Le Calme...

632 28 12
                                    

-       Tu te souviens que le but est de le mettre au lit ? 

Edwin de prit pas la peine de répliquer et continua simplement à contempler son fils endormi dans ses bras.

Ellana ne se laissa pas démonter. 

-       Je te laisse deux jours sans surveillance et te voilà incapable de coucher ton fils ! As-tu donc tout oublié ? railla-t-elle 

Edwin se leva posément, sans détacher son regard du visage de Destan et le déposa dans le lit installé dans la pièce attenante. Il revint se planter devant la jeune femme, laissa courir ses doigts sur sa joue, son cou, son épaule, le long de son bras gainé de cuir jusqu'à s’emparer de sa main. 

-       Je n’ai rien oublié Ellana. Tu m‘as demandé de revenir au plus vite. Pourtant tu es là. Aurais-tu oublié ? 

Ellana lui offrit une moue effrontée qui lui arracha un sourire.

-       Je n’ai jamais aimé attendre…

-       C’est vrai.

Pourtant, Ellana attendit. Elle attendit qu’Edwin comble la distance qui les séparait. 

En vain. 

En explorant les profondeurs de ses yeux gris, elle remarqua une rare flamme brillant dans le regard de son homme. 

Humour. 

-       Ah c’est comme ça ? le défia-t-elle. Tu veux jouer ? 

Sa provocation se heurta à un mur d’impassibilité. 

-       Très bien. 

Lentement, elle ouvrit les ouvrit les bras, paumes tournées vers le sol, sa jambe droite tendue loin derrière elle, une fois de plus oiseau insaisissable et prêt à s’envoler. 

Son manège déstabilisa un instant le Frontalier. 

Il cligna des yeux. 

Ellana disparut. 

***

-       Encore.

-       Mais je n’en peux plus ! 

-       Peu m’importe, misérable. Recommence ! 

Alhuin Agrunian poussa un grognement désespéré. Il était épuisé. Cela faisait trois heures qu’il répétait le même exercice stupide. 

Il en avait assez, il n’arrivait à rien, sa tête était sur le point d’exploser. 

Elle ne voulait rien entendre.

Las et résigné, Alhuin prit une longue inspiration, frotta énergiquement ses bras couverts de tatouages bleutés et reporta son attention sur la bassine d’eau salée posée à ses pieds. D’une voix dans laquelle perçait la fatigue, il jeta son ordre. 

Rien ne se produisit. 

Il leva un regard implorant vers la femme qui l’observait dans l’ombre. 

-       Encore. 

***

Edwin se lança à sa poursuite, un large sourire aux lèvres. 

Il traversa le couloir au pas de course, croisant sans s’arrêter une Siam éberluée. 

Ellana avait une bonne longueur d’avance sur lui, son saut par la fenêtre l’ayant emmenée directement dans la cour, tandis que lui était contraint d’observer les détours imposés par l’architecture du lieu. Il bifurqua, descendit une volée de marches et surgit à l’extérieur juste à temps pour la voir disparaître par-dessus l’enceinte, hors des murs de la confrérie. 

Elle accroissait encore son avance. 

La plaine aux couleurs délavées par la Lune était déserte lorsqu’Edwin passa la lourde porte d’Ondiane. Il se dirigea donc vers le petit bois qui se trouvait à proximité.  

Arrivé sous le couvert des arbres,  il s’arrêta un bref instant, hésitant. 

Un rire fantomatique lui indiqua la direction à prendre.  

Lorsqu’il atteignit une vaste clairière au fond de laquelle nichait un étang, Edwin crut s’être trompé. 

Un frémissement à la surface de l’eau lui prouva le contraire. 

Elle était là. 

Il s’avança silencieusement, guettant le moindre mouvement. Baissant les yeux, il discerna la masse de ses vêtements de cuir, abandonnés sur la rive. 

Son cœur rata un battement. 

Avec la grâce intrinsèque qui la caractérisait, la silhouette de la marchombre se dessina dans les profondeurs. 

Ellana creva la surface ondoyante de l’étang et s’approcha du Frontalier jusqu'à le toucher. 

De sa chevelure de jais s’écoulaient de minces filets d’eau cascadant sur ses épaules avant de se perdre sur sa peau en une multitude de rigoles argentées. 

Jamais Edwin n’avait rêvé d’être une goutte d’eau. Jusqu'à présent. 

Elle leva vers lui ses yeux d’encre. 

-       Fini de jouer ? demanda-t-elle

-       Fini de jouer. 

***

Nouvelle VoieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant