A l'instant où l'ambulance prit congé, la ville sembla reprendre son cours. Le trafic de voitures repartit de plus belle et les klaxons rugissaient des capots. J'étais face à mon sort. Je pouvais rebrousser chemin, personne n'avait remarqué ma présence douteuse, mis à part mon véhicule garé à cent mètres qui commençait à éveiller les soupçons de la police. Je sortis de mon silence pour rencontrer, sans plus attendre, le moustachu.
— Salam, je peux m'entretenir un instant avec vous ?
Surpris, l'homme âgé d'une bonne cinquantaine et des poussières se rapprocha.
— Tu ne vois pas que je travaille ! Comment oses-tu me déranger ! Tu connaissais la victime ? Proche parent, c'est ça !
— Non monsieur, je suis le coupable ! Mon arme est stationnée au bout, c'est le véhicule noir au loin.
— Ce sont des aveux ! C'est une blague ou quoi ? Tu as été envoyé par les collègues ? C'est ça ! C'est ma dernière affaire avant de tirer ma révérence alors ils veulent s'amuser. Dis-leur que je ne marche pas dans leurs sottises. J'ai encore du flair. Allez va-t'en !
— Mais non ! Je vous assure inspecteur !
— Bon ! Ne me fous pas la honte devant mes coéquipiers, allez, je te suis à ta voiture et on va causer.
Le soleil commençait à s'échauffer, la journée risquait d'être foudroyante. Près de la voiture, il examina le pare-chocs. Son visage se décomposa, il était bien en possession de l'arme du crime !
— Tout d'abord, confie-moi les clefs du véhicule et présente-moi tes papiers !
Le ton de sa voix avait changé, beaucoup plus autoritaire. Je passais enfin pour le méchant.
— Dis-moi, c'est ta conscience qui t'a fait revenir ? Et pourquoi tu as fui ?
A partir du moment où j'avais endossé le rôle du criminel, je n'avais plus goût à me justifier. Les faits étaient là devant lui. Il n'y avait plus lieu de tergiverser. Qu'il m'emmène au trou et arrête de faire l'enquêteur en manque d'enquête.
— Tu as perdu la parole et en plus tu n'as pas pris le soin de faire disparaitre les pièces à conviction. Toutes ces bouteilles vides de whisky ! Mais dis-moi, tu es maso ! Tu crois que tu pars en vacances ?
Il prit son talkie-walkie pour appeler un des policiers en uniforme comme renfort et il s'attarda sur les papiers de la voiture.
— Dis-moi, tu viens d'acquérir la jolie. Toute belle, toute neuve. Intérieur cuir, la totale quoi. Tu dois sûrement être dans le business ! Pour se payer ce genre de voiture comptant, il faut être lourd monsieur. Mais bon, elle te sert plus à rien maintenant puisque tu es un criminel et tu vas finir en cabane pour un long, long moment. D'ici là ta belle voiture sera une antiquité. Conduire en état d'ébriété suivi d'une collision qui cause la mort, c'est ce qu'on appelle un homicide involontaire ! Entre nous, je n'aime pas les arrivistes de ton genre.
Tu t'appelles Karim Zifadi. Hé ! Mais dis-moi, tu portes le même nom que l'un des BOSS de la ville, le très richissime Hamed Zifadi, proche parent, c'est ça ?
— C'est mon père.
Le visage de l'inspecteur tourna au bleu, il était désemparé, j'avais l'habitude : voilà l'effet que mon père avait sur les gens, proche de la crainte révérencielle. Le nom Zifadi portait loin, jusqu'à la cours du Palais. Le pouvoir et l'argent produisent ce genre d'effet ! La procédure allait vraisemblablement changer. Il prit de suite son téléphone et appela la hiérarchie. Il sortit du véhicule pour converser. Il aura fallu moins d'une minute pour que le mien sonne à son tour. Je ne savais pas si j'avais le droit de décrocher, mais de la porte entrouverte de la voiture, l'inspecteur me fit signe de répondre puis me tourna le dos. C'était le patron au bout du fil.
— Mais qu'est-ce qui t'a pris ? Du sang sur les mains ! En plus en état d'ébriété ! Alors tu m'as fait la totale, j'avais quelques doutes mais j'ai l'intime conviction que tu es un bon à rien qui me cause toujours des problèmes. Mais comment j'ai pu mettre au monde un fils pareil ! Tu es une erreur ! J'ai définitivement raté ton éducation. Je dois toujours passer après toi pour faire le ménage. Ton histoire va me coûter beaucoup d'argent et d'interventions ! Il faut que j'engraisse toute la police et qu'après ta garde à vue, tu disparaisses quelques mois ! Espèce de con fini ! Je ne veux plus te voir. Déguerpis à Paris !
Je m'attendais à cette déferlante de gauches et de droites de coups sanglants, mes oreilles étaient au tapis ! Je n'ai pas dit un mot sauf :
— Papa ! Je vais payer ma dette comme un citoyen normal. J'ai tort et je dois passer par la prison !
— Quoi tu délires ? Bon, je prends ça sur le fait que tu es en état de choc, mais ne t'avise plus jamais, JAMAIS à contester mes choix !
Je descendis de la voiture, l'inspecteur Hassani m'emmena dans la Kangoo accompagné d'un agent. J'étais à l'arrière, menotté, quand un homme vêtu de noir apparut de nulle part, il échangea quelques mots avec le moustachu et s'empara de ma Porsche pour disparaitre. J'imagine qu'on effacera toutes les traces d'alcool dans la voiture et qu'on ira la déposer chez un carrossier pour limiter l'impact frontal du pare-chocs. Ils vont flouer la vérité et passeront sûrement ça pour un accident involontaire dû à la victime qui avait brulé un stop ou que sais-je encore ? De toute manière, elle n'est plus de ce monde et peut aisément être coupable et porter tous les chapeaux.
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Fils à papa
Mystery / ThrillerDécouvrez ce roman-feuilleton qui vous donnera des émotions, des palpitations et un certain regard sur des personnages saisissants. Une rencontre amoureuse improbable, des situations rocambolesques qui créeront en vous une addiction à cette histoir...