Les enfants Hasting furent rapidement accueillis par Ayren. Le jeune homme les attendait à l'entrée de la zone où il avait été placé avec Zyro. Johan se jeta dans ses bras, imité par Lola. Keira se montra moins démonstrative, remarquant immédiatement les hématomes sur le corps de leurs deux amis. Pour le sélénite, ce fut à la fois un moment de bonheur mais aussi d'embarras. Il n'avait jamais vraiment côtoyé d'enfants. Il répondit machinalement à leurs étreintes. Il nota lui aussi que les enfants avaient des bleus sur leurs bras, seules parties visibles de leurs corps, et que la plus jeune des sœurs était bien maigre. Il n'en fut pas surpris. Leur vie était devenue bien difficile.
La fratrie s'installa rapidement auprès d'Ayren qui semblait avoir été désigné comme son responsable. La chambre était occupée par Zyro, Naïra et Mirka et une autre famille. Il y avait une vieille dame nommée Séanna, avec sa fille Elnoa, son petit-fils Anahi et sa petite-fille Mélia. Les quatre avaient des cheveux blonds cendrés très pâle. Les trois filles avaient des yeux dont l'extérieur était bleu pâle et le centre d'un jaune translucide, proche de la citrine. Le garçon avait juste les yeux de la couleur de la citrine naturelle. C'était assez déstabilisant.
Quoi qu'il en soit, quatre adultes et six enfants dans une petite pièce, c'était assez difficile. Ils n'y allaient que pour dormir. Le reste du temps, Séanna emmenait les enfants dans un espace de jeu. Malgré la barrière de la langue, les petits arrivaient à tisser des liens. Ils apprenaient aussi petit à petit la langue de ce peuple.
Un soir, Ayren emmena les petits Hasting rencontrer les doyennes. C'était un groupe de femmes âgées qui était considérée comme des sages et des guérisseuses. Le but était d'aider les enfants à aller mieux. Keira fut la première. Comme souvent, elle se plaçait en première ligne si les jumeaux étaient impliqués.
Les doyennes étaient assises en cercle dans une petite pièce sombre, vêtues comme tout le monde d'un pyjama d'hôpital. Il y avait une couverture au sol. Ayren s'arrêta à la porte de la pièce. La fillette n'osa pas entrer. L'endroit l'impressionnait. Il n'y avait pas de raison. Juste cinq femmes en cercle avec des pierres autour d'elle.
« Entre Keira ! fit la plus âgée du groupe. Tu comprends ce que je dis ? »
La fillette opina. Elle comprenait de plus en plus. Des choses simples mais c'était mieux que rien. Elle fit quelques pas dans la salle mais s'arrêta. Une autre femme lui fit signe de s'installer au centre. A peine assise, les femmes la firent s'allonger les yeux fermés. Elles disposèrent alors les pierres à certains endroits de son corps. Ces dernières ressemblaient à des pierres de lune terrestre mais elles diffusaient de la chaleur dans tout le corps. Une chaleur douce et apaisante. Puis, les mains des femmes se mirent à manipuler son corps. Cela aurait pu être de simples massages mais elle sentait ses larmes couler. C'était comme si elles cherchaient à extraire sa douleur et sa colère. Keira s'endormit sans s'en rendre compte. Elle se réveilla dans son lit, avec Lola. Johan dormait également dans le sien.
« Te voilà réveillée. »
La fillette sursauta. Le docteur Meredith était assise sur une chaise au pied du lit. Elle se redressa et garda le silence. Elle n'aimait pas ce médecin.
« Tu as un bien joli bracelet. D'où vient-il ? »
Keira baissa les yeux vers ses mains. A son poignet gauche, un bijou était bien apparu. C'était un fin fil bleu avec trois petites pierres de lune. Elle ne se souvenait pas qu'on lui ait offert mais elle devinait que les doyennes étaient à l'origine de cet objet.
« C'est un cadeau, se contenta-t-elle de répondre.
— Je m'en doute.
— Que voulez-vous ?
— Je suis venue te rendre tes affaires. »
Le médecin posa les sacs des enfants sur le lit. Keira ne les avait pas vus depuis leur arrivée à l'hôpital. Des vêtements, des jouets et le téléphone de sa mère qui contenait les photos de la famille.
A la surprise de Keira, Meredith quitta la pièce sans rien demander d'autre. Bizarrement, cela ne fit qu'augmenter sa méfiance. Cette femme ne lui inspirait pas confiance.
« Keira ? »
Elle se tourna vers Anahi qui venait d'apparaître à la porte de leur chambre, juste après la sortie du médecin.
« Tu vas bien ?
— Oui... »
Elle lui fit signe d'approcher et déversa le contenu du sac de jouets sur son lit. Le garçon observa le tout avec intérêt. Elle, elle brancha son téléphone et l'alluma. Cela faisait si longtemps qu'elle n'avait pas vu ses parents. Elle avait l'impression d'oublier leur visage. Elle culpabilisait également d'oublier parfois de penser à eux. Sa vie n'avait plus rien à voir avec le passé. Avant, elle vivait avec ses parents.
Son père était anthropologue et sa mère sociologue. Ensemble, ils voyageaient à travers le monde pour se rendre dans des zones reculées où vivaient souvent des tribus loin du confort moderne. Autrefois, le couple emmenait leurs enfants. Après la naissance des jumeaux, la situation avait changé. Leur mère avait commencé à moins voyager pour s'occuper des trois enfants. La petite famille profitait des vacances pour partir à l'étranger. Les enfants Hasting avaient donc l'habitude de se retrouver au contact de peuples dont la langue et la culture différaient des leurs. Ils arrivaient toujours à créer du lien avec les enfants locaux, même sans les mots.
Là, la situation était différente. Keira avait bien compris que personne ne comptait la rendre à sa famille. D'ailleurs, qui les aurait recueillis ? Leur tante ? Elle n'avait pas eu de contact avec sa famille depuis presque treize ans. Aucun des enfants ne la connaissait.
Non, les enfants avaient compris que leur vie était avec Ayren maintenant. En soit, ce n'était pas si mal. Il était gentil et attentionné, même s'il avait dû mal avec les démonstrations d'affection. Mais cela signifiait vivre parmi les sélénites. Les trois enfants faisaient donc de leur mieux pour s'intégrer. Ils apprenaient petit à petit la langue et les gestes qui l'accompagner. Saluer en mettant la main sur le cœur et en s'inclinant, remercier en mettant les deux mains sur le cœur et en inclinant. Lever les bras n'était pas un signe de reddition mais d'agressivité. Il fallait poser genou à terre pour se soumettre, avec les mains croisées sur les cuisses. Des détails mais cela faisait toute la différence.
« Ce sont tes parents ?
— Oui...
— Mon père est derait aussi. »
Keira se tourna vers le garçon. Parfois un mot lui échappait mais elle comprenait le sens. Elle lui demanda de l'écrire dans son calepin qu'elle avait trouvé. Elle ajouta la phonétique à côté et la traduction. C'était comme ça qu'elle apprenait.
« Des fois j'oublie leurs visages... »
Le garçon ne comprit pas sa phrase. Parfois, quand elle ne savait pas, elle parlait dans sa langue. Anahi posa alors sa main sur sa tempe. C'était toujours une expérience étrange. Keira ferma les yeux et tenta de visualiser sa phrase pour qu'il comprenne. Elle fit apparaître mentalement ses parents et effaça doucement leur visage. Anahi pouvait le voir par simple contact cutanée. C'était un de leur mode de communication, une particularité du garçon.
Soudain, des cris se firent entendre. Les jumeaux se réveillèrent en sursaut. La violence était devenue courante. Les deux grands se levèrent pour se rendre à la porte de leur chambre.
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L'exil de la Lune
Science-FictionEt si, pour une fois, on tendait la main aux autres plutôt que de frapper et de parler ensuite ? Ça serait bien, non ? Et si on arrêtait de détourner le regard ? Ça serait bien, non ? Ils sont tombés du ciel et n'avaient aucun endroit où aller. Ils...