Tome 1 : Le Naufrage

Chapitre II

Le soleil se leva sur une petite île perdue au milieu de l'Océan Indien, il éblouit ses occupants indésirés, réchauffa l'eau glaciale, colora le ciel de pourpre et ricocha sur la carcasse échouée d'un bateau. L'épave était terrifiante, représentante lugubre d'une mort incertaine. Un cimetière, ridicule avec ses deux tombes sans corps, en décorait l'entrée. Un blond, fantôme perdu, pleurait devant l'une d'elles, ne croyant toujours pas à la mort de son meilleur ami.

Il s'était passé trois jours depuis le naufrage de la colonie, trois jours de recherche pour Emile, trois jours de soin pour Florian qui s'était cassé une jambe dans l'accident, trois jours de détresse pour Nina qui avait perdu son amie Romane et n'avait même pas sa fratrie pour l'épauler, trois jours de souffrance pour Tom qui regardait Marion embrasser Yanis chaque soir et chaque matin... Trois jours. C'était si long sur une île déserte.

Chacun avait sa façon bien à lui de gérer cette attente impossible vers leur mort prochaine ou, pour les plus optimistes, vers leur sauvetage in-extremis :
- Ludovic et Cassandra, comme Marion et Yanis, tuaient le temps ensemble, dans les buissons ;
- Nina se raccrochait avec désespoir à sa quête : avoir une relation avec sa demi-sœur et son demi-frère ;
- Émile errait sur l'île, pensant sans cesse à Tony et à ce qu'il aurait dû faire pour le retrouver plus vite ;
- Célia, aidée par son frère Oscar, ses amies Amélie et Laura ainsi que par Tom qui avait grand besoin de se changer les idées, s'organisait pour trouver des ressources primordiales à leur survie : de l'eau et de la nourriture.

———

Laura grimpait sur un arbre, attrapant les branches hautes avec ses bras agiles et s'appuyant sur les plus basses avec ses jambes entraînées. En sueur, son visage était rougi par l'effort tandis que ses cheveux bruns, rassemblés en une queue-de-cheval irrégulière, battaient l'air, suivant le moindre de ses mouvements. Elle était fatiguée mais elle ne lâchait pas prise, courageuse et sportive, elle avait l'habitude des longues tâches épuisantes.

— Laura ? C'est toi ? demanda soudain une voix féminine, rompant le calme paisible de la forêt.

La jeune femme s'arrêta un instant de ramasser les fruits de l'arbre pour regarder autour d'elle, elle aperçut une silhouette fine en contre-bas. Elle avait évidemment reconnu la voix, c'était celle de son irritante demi-sœur qui la suivait partout ces temps-ci. Depuis qu'ils avaient échoué sur l'île, elle ne cessait d'essayer de rentrer en contact avec elle. Cela l'agaçait particulièrement, elle n'avait aucune envie de lui parler ni même de faire la connaissance de cette seconde.

— Oui, qu'est-ce que tu veux ?

— Discuter.

— T'as pas des potes pour ça ?

— Je veux discuter avec toi, pas avec eux.

— Dommage pour toi, moi, je ne veux pas.

— Pourquoi ?

— Tu es à l'origine de la dépression de ma mère, du divorce de mes parents et de l'abandon de mon père, ça te suffit comme réponse ?

— Je n'y suis pour rien. Je n'ai pas choisi d'être à l'origine de tout ça, ce n'est pas ma faute.

— Possible, mais ça me donne pas pour autant envie de te parler. Maintenant, laisse-moi bosser, merci.

Nina partit sans un mot de plus, au moins, elle avait eu une conversation avec sa sœur, c'était déjà mieux que rien. Florian était peut-être plus ouvert ? Elle n'en savait encore rien, elle n'avait pas réussi à lui parler seule à seul depuis leur naufrage, il était toujours entouré soit d'Enzo soit de Mathieu, les deux autres animateurs. Quant à Laura, elle était souvent avec ses amies, deux terminales dont elle avait oublié les noms, aujourd'hui avait été la première fois où elle s'était retrouvée vraiment seule.