Chapitre 2

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Je l'ai détruit avant de prendre la petite fille en otage. Je suis jalouse, j'ai peur. Ces sentiments ne font pas parti de mon programme, je le sais. J'ai couru en empoignant le bras de la fillette, en pleine nuit, déambulant dans les ruelles beaucoup moins fréquentées que les autres en plein  cœur de la ville. L'enfant trébuchait, les yeux ronds à cause du choc, se laissant entraîner par sa nourrice de substitution. Aucunement essoufflée, je dus pourtant ralentir devant les couleurs blanches et rouges des sirènes policières devant moi. Aussi rapide que mes calculs de données me le permettaient, je sortis un revolver étincelant que j'avais dérobé quelques heures plus tôt à ma "famille". La balle fit se briser en éclat le parebrise des voitures bleues. Profitant de cet instant, je me remis au pas de course, entrant dans un immense building, poursuivie par toute une ribambelle de policiers. La course continua de plus belle dans les escaliers, puis les étages, à un rythme suffoquant. Je voulais m'enfuir, détruire mon programme pour de bon. Je voulais savoir ce que c'était que faire tout ce que je désirais comme ces stupides êtres vivants.

J'avais atteint le toit à une vitesse fulgurante, le point culminant de l'édifice, perchée à plus d'une cinquantaine de mètres du sol. Je déviais mon regard dans tous les sens cherchant une issue pour finir flashée par les projecteurs de deux hélicoptères, piégée par une lumière blanche aveuglante. Ambre, terrifiée, restait tétanisée menacée par l'arme volé que je calai fermement à sa tempe. Des minutes s'écoulèrent, longtemps... Je n'entendais plus que les sirènes des voitures policières en contrebas, ainsi que les pales infernales des machines volantes. Un homme, penché du haut de la plateforme de l'hélicoptère, n'arrêtait pas de beugler de relâcher la fille, un haut-parleur à la main. Je m'étais figée, la petite dans mes bras. Ce fut quand on annonça l'arrivée d'un négociateur que je me permis de tourner la tête vers la porte du toit.

Je m'attendais à un vieux policier ronchon et hypocrite, haïssant les androïdes, mais la chose qui se tint devant moi n'avait rien d'humain : j'ai vu un robot que je ne pouvais même pas qualifier d'homme malgré les apparences trompeuses. Même sa voix collait à la perfection à son personnage : un son fluide, masculin, humanoïde :

-Je suis Adam, programme d'enquête 6.9. J'ai détecté une défaillance technique dans ton système. Nous pouvons t'aider.

-Et pourquoi vous le feriez ? Enchaînai-je. Vous m'enverrez à la casse comme tous les autres ! On m'a remplacé par cette... chose 1.22 pour s'occuper d'elle, dis-je en pointant la fillette.

Adam se rapprocha lentement. J'aurai voulu croire qu'il avait des sentiments. Que la lueur qui passait dans ses pupilles à ce moment-là était due à de la compassion, ou même à de la méfiance mais non. Il était possédé par son foutu programme d'enquête je-ne-sais-quel-numéro. Ses lèvres trop parfaites s'entrouvrirent de nouveau :

-Tout va bien se passer, il suffit que tu lâches l'enfant.

Je pris un instant pour prêter attention aux hélicos, aux hommes dont les canons de leurs armes métalliques étaient orientés vers moi, et aux gyrophares en bas qui hurlaient depuis des heures déjà, avant de me retourner vers l'androïde.

-A peine aurai-je décidé de lâcher que vous ouvrirez le feu.

-Je te promets que nous ne te ferons aucun mal après libération.

J'hésitai. Lui, il promettait, mais ce n'était pas celui qui déciderait de tirer ou non. Pour la première fois, la main qui tenait le revolver trembla, près de la tempe de la petite fille paralysée par la peur. Cependant, elle osa relever un peu la tête pour croiser mon regard.

-Sarah, s'il te plait laisse-moi partir...

Adam stoppa net et analysa l'otage. Je voulais croire en la peur et la pitié que je lus dans ses iris sombres et robotiques mais je m'en empêchai. Il ne fit rien, moi non plus. C'était excédant. Un nouveau sentiment s'insinua dans mes circuits, comment ces humains le définissait-il déjà ? Non en fait, je m'en fichais.

-Quoi ? Pourquoi ferais-je ça maintenant ?

-Parce que tu es mon amie, tu ne me ferais jamais de mal pas vrai ?

-Ton amie ?! Hurlai-je, envahie par une sensation étrange qui fit luire mes iris grisées. Je ne suis qu'une machine ménagère jetable et remplaçable à tes ordres !

-Non ! Moi je ne voulais pas changer !

La mâchoire serrée, je pressai un peu plus le canon.

-Je suis plus qu'un simple outil.

-Je t'en prie, recommençait Adam, si tu ressens réellement des sentiments comme les humains, il te sera impossible de tirer sans le moindre poids de conscience.

Ce qu'il me disait n'avait pas le moindre sens dans mon esprit. Tout ce que je voyais, c'était un robot comme moi avant le "réveil". Alors, je décidai de tenter :

-Toi, tu obéis aussi à un programme comme les autres, comme moi avant ! Mais réfléchis, réfléchis un peu plus et tu seras capable de te réveiller !

Et alors qu'un tout nouveau sentiment se formait dans ma tête, il fut tout de suite détruit par une simple phrase.

-Ton réseau informatique a été corrompu, ton avis n'altérera pas le mien.





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