Texte 2

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        Léonie, elle aime le monde, elle aime la vie. Elle aime ses amis, sa ville aux grands immeubles gris. Elle croit tout ce qu'on lui dit, Léonie. C'est une petite fille qui n'a jamais vraiment grandi : innocente, naïve, la proie idéale pour les hommes sans cœur qui se jouent du sien sans aucun remord. Elle enchaîne les coups d'un soir, brisée, toujours à croire leurs belles paroles et leurs mots d'amour. Verre après verre, elle ne refuse plus rien. Elle s'abandonne à leurs bras traîtres, elle se laisse consumer par leur désirs ; petite chose détruite dont plus personne ne se soucie. Elle joue un drôle de jeu, Léonie : celui de la Vie. Elle n'a jamais vraiment compris ce qu'elle faisait. Ou peut-être que si.

        Seulement la souffrance est devenue sa drogue, sa meilleure amie. Elle se retrouve dans le lit d'un homme différent chaque soir, qui la regarde avec des yeux doux, désirant jusqu'à son âme ; mais le matin suivant elle est seule à nouveau, avec pour seuls amis le maquillage qui coule le long de ses joues, et les larmes qui s'échappent de ses yeux. Toute la journée, elle traîne dans les rues, un peu comme un mort-vivant : sans aucun but, sans aucune volonté. Jour après jour. Elle ne s'intéresse pas vraiment à son travail, Léonie ; elle le fait parce qu'il le faut, voilà tout.

        Et le soir, retour dans les boîtes de nuit : boire jusqu'à en vomir, fumer jusqu'à s'étouffer, danser le collé-serré avec un homme puis avec un autre. Et finir dans le lit de quelqu'un dont elle ne connaît même pas le nom. Tout ce qu'elle sait, c'est qu'il l'a prise par la main, et elle l'a suivi. De toute façon, qu'aurait-elle bien pu faire d'autre ? Léonie souffre. Il ne reste plus grand chose de la petite fille qui rêvait devant sa fenêtre, le soir.

        Léonie n'a plus de rêves. Oh ça non ! Elle n'en a plus depuis le collège, elle. Depuis les fêtes et les garçons. Depuis qu'elle a compris que l'amour n'existe pas, qu'elle finira comme sa mère, sur le canapé avec une bouteille de vodka. Puis de toute façon, les rêves, ça se réalise pas. Ils te font espérer, vivre dans une quête vaine, une quête de l'impossible. Puis un jour tu comprends que tout cela ne sert à rien, que ce n'est que le chemin menant à la Chute. Tu tomberas du haut des étoiles, du milieu de tes rêves. Et tu te tues dans cette Chute, tu anéantis ton cœur d'enfant. Quoique tu n'étais pas plus vivant là-haut, t'étais juste en train de rêver. Ils appellent cela grandir.

        Léonie, elle est tombée. Très jeune, avant la plupart des gens. Elle n'était pas encore assez forte pour se remettre de cette Chute, et elle est encore en mille morceaux à l'intérieur, même aujourd'hui. Mais personne ne le sait, parce qu'elle cache son visage dans son col gris, parce qu'elle fait semblant de sourire, de rire et de vivre. Parce qu'elle a toujours fait comme ça, qu'elle a toujours attendu la nuit pour pleurer seule dans son lit. Elle pleure l'Amour qui la fuit, qu'est pas fait pour elle. Elle pleure parce qu'elle ne sait rien faire d'autre, Léonie.

        Léonie ne veut pas changer de vie. Elle ne cherche même pas à vivre pour de vrai. Peut-être est-ce parce qu'elle n'en a pas le courage ? Oui, c'est sûrement ça. Elle n'en a plus la force ; elle se résigne dans une lassitude mortelle, qui finira par la tuer. Elle est ailleurs, dans un songe ; enfin, il s'agit plutôt d'un cauchemar dans lequel elle est piégée. Et il semblerait qu'il n'y ait que la Mort qui puisse la délivrer.

Adam et LéonieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant