CHAPITRE 1: Voilà pourquoi j'étais sous ton mur

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         Ce jour-là, mon père m'appela dans sa case. Il me fit comprendre pour la deuxième fois qu'il a décidé de me donner en mariage au deuxième notable du roi. C'était un homme âgé d'au moins soixante dix ans. Moi je n'en avait que seize. Il avait déjà trois femmes et huit enfants dont la plupart était plus âgé que moi. Je serai donc sa quatrième femme. Il apportera ma dote le lendemain, très tôt le matin. Les cérémonies se feront le même jour et je partirai vivre avec lui. Je me retiens de toutes mes forces de crier: << non père, je refuse de devenir la femme de Mr DZAMA>> comme j'avais pu osé le faire il y'a quelques jours. Je craignais qu'il me batte encore. D'un hochement de la tête, j'acceptai et je tournai les talons pour regagner ma case. J'y suis restée toute la journée jusqu'à la tombée de la nuit. Mon père demandait de temps à autres à ma belle mère de vérifier que j'étais bien là. Cette dernière à chaque fois me regardait avec son air satisfait et son sourire sournois au coin des lèvres, comme pour me dire : « mon plan fonctionne ».

        Mon père a épousé ma belle mère après la mort de ma mère. Celle qu'on surnommait dans le village et ses alentours "mami watta" ce qui veut dire la sirène, à cause de sa beauté renversante, est morte en donnant naissance à son deuxième enfant. Enfant qui lui aussi est mort quelques heures après notre mère. J'avais trois ans. Je n'étais qu'une petite fille quand mon père épousa cette femme soucieux de m'élever seul, et en fit ma belle mère. Et je dois dire qu'à aucun moment de ma petite existence ; je ne me suis sentie aimée par ma celle qui était sensée jouer le rôle de ma mère. Elle même n'a jamais conçu. Est ce peut-être le pourquoi ?

         Une fois la nuit tombée, les bruits de pas et les cris des enfants jouant derrière ma case laissèrent place aux cris des oiseaux nocturnes. Silencieusement, je me levai de mon lit, pris mon pagne qui autrefois était celui de ma mère ; ouvrai délicatement ma porte puis ramassai mes sandales posées au seuil de la porte ; traversai sur la pointe des pieds la cour de mon père telle une voleuse essayant de ne faire le moindre bruit. Une fois hors de sa concession, je me mis à courir, sans regarder en arrière. le plus vite possible ; ne sachant pas quelle direction suivre ; comme si courir et s'éloigner de sa cour revenait à fuir ce projet qu'il a fait pour moi. Je courrai des minutes durant ; fatiguée et à bout de souffle, je m'arrêtai près d'un arbre. Je levai la tête et stupéfaite ; je me rendis compte que je me retrouvais dans la forêt. Loin de mon père, de son ami le notable, de la femme de mon père, loin du village. Un soupire d'apaisement vint me soulager. Mais ce qui m'entourait ne me rassurait pas non plus. Le silence de la grande nuit ; rompu par moment pas des hululements de hiboux. Tout à coup j'entendis quelques chose voler d'une branche à une autre. Mon cœur s'emballa. Une fièvre me parcouru le dos. Mes poils se dressèrent sur tout mon corps. Je ne pouvais pas rester là. Je me mis donc à marcher. Éprise de peur tremblante ; je jetai des regards autour de moi pour m'assurer qu'aucun danger ne me guettait.

         Après quelques minutes de marche, je tombai sur un gros arbre qui pouvait faire au moins vingt fois mon tour de hanche. J'étalai le pagne de ma mère au pied de l'arbre puis je m'allongeai, timidement, repliée sur moi même, mes genoux repliés rejoignaient mon menton. La peur toujours présente. Mais la fatigue et le sommeil m'obligeaient à fermer les yeux un temps soit peu. À peine je parvins à trouver ce léger sommeil que j'entendis des pas s'amener vers moi. Ils étaient nombreux. j'ai tout de suite pensé à mon père qui accompagné de quelques hommes du village s'étaient lancés à ma recherche. D'un bond brusque et rapide, je quittai mon pagne et je recommençai ma fuite. Les bruits de crépitements émis par mes pieds en brisant les branches et les feuilles sèches, indiquèrent à ses gens que quelqu'un se déplaçait. Tout de suite l'alerte fut donnée. Ils se lancèrent à ma poursuite. Du mieux que je pouvais, je courrais le plus rapidement possible. Sans regarder derrière moi. Mais très vite, j'ai été rattrapé. Et à ma grande surprise ce n'était pas des hommes qui me recherchaient sur ordre de mon père. Je ne les connaissais pas et eux non plus ne me connaissaient. Ils m'ont attaché et m'ont scellé les lèvre avec un foulard pour me faire taire car je n'arrêtais pas crier à l'aide; et m'ont emmené au fond de la brousse. Là où même les grands chasseurs ne s'aventuraient pas. Il s'y trouvait une grande case cachée sous les hauteurs des grands baobabs. Dès que j'ai vu le lieu, tout était devenu tout à coup clair dans ma tête et la peur m'inonda brusquement et complètement. Je me mis à gigoter dans tous les sens, à me débattre de toutes mes forces. De ces histoires, j'en avais entendu parler ainsi que toutes les jeunes filles des villages alentours. Des jeunes filles disparaissaient au nord du pays. Et c'est dans une ancienne case au cœur de notre forêt qu'elles étaient retenues en otages avant d'être emmenées en ville. J'ai toujours pensé que ces histoires étaient inventées dans le but de dissuader les filles du village de traîner seule, ou de s'aventurer dans la forêt. Le fait que jamais aucune fille de mon village et ses alentours n'a jamais disparue nous confortait, mes copines et moi dans l'idée que ce n'était que fiction, invention. En m'emmenant à la case, j'ai compris beaucoup de choses. En premier lieu, pourquoi et comment sont-ils tombés sur moi. Ils étaient à la recherche d'une fille qui leur avait échappé lorsqu'ils la ramenaient à la case. Tentant de retrouver ses traces, ils sont tombés sur moi. En deuxième lieu, ce qui m'attendait une fois à la case. Dès que je les ai entendu dire en ricanant qu'ils étaient ravis d'être tombés sur moi plutôt que d'avoir retrouvé celle qui s'était enfuie car je suis plus belle et je paraissais plus délicieuse qu'elle, j'ai recommencé à me débattre avec rage il était hors de question que ces brutes, sales, me touchent. Mais d'une force masculine l'un d'entre eux m'appliqua une rude gifle. Cela n'a pas suffit à me calmer. Je préférais mourir plutôt que d'être violé par ces criminels. Une autre gifle beaucoup plus puissante que la précédente atterri sur ma même joue. Cette deuxième me fis perdre connaissance et je tomba dans les pommes, tellement il s'était appliqué.

FATOU: L'HISTOIRE D'UNE VIEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant