Dès qu’Angela ouvrit les yeux, la lumière aveuglante lui vrilla le cerveau. Tout son corps était douloureux, installé dans une position inconfortable, et la raideur dans sa nuque fit gémir ses cervicales.
Sous ses mains, un drap glacé. Elle fronça les sourcils. Alors que son corps s’éveillait, lentement, sous l’effet des courbatures, elle comprit qu’elle n’était pas à sa place. Que faisait-elle dans cet endroit qui sentait le détergent et les désinfectants ?
Elle se redressa, ses articulations craquant violemment. Ses paupières refusèrent un instant de s’ouvrir, mais, au prix d’un ultime effort, son regard se posa enfin sur le lit devant elle.
Un hoquet souleva soudain son estomac. Sa tête éclata comme une bouteille jetée à la volée, alors que les minuscules débris de verre venaient s’encastrer dans ses tempes, l’obligeant à se baisser pour vomir sur le sol.
Là, devant elle, gisait son frère. Son corps raidi par l’inconscience était bardé de tuyaux, et un épais bandage enserrait son ventre. Dans toute cette insoutenable blancheur, seul le pourpre insolent du sang se détachait, là où la balle avait traversé l’abdomen de Raul.
Angela entendit à peine les infirmières pénétrer dans la chambre. Déjà, les larmes roulaient à gros bouillon sur ses joues, et les hoquets de ses sanglots avaient remplacé ceux de la nausée. Des bras l’attrapèrent par les aisselles, l’aidant à se relever. Des balais virevoltèrent pour nettoyer le produit de sa douleur. Tout tournait si vite devant ses yeux qu’elle eut l’impression de tomber dans un gouffre infini, alors qu’on l’asseyait sur un fauteuil.
C’était impossible. Cela ne pouvait pas être vrai. Elle secoua la tête, alors que son esprit refusait d’accepter la vérité.
Puis soudain, les images s’imposèrent à elle, insupportables vignettes d’une soirée qui n’aurait jamais dû avoir lieu. Julio distribuant les armes. Raul, James, Marco et Willy se répartissant les tâches. Les pétarades de la Chevrolet de James. Et l’attente, cachés derrière un angle de rue, devant le bar de Tommy, leur pire ennemi.
Ils avaient décidé de passer aux choses sérieuses, cette fois, et elle avait insisté pour les accompagner. Mais soudain, tout avait tourné au cauchemar. Alors qu’ils lançaient leur attaque, et que les voitures explosaient dans un déluge des tôles calcinées, cet homme avait surgi derrière eux. Il avait levé son arme, et sans qu’elle puisse faire un mouvement, avait abattu Raul dans la folie de cette nuit enflammée.
Elle suffoqua, la gorge nouée, et secoua la tête, refusant la réalité. Son frère était sa seule famille. Il ne pouvait pas mourir, pas lui…
Les larmes continuaient de rouler sur ses joues, et un froid polaire avait envahi sa poitrine. Jamais elle ne s’était sentie aussi seule. Même en ce jour maudit où leurs parents avaient percuté ce camion, il avait été là pour la réconforter. Mais aujourd’hui, dans les bras de qui pouvait-elle pleurer ?
A travers le voile de ses larmes, Raul n’était plus qu’un ange de cire dont les cheveux trop sombres mangeaient le visage. Elle ne savait plus s’il était mort ou vivant, tant il avait l’air d’un cadavre.
Elle glissa sa main dans celle, glacée, de son frère, et la serra aussi fort qu’elle le put. Mais il ne pouvait y avoir de miracle. Elle savait que la vie ne faisait pas de cadeau pour les gens de son monde.
La veille seulement, il se tenait près d’elle, essayant de la protéger des explosions. Elle se souvenait encore avec netteté de la chaleur de sa main posée sur son épaule, cette main qui lui disait « courage, tu verras, nous allons réussir ».
Alors, les sanglots écrasèrent de nouveau sa poitrine, et elle se laissa glisser, à demi inconsciente, sur le lit d’hôpital.
De retour dans le quartier où elle avait grandi, elle se rendit d’abord au terrain de basket, mais il était désespérément vide. De l’autre côté de la rue se dressait une maison à demi délabrée, dont la porte de bois couverte de lierre laissait entrevoir quelques vestiges de peinture écaillée. C’était là que vivait Julio, cet homme taciturne qui dirigeait les activités de leur gang, et qu’elle avait toujours évité de fréquenter de trop près.

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Le médaillon de Bayah
ParanormalAngela se retrouve seule alors que son frère est blessé. Elle ne trouve de l'aide qu'auprès de celui qui l'effraie. Mais bientôt, grâce a un étrange bijou, ses rêves l'entraînent dans un autre monde... Où elle rencontre un prince qui l'aimera plus...