revoir.

Je refis ensuite le trajet en bus dans le sens inverse. J'eus même le temps de prendre une douche rapide avant le repas. Je racontai rapidement ma rencontre avec les jumelles et avec Jérémy mais je pris bien soin d'omettre celle avec Ewen Maxwell.  Kiara insista pour dormir avec moi et j'acceptai avec joie. Celle que je considérais comme ma petite sœur m'avait beaucoup trop manqué.  Alors que je prenais quelques nouvelles de mon père, je reçus une notification Facebook. Je cliquai alors dessus, je vis une demande en ami de chacune des jumelles. Je m'empressai d'accepter et reçus peu de temps après un message privé de Zélie.

Désolées d'avoir insisté tout à l'heure. Pour nous faire pardonner, on s'est arrangé pour te libérer la grande patinoire demain de 7h à 8h.

Touchée qu'elles aient pris la peine de penser à ça, je les remercierai chaleureusement. Presque en même temps, Jérémy m'informa qu'il passerait me chercher chez mon parrain à 14h30 pour m'éviter de prendre le bus. Je lui confirmai rapidement avant d'éteindre mon portable. Je me blottis sous la couette en serrant le petit corps chaud de Kiara contre moi.

Demain, j'allais devoir me lever tôt finalement.