Le cœur triangulaire.

Chapitre 19 : Eliott

Eliott secoue la tête, ouvre les yeux, et se retrouve bruquement dans le présent. Ces évènements ont beau s'être déroulés il y a plus de dix ans, il en garde toujours un souvenir affreusement prégnant, et se rappelle des moindres détails.

Il doit l'accompagner. Comme il aurait toujours dû le faire.

Il baisse les yeux, tremblant. Il inspire difficilement l'air frais. Raviver tous ces souvenirs lui fait monter les larmes aux yeux... il les essuie d'un amer revers de la main.

Les mains dans les poches, il serre l'objet qui s'y trouve.

Il pense à ce qu'il s'est passé après la mort d'Ileana. Après avoir noyé son chagrin dans les bras de Léna ce matin-là, il est parti et n'est plus jamais revenu dans l'hôpital. Il a croisé Léna à l'enterrement d'Ileana, mais n'est pas allé la voir. Puis il a appris que Léna avait été mutée dans une autre ville à l'autre bout de la France. Tant mieux. Il ne voulait plus jamais entendre parler d'elle, et il pense que c'était réciproque.

Non. Il n'osera pas faire ça.

Comme c'était prévisible, Eliott a ensuite échoué à ses examens, et n'a jamais eu le courage de recommencer une année d'étude, il est donc sans diplôme. Il enchaîne les petits boulots pour vivre, seul, il n'a jamais refait sa vie. Il ne veut personne d'autre, à part elle. Elle qui n'est plus là. Qui ne sera plus jamais là.

Il hésite. Sa vie en vaut-elle encore la peine ?

En plus de ce manque qui lui troue le cœur chaque jour, il porte le poids immense de la culpabilité. Il ne croit pas au destin, au karma ou à ce genre de choses, néanmoins il ne peut s'empêcher de penser que la mort d'Ileana a quelque chose à voir avec son union éphémère avec Léna... il ne le saura jamais, mais il pense tout de même que c'est une coïncidence un peu trop troublante...

Plus simplement, mérite-t-il de vivre ?

Et puis bien sur, les remords le rongent, car il sait qu'il n'a pas assez profité de la vie tant qu'il le pouvait. Ileana était là, belle, jeune, amoureuse, aimante et pleine de vie, de projets. Et lui était là, sans être là, ne la voyait pas, enfermé dans ses études, pour au final de même pas avoir de diplôme ; quelle ironie du sort...

La réponse s'impose comme une évidence : non. Il ne mérite plus de vivre.

La vie lui avait fait cadeau de l'amour, et il n'a pas su en profiter. Et maintenant, il ne peut plus. Il ne pourra plus jamais. Pas sans elle.

Alors, il sort l'objet de sa poche. L'appuie contre sa tempe. Presse sur la détente. Et part la retrouver.

FIN.