- Maître, je crois bien que nous sommes perdus, constata Dalian en regardant autour de lui.
- Tu te trompes, répondit le sage, il suffit de suivre ce chemin pour sortir de la forêt. Mais il est plus long que je ne l'avais escompté et je crains que nous ne devions passer la nuit ici.
- La forêt a donc grandi depuis votre dernier passage ? demanda le jeune homme avec sarcasme.
- Cela fait surtout près de vingt ans que je n'ai pas remis le pied dans la région.
Dalian, voyant l'air triste de son précepteur, décidé de ne pas remuer le couteau dans une plaie qu'il ne s'expliquait pas, mais qui semblait vive, et revint au sujet qui le préoccupait :
- Est-ce bien sûr de dormir ainsi dans les bois ?
- Non, car les bêtes féroces sont particulièrement dangereuses dans cette région du monde. Nous allons devoir prendre des tours de garde, d'autant que nous avons perdu notre torche. Mais il reste encore un peu de lumière... Tâchons de trouver un endroit plus propice. Pourras-tu marcher ?
- Je le crois.
Prenant garde de ne pas s'appuyer sur la cheville qu'il s'était foulée en marchant dans un trou peu de temps auparavant, il se releva en s'aidant de la main que lui tendait son précepteur. Puis il fit précautionneusement quelques pas, appuyé sur son bâton de marche.
- Ça devrait aller, estima-t-il.
- Bien.
Assilus offrit son bras à son élève pour l'aider à marcher et tous les deux suivirent le chemin qui serpentait dans la forêt. Mais après un quart d'heure, il devint évident qu'il faisait trop sombre pour continuer. Dalian, réprimant la douleur qui émanait de sa cheville, se laissa tomber contre un arbre.
- Mange, lui ordonna le sage en lui tendant une galette de blé.
- Mais, et vous ? protesta le blessé.
- Ne t'inquiète pas. Mange ! l'encouragea Assilus.
Dalian secoua la tête. Ils n'avaient pas de réserves, ayant prévu d'arriver au village qui bordait la forêt avant la nuit. Cette galette était tout ce dont ils disposaient. Têtu, le jeune homme coupa le pain en deux et en tendit la moitié à son précepteur, qui l'accepta sans un mot. Ils mangèrent en silence, attentifs aux bruits de la forêt nocturne.
Soudain, des pas dans les sous-bois proches leur firent dresser l'oreille. Dalian esquissa un geste pour se relever mais la douleur l'en empêcha. Assilus lui fit signe de rester assis et se plaça devant lui de sorte à le protéger d'un éventuel danger, son bâton bien en main. Quelques instants se passèrent dans une angoisse pesante. Les pas ne semblaient pas ceux d'un animal mais bien ceux d'un être humain. Quelle qu'elle soit, la créature ne faisait aucun effort pour se dissimuler. À chaque seconde, la distance qui la séparait de l'élève et du maître diminuait, et la tension augmentait. Puis, alors qu'elle atteignait son paroxysme, les buissons s'ouvrirent sur une créature qui ne semblait ni une fille, ni un garçon. Elle devait avoir une vingtaine d'années, l'âge de Dalian, portait une tunique courte et un pantalon en toile grossière, et avait des cheveux coupés très court. Un arc était accroché en travers de ses épaules et elle avait un carquois et un petit couteau à la ceinture, mais elle avait les mains vides, tendues devant elle en signe de paix.
- N'ayez crainte, je ne vous veux pas de mal.
Sa voix était rauque, comme si elle n'avait pas parlé depuis longtemps et en avait perdu l'habitude. Assilus abaissa son bâton.
- Qui êtes-vous ?
- Dans le village, répondit la créature, on m'appelle la Mendiante, ou la Folle. Parfois la Sorcière. Mais ma mère m'avait nommée Silva.
VOUS LISEZ
À sa façon
Short StoryDalian est un jeune noble confié par ses parents aux soins du sage Assilus. Tous les deux sillonnent le royaume, sans but précis sinon celui de découvrir de nouveaux endroits. Lorsqu'un jour ils passent par une région bien connue du sage, ils rencon...