AYAKASHI TALES 妖怪 ➙ Recueil d'OS Yōkai et Légendes

I - En attente de la mort 死

Époque Sengoku, 1477

Chaque jour, au même endroit, à la même heure, à la minute prêt, un homme d'une vingtaine d'années coiffé d'un chignon pouvait être aperçu le long des rives du lac Kawaguchi au Nord du mont Fuji. Habituellement, il s'asseyait en tailleur alors qu'il observait inlassablement les immuables flots, offrant le plus beau spot sur le mont tandis que son image se reflétait à sa surface. Des coupelles de saké étaient toujours posées sur une souche d'arbre, deux plus précisément. L'une d'elle finissait toujours vide, voir la bouteille toute entière, tandis que l'autre était laissée tel quelle, comme pour partager cette boisson avec une personne qui n'était plus là, plus de ce monde. Une fois le sang plein d'alcool, il finissait généralement en larmes, à crier des lamentations que personne ne pouvait entendre dans ce lieu si serein et reculé.

Mais ce jour-ci, tout était différent. Sans s'en apercevoir, une silhouette se tenait derrière, observant silencieusement la scène. C'était un homme haut d'un mètre quatre-vingt-dix, à l'allure guindée. Ses cheveux noirs étaient raides avec une raie au milieu et le front dégagé, dont une partie était attachée à l'arrière par une sorte de broche qui luisait sous les rayonnements du soleil. Le reste au milieu tombait jusqu'à ses chevilles. Appelée Taregami, cette coupe de cheveux étaient habituellement réservée aux jeunes femmes à l'époque Heian.

Les vêtements qu'il arborait étaient également intrigants. C'était un uniforme, celui d'un purificateur d'Ayakashi comme on les surnommait, qui consiste en une veste en gakuran noire, un haori aux motifs Seigaiha, des motifs constitués de 4 cercles superposés qui se chevauchent. Le pantalon bouffant qui lui servait de bas était attaché à la taille par une corde rouge et blanche, et enfin, il portait des tabi, ainsi que des zōri à ses pieds.

- Regarde ce que tu es devenu, Kanpō-i. C'est pitoyable.

Il lança un regard vers cet étranger, tandis que la bouteille de saké se vidait de plus en plus dans sa bouche.

- Yūrei, c'est bien toi ? Comment... demanda t-il alors que sa bouche se sépara du goulot, et fit tomber la bouteille sur le sol, le recouvrant de dizaine de morceaux de verre brisé.

Des larmes lui montèrent rapidement aux yeux, tandis que milles souvenirs du bon vieux temps refirent surface. Un bref instant, il sentit une chaleur envahir sa poitrine, apaisé par ces retrouvailles qu'il avait tant attendu.

- Je suis revenu te voir, mon vieil ami. Tu sembles être perdu au fond de toi même. Laisse moi te redonner un but, un chemin à suivre désormais.

Kanpō-i n'écoutait presque plus. Le temps s'était arrêté dès l'instant où son regard s'était mélangé à celui de Yūrei.

- Regarde mon visage. M'as-tu déjà vu aussi bas ? Je ne suis plus rien, plus que l'ombre de l'homme que j'étais quand elle était encore là...répliqua t-il en observant la flaque de saké s'infiltrer dans la terre.

- Osore n'est plus de ce monde depuis bientôt 5 ans, tu dois t'y faire et penser à ce pourquoi tu es toujours présent parmi les vivants. Et c'est pour ça que je suis là.

- Pour une affaire croustillante que tu aimes tant résoudre ? Désolé, mais je n'exerce plus. Je ne suis qu'un simple herboriste alcoolique désormais.

- Rappelles toi touts ces combats, toutes ces âmes sauvées grâce à notre travail, et à la fois notre fardeau. Tu ne peux pas le nier, tu es né et tu as grandi pour servir et protéger la population. En parlant d'affaire, on m'a rapporté à Fujiyoshida un cas assez rare. Un ayakashi qui pousserait les habitants au suicide près de la berge. Cela ne te rappelle donc rien ?