Grossesse . . .

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Alice a découvert, il y a plusieurs semaines déjà, qu'elle attend un enfant issu de son unique nuit avec Mathieu Brémont, avant son arrestation. Elle continue de travailler en occultant ce détail pour ne pas avoir de traitement de faveur de la part de ses collègues dans ce milieu assez masculin.  Mais c'est sans compter le flaire inné de son plus proche collaborateur : le commandant Marquand qui, lors d'un trajet retour, lance la bombe.

- Ça fait combien de temps, demande t'il de but en blanc.
- Combien de temps que quoi, Marquand, répond-elle en inclinant sa tête de côté, dubitative, les yeux plissés.
- La grossesse ...
Elle hausse les sourcils et manque de s'étouffer.
- Pardon ?
Son déni le déçoit et l'agace aussi un peu.
- Voyons, Mme le juge, ne me prenez pas pour une trompette ! Pour rappel, j'ai déjà vécu ça, précise t'il.
- Ça quoi, s'amuse t'elle en croisant les bras, curieuse de connaître les détails qui l'ont trahis.
- Les nausées alternées avec des  moments de fringale, le teint de porcelaine, la sensibilité exacerbée, les sautes d'humeur, quoique ça, c'est naturel, se moque t'il. Et surtout bê ...

Il devient gêné, son visage rougit donc préfère poursuivre en mimant sa réponse laissant sous entendre une augmentation de la poitrine, ce qui la fait éclater de rires.
- Vous êtes pas sérieux, Marquand. Parce que vous regardez ce genre de détail, le réprimande t'elle faussement vexée.
- En même temps ... Ça saute aux yeux quoi, indique t'il encore mal à l'aise.

Elle tourne sa tête vers la vitre pour réfléchir.
- Hé, Alice, dit-il en lui posant la main sur le bras, soucieux de la froisser.

C'est bien la première fois qu'il l'appelle par son prénom et cette nouveauté a une consonance particulière sorti de sa bouche et prononcé par cette voix grave unique. Elle est immédiatement touchée par ce changement verbal, certes anodin en apparence mais significatif pour elle ...

Il se gare sur le bas-côté, l'invite à le suivre pour aller marcher le long des quais. Il poursuit leur discussion. Elle se sent plus à l'aise à l'air libre que dans la promiscuité de la voiture. Il s'attele donc à continuer de déballer le fond de sa pensée.

- Je suis votre collègue certes mais je peux aussi être votre ami, la rassure t'il sur un ton délicat.
Elle est émue par sa réaction et se laisse donc aller à la confidence.
- Ça ne fait même pas 3 mois, je me fais à peine à l'idée, Marquand, avoue-t-elle.
- Je comprends ...
- Et puis, je ne veux pas être traitée différemment parce que je suis enceinte, explique t'elle.
Il aquiesce silencieusement, sachant pertinemment que ce détail change tout, au contraire. Qu'elle le veuille ou non ...

Il fait également le rapide calcul dans sa tête et voit sa crainte se réaliser. Il hésite à poser la question mais la curiosité lui brûle les lèvres.
- 3 mois ... Ne me dites pas que le père, c'est Brémont, s'offusque t'il.
- Bê si, qui d'autre ?
- Je sais pas moi, je ne suis pas vos histoires de coeur, ment-il.

Son coeur se serre sans qu'il ne sache pourquoi. Il s'en doute mais combat tant bien que mal cette jalousie naissante qu'il a commencé à ressentir lors de ces retrouvailles fortuites sur la scène de crime du diamantaire. Il a alors remarqué cet échange de regards entre sa juge et le témoin. Puis il la sentie déstabilisée par cette rencontre, plongée dans ses souvenirs. Et enfin, sa crainte a été confirmée quand il est tombé nez à nez avec celui devenu suspect en allant chercher Mme le juge chez elle, à l'aube.

Il a alors senti comme un coup d'épée dans la poitrine, lui coupant le souffle, faisant grimper la colère et déception sans comprendre pourquoi ...

Sensation qu'il retrouve à cet instant précis, apprenant qu'il lui a laissé ce qu'on peut offrir de plus beau à une femme. La jalousie s'insinue jusqu'à son ventre, mal qui le ronge créant une brûlure d'estomac, un goût acide dans sa gorge.

Il tente malgré cette douleur de faire bonne figure et de ne pas laisser entrevoir une once de sentiments, gardant l'avantage que lui est là, prêt d'elle pendant que l'autre est incarcéré dans la maison d'arrêt pour un ptit bout de temps.

- Et il est courant ?
- Bien sûr, Marquand qu'il est au courant, s'agace t'elle. J'ai été lui rendre visite et on a décidé de le garder le jour où il est passé en jugement, quand je l'ai croisé au palais.
- Bê voyons, se fâche t'il. Et vous savez qu'il en a pris pour 5 ans ?
- Je le sais ça, commandant. C'est quand même moi qui ai instruit l'affaire, indique t'elle.
Elle remarque que le bleu de ses yeux est devenu électrique.
- C'est pour cela que j'ai longuement hésité à poursuivre la grossesse car je vais être seule les années les plus dures de la vie de l'enfant, s'attriste t'elle.

Elle tourne de nouveau la tête à l'opposé de son interlocuteur, regardant les péniches voguer sans même réellement les voir, dans le flou de sa réflexion. Il la tire délicatement par le bras et l'emmène vers un banc, qui va devenir LE banc, LEUR banc. Celui qui verra évoluer leur relation, celui qui sera témoin de grands nombres d'événements dont le premier : celui-ci ...
- Vous ne serez pas seule, je suis là, Alice, la rassure t'il.

À ce moment-là, il n'a pas idée à quel point ses paroles sont vraies, à quelle mesure il va les respecter car pour l'instant, ce n'est qu'un rêve se baladant dans son esprit.

- Vous êtes bien entourée, poursuit-il. Il y a votre père et Lemonier aussi. Ce bébé sera bien acceuilli et chouchouté, croyez-moi. Je ferai le rôle de nounou quand vous aurez besoin et en attendant, je vous soutiens pendant votre grossesse, je veille sur vous.
Elle est touchée par cet avoeu mais tente une diversion pour ne pas craquer.
- N'en faites pas trop quand même, commandant, râle t'elle.
Il pointe son index vers son buste.
- Qui ? Moi ? Jamais Mme le juge, se moque t'il.

Elle lui rend son sourire, touchée par son soutien et son humour et ne peut retenir une larme qui roule sur sa joue.
- C'est rien, c'est les hormones, dit-il lui tendant un mouchoir qu'il sort de sa poche.
- Commencez pas, Marquand, le gronde t'elle. Ça reste entre nous pour l'instant, je veux que personne ne le sache, on est bien d'accord. Ni au palais ni à la crim.
Il lève la main droite comme un prévenu qui jure sur la Bible lors de son procès.
- Donc pas d'allusions, aucune attention, pas de sous-entendus devant qui que ce soit. Je l'annoncerai quand je serais prête, poursuit-elle 
- Bien Mme le juge, aquiesce t'il.

Puis il se penche vers elle pour lui faire une confidence.
- Vous serez une très bonne mère. N'en doutez pas un seul instant, chuchote t'il.
Elle le fixe de ses yeux verts embués par l'émotion.
- Comment pouvez-vous le savoir, le taquine t'elle.
- Ça c'est l'instinct, dit-il en pointant du doigt le bout de son nez. Je le sens, je le sais, lui sourit t'il. Déjà parce que vous connaissez la valeur d'une mère, celle qui manque à votre vie. Mais, je vous l'ai dit, vous ne serez pas seule, ajoute t'il avec un regard qui en dit long sur ses sentiments. Elle y perçoit un soutien sans failles dont elle aura bien besoin dans un futur proche.
- Merci, Marquand, répond-elle en inclinant la tête de côté, touchée.

Leurs yeux se perdent alors dans ceux de l'autre, comme hypnotisés par la beauté du moment. Un sourire se dessine simultanément sur leurs lèvres, elle tend la main pour atteindre la sienne qu'il lui donne timidement et serre cette poignée affectueusement.

Se perdant dans ses pensées, il imagine sa partenaire le ventre rond, la naissance de cet enfant, la magie d'une femme devant mère.

Quant à elle, elle le voit prévenant pendant sa grossesse puis son bébé dans les bras de son collègue, attendri ...

Craignant de se laisser submerger, le commandant met fin à cette interlude.
- Allé, au boulot, Mme la juge, somme t'il.

Ils quittent les quais pour rejoindre la brigade, chacun conscient qu'un petit quelque chose vient de se passer, ce détail qui change tout et qui fait que rien ne sera désormais plus pareil . . .

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⏰ Dernière mise à jour : Feb 14, 2020 ⏰

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